La voix de Dieu en nous Jérémie 1:4-19 dimanche 31
janvier 2016
Jérémie 1 : 4-19
4 La parole du SEIGNEUR me parvint : 5 Avant que je ne te façonne dans le
ventre de ta mère, je t'avais distingué ; avant que tu ne sortes de son sein,je
t'avais consacré : je t'avais fait prophète pour les nations.
6 Je répondis : Ah ! Seigneur DIEU, je ne saurais pas parler, je suis trop
jeune ! 7 Mais le SEIGNEUR me dit : Ne dis pas : « Je suis trop jeune. » Car tu
iras vers tous ceux à qui je t'enverrai, et tu diras tout ce que je
t'ordonnerai. 8 N'aie pas peur d'eux, car je suis avec toi pour te délivrer.
9 Alors le SEIGNEUR étendit la main et toucha ma bouche ; puis le SEIGNEUR
me dit : J'ai mis mes paroles dans ta bouche. 10 Regarde, je te donne en ce
jour autorité sur les nations et sur les royaumes pour déraciner, pour démolir,
pour faire disparaître, pour raser, mais aussi pour bâtir et pour planter.
11 La parole du SEIGNEUR me parvint : Que vois-tu, Jérémie ? Je répondis :
Je vois une branche d'amandier — de « l'arbre-veilleur ». 12 Et le SEIGNEUR me
dit : Tu as bien vu ; car je veille sur ma parole pour l'accomplir. 13 La
parole du SEIGNEUR me parvint une deuxième fois : Que vois-tu ? Je répondis :
Je vois une marmite qui bouillonne du côté du nord. 14 Et le SEIGNEUR me dit :
C'est du nord que le malheur déferlera sur tous les habitants du pays.15
Oui, j'appelle tous les clans des royaumes du nord — déclaration du SEIGNEUR.
Ils viendront, et chacun d'eux placera son trône à l'entrée des portes de
Jérusalem, devant ses murailles, tout autour, et devant toutes les villes de
Juda. 16 Je prononcerai mes jugements contre eux à cause de tout le mal qu'ils
font : ils m'ont abandonné, ils offrent de l'encens à d'autres dieux, ils se
prosternent devant l'œuvre de leurs mains.
17 Quant à toi, tu passeras une ceinture à tes reins, tu te lèveras et tu
leur diras tout ce que, moi, je t'ordonnerai. Ne sois pas terrifié par eux, de
peur que je ne te terrifie devant eux.
18 Moi, aujourd'hui, j'ai fait de toi une ville forte, une colonne de fer,
une muraille de bronze, face à tout le pays : devant les rois de Juda et ses
princes, ses prêtres et le peuple du pays. 19I ls te feront la guerre, mais ils
ne l'emporteront pas sur toi, car je suis avec toi — déclaration du SEIGNEUR —
pour te délivrer.
Comment savoir quand Dieu
parle ? Il arrive qu'au cours de nos méditations, nous ayons l'impression d'être habités par des idées qui ne semblent pas nous appartenir et que nous assimilerions volontiers à l'écho de la voix de Dieu. Mais ces voix qui raisonnent en nous viennent-elles de lui ou
sont-elles le produit de nos fantasmes ? Comment ne pas s’interroger,
quand aujourd’hui des jeunes croient recevoir de Dieu l’injonction de tuer les infidèles et qu'ils obéissent aveuglément? Même si ce phénomène se produit dans une autre religion que la nôtre, il s’est
aussi manifesté dans le passé dans la nôtre à plusieurs époques de notre histoire. Ce phénomène qui se produit par moment au cours des siècles nous
fait douter aujourd’hui de la capacité de Dieu de nous parler.
Mais si Dieu parle encore,
il est important de comprendre comment il le fait. L’injonction de tuer les infidèles ne semble
pas correspondre à ce que nous pouvons entendre de lui, puisque l’Écriture, les
Ecritures, devrais-je dire, en font de Dieu le pourvoyeur de la vie il est plus
logique de penser qu’il nous envoie redresser des vies plutôt que de les
détruire. Mais comment est-il possible d’entendre son exhortation à agir ?
La jeunesse est généreuse et impulsive,
elle recherche en Dieu des complicités que l’évolution du temps ne justifie pas
forcément. Elle ignore la sagesse que donne l’âge mûr et se rit des difficultés
qui n’ont pas encore surgies sous ses pas. Il y a souvent un Marco Polo, un Christophe
Colomb ou une Mère Thérésa qui sommeillent en eux, et il leur est
agréable de penser que c’est Dieu qui les stimule sur le chemin de la vie et
de l’aventure.
La vie s’écoulant, étant devenus plus mûrs, nous découvrons
que ces projets n’ont pas pris corps, nous avons fait autre chose, et nous ne savons plus vraiment si Dieu habitait
ces projets. Avec le temps, ce que nous
avons perçu comme sa voix s’est confronté à notre raison qui a pris le dessus. Nos passions et nos désirs ont changé d’orientation, si bien que
nous avons confondu entre elles toutes ces idées, généreuses ou pas, en un écheveau singulier dans lequel il est impossible de discerner la
voix de Dieu d’une manière précise.
Sans doute l’expérience spirituelle de Jérémie qui nous a été relatée ce
matin a-t-elle fonctionné en lui, comme nous venons de le relater. La voix de
Dieu lui est parvenue au milieu d’un chaos de contradictions parmi les quelles
il a du faire le tri : « Avant que je te façonne dans le ventre de ta mère, je
t’avais choisi ! » avait-il entendu. Ces paroles nous ont été rapportées comme
le récit clair et précis de sa vocation. Il a cru
les entendre quand il n’était encore
qu’un adolescent et qu’il était destiné par les lois de sa naissance à exercer la
prêtrise dans un modeste sanctuaire de province. Il a rapporté ces propos et les a mis par
écrit bien plus tard (1)
A un moment de sa prodigieuse carrière,
Jérémie a fait le point sur sa vie écoulée. Il a mesuré la distance parcourue,
il s’est souvenu de son obscure origine et de ses rêves d’enfant. II a réalisé
que Dieu l’avait accompagné malgré les revers qu’il a affrontés. Si depuis sa
plus tendre enfance la voix de Dieu a raisonné en lui, ce ne fut cependant pas
d’une manière aussi claire que ce texte a bien voulu le dire. Quiconque connaît
un peu son histoire sait que pour accomplir sa fonction de prophète, il est
passé par des moments de doute terrible, y compris le doute de Dieu.
Comment pouvait-il entendre Dieu lui
parler alors que tout se dressait contre lui et que dans son cœur le doute
s’était installé ? Loin d’être une conversation intime avec Dieu sa prière a
souvent ressemblé à un réquisitoire redoutable contre lui. « Tu m’as séduit
Seigneur et je me suis laissé séduire » disait-il, mais il gardait en lui une
intuition de Dieu dont il ne se départit jamais. Il était persuadé que Dieu
était venu à lui comme son libérateur et le libérateur de son peuple. Était-ce
de la foi ? Était-ce la vanité de croire qu’il avait seul, raison contre tous ?
La réalité se présentait
comme bien différente. Il percevait Dieu comme celui qui démolissait son peuple
et qui se servait de lui pour le faire. « Je t’envoie pour arracher et abattre,
pour que tu fasses périr et que tu détruises, pour que tu bâtisses et que tu
plantes » avait-il aussi cru entendre. Ces paroles pouvaient-elle être celles
de Dieu ? Comment proclamer la bienveillance d’un Dieu libérateur avec une
telle vocation ?
Pour Jérémie la relation avec Dieu était d’abord une relation du cœur. Elle
lui a servi de fil conducteur. Malgré tout, il croyait profondément à la
fidélité de son Dieu, mais les événements semblaient dire le contraire. Il se
sentait contraint par Dieu de faire autre chose que ce qu'il éprouvait dans sa sensibilité
profonde. Sa foi en était ébranlée, sa vocation chancelait et le fil conducteur
de sa vie était prêt à se rompre.
Il pensait cependant que Dieu qui
l’entraînait dans cette voie le confortait malgré tout dans les convictions
profondes qui étaient les siennes. La seule Parole qui le motivait se trouve en
conclusion du récit de sa vocation : « ne crains rien, je suis là pour te
libérer. »
Après cette
incursion dans la vie de Jérémie, il est temps maintenant de revenir à nous-mêmes. Quand chaque croyant se remémore son passé, il se demande si Dieu a joué un
rôle dans sa vie et s’il a bien entendu la voix de Dieu au moment où il a cru
l’entendre. Il se demande si Dieu a pris part aux grandes orientations de son
existence et s’il s’est opposé aux projets qui n’ont pas abouti. Comme pour
Jérémie, quand nous faisons le point sur notre existence passée, nous cherchons
dans les méandres de notre vie l’empreinte de Dieu et nous nous interrogeons
pour savoir comment Dieu s’est servi de nos penchants pour faire naître en nous
des désirs et orienter nos choix. Comme Jérémie l’a fait avant nous, il nous
faut repérer le fil conducteur qui a guidé notre vie et qui a permis à Dieu
d’intervenir dans nos décisions.
Ce fil est comme tous les fils, il présente des nœuds tout embrouillés et
on ne sait pas comment démêler les différentes parties de cet écheveau
inextricable. On sait cependant, sans trop savoir comment, que Dieu a marqué de
sa présence cet embrouillamini dont quelques chose de bon a réussi à se
maintenir. Parfois le fil nous apparaît comme rompu, nous révélant alors nos
ruptures avec Dieu.
Nous n’ignorons pas qu’il est toujours
possible de renouer les deux bouts d’un fil cassé. C’est Dieu qui nous pousse à
le faire. Quand les deux extrémités de ce fil sont renouées la relation avec
Dieu se rétablit même si elle a été interrompue depuis de nombreuses années et
des nouveaux projets peuvent naître sous son inspiration.
Certainement le fil qui a marqué le cours
de la vie de Jérémie s’est rompu à plusieurs reprises. Il est évident que les
moments de désespoir ont emmêlé les fils d’une manière inextricable, mais pour
ne pas perdre le sens de la vie, le prophète a toujours su maintenir les liens
car il ne s’est jamais départi de la certitude selon laquelle, Dieu était
toujours celui qui sauve. Même quand on croit que le fil est rompu et même
quand on ne sait plus ce que signifie le mot de salut, Dieu maintient toujours
en nous son empreinte grâce à laquelle les liens les plus emmêlés redonnent
sens à nos existences. Dieu ne cesse jamais d’être présent dans notre vie, même
quand les événements semblent le démentir.
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(1) Tout porte à croire
en effet que Jérémie descendait d’Abiatar, ce grand prêtre exilé à Anatot par
Salomon pour haute trahison. Il fut réduit à la portions congrue de la desserte
du sanctuaire local. Ses descendants auraient hérité à la fois de la fonction
et de la malédiction. Jérémie se trouve au rang de ceux là.
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