vendredi 26 mars 2010

Thomas : Jean 20:19-29 dimanche 11 avril




Jean 20:19-29

Le soir de ce jour-là, qui était le premier de la semaine, alors que les portes de l'endroit où se trouvaient les disciples étaient fermées, par crainte des Juifs, Jésus vint ; debout au milieu d'eux, il leur dit : Que la paix soit avec vous ! 20 Quand il eut dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples se réjouirent de voir le Seigneur. 21 Jésus leur dit à nouveau : Que la paix soit avec vous ! Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie. 22 Après avoir dit cela, il souffla sur eux et leur dit : Recevez l'Esprit saint. 23 A qui vous pardonnerez les péchés, ceux-ci sont pardonnés ; à qui vous les retiendrez, ils sont retenus. 24 Thomas, celui qu'on appelle le Jumeau (Dydime), l'un des Douze, n'était pas avec eux lorsque Jésus vint. 25 Les autres disciples lui dirent donc : Nous avons vu le Seigneur. Mais lui leur dit : Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous et ma main dans son côté, je ne le croirai jamais !

26 Huit jours après, ses disciples étaient de nouveau dans la maison, et Thomas avec eux. Jésus vient, alors que les portes étaient fermées ; debout au milieu d'eux, il leur dit : Que la paix soit avec vous ! 27 Puis il dit à Thomas : Avance ici ton doigt, regarde mes mains, avance ta main et mets-la dans mon côté ! Ne sois pas un incroyant, deviens un homme de foi ! 28 Thomas lui répondit : Mon Seigneur, mon Dieu ! 29 Jésus lui dit : Parce que tu m'as vu, tu es convaincu ? Heureux ceux qui croient sans avoir vu !

Aujourd’hui encore, nous allons partir à la recherche de la vérité sur notre âme. Il va être à nouveau question de résurrection, d’éternité et d’au-delà. Chaque fois, sans doute que ces questions sont abordées, nous ressentons des impressions contradictoires. Nous avons à la fois peur d’être ébranlés dans nos convictions et nous sommes désireux d’être confrontés dans nos constructions intellectuelles au sujet de ce fondement de notre foi qui est la résurrection. Nous ne nous lassons jamais d’aborder cette question, comme si elle n’était jamais un acquis définitif et comme si elle était toujours plus ou moins remise en cause par les événements de notre existence.

Nous ne pouvons pas non plus ne pas nous interroger sur le lourd silence de Dieu qui semble se taire et ne jamais répondre à nos questions angoissées sur l’avenir du monde et celui de nos personnes. Las de nous questionnements, nous avons parfois l’impression d’être bien seuls dans la cour des grands. On pourrait se demander si ce n’est pas parce que nous sommes si peu sûrs de nous que nous abordons si souvent la question de l’au-delà.

En fait la question du sens ultime de notre vie est au cœur de nos préoccupations, mais si nous y revenons aussi souvent ce n’est pas par inquiétude, c’est pour notre confort et notre plaisir car il nous est agréable et réconfortant d’entendre une fois de plus que nous sommes aimés de Dieu. C’est notre plaisir et notre joie de nous identifier à Dydime qu’on appelle aussi Thomas, ce nom signifie jumeau, mais jumeau de qui ? Il est le héros de cette histoire, c’est pour lui que le Seigneur revient tout spécialement du néant pour l’aider à structurer sa foi. N’est-il pas gratifiant de nous dire que le Seigneur revient spécialement du néant pour chacun de nous et qu’il s’intéresse à nous comme à la brebis perdue ou comme à cet incrédule de Thomas dont nos sommes la copie conforme. C’est notre plaisir de nous sentir cajolés par Dieu, car il y a un aspect confortable dans la foi chrétienne, celui de nous savoir dans une profonde relation d’amitié avec Dieu.

Nous allons donc aujourd’hui, nous promener avec délice sur les chemins du salut, comme on le ferait dans un jardin dont on connaît tous les recoins mais que l’on s’émerveille de retrouver différent à chaque promenade que nous y faisons. Rien n’est vraiment semblable à la visite précédente car chaque fleur, chaque brin d’herbe est une réalité vivante, et parce qu’elle est vivante la vie lui donne un aspect toujours changeant, ce qui fait que le jardin ravissant n’est jamais le même. Il en va de même pour le mystère de notre foi en la résurrection. Elle est certes, toujours la même, mais elle prend des colorations et des nuances différentes suivant les tonalités sur lesquelles il nous est proposé d’insister. Chaque lecture nous apporte un nouvel éclat, chaque commentaire un nouveau parfum et chaque fois notre relation à Dieu s’en trouve grandie, et notre foi n’en devient que plus vivante.

Pourtant, si Marie Madeleine découvre le ressuscité dans un jardin, les disciples apeurés le découvrent eux, dans une maison qu’ils ont transformée en un tombeau qu’ils ont refermé sur eux-mêmes. La nuit les environne et le lieu où ils se sont réfugiés est colmaté de l’intérieur pour les protéger contre tout danger pouvant venir du dehors. Pour eux le danger ne peut venir que de dehors et la sécurité ne peut être que dedans, même si ce dedans ressemble à une tombe, un lieu de néant et de déstructuration de l’individu. Nos protections humaines sont bien souvent dérisoires, mais nous avons confiance en elles. Pourtant, comme on va le voir, la vérité est tout autre. La vérité apparaît comme si les choses étaient inversées. La vie vient de l’extérieur que les apôtres redoutent tant, et la protection qu’ils se sont donnés ne peut que les enfermer dans la mort.

Dans cette tombe organisée par leurs soins pour se protéger, Jésus vient. Il bouscule leurs défenses. Il vient de dehors, là où ils croient qu’il y a du danger et il apporte la vie là où règne la crainte de la mort. Il nous est redit ici, que l’homme n’est pas capable de créer la vie et quand il veut l’organiser pour se rassurer, il ne fait que gérer un espace de mort, car la vie vient d’ailleurs et l’homme ne la maîtrise pas. La vie vient d’ailleurs d’une manière surprenante. C’est ce Jésus qu’ils ont déposé mort dans sa tombe, qui apporte la vie en pénétrant vivant dans leur tombe à eux. Comment s’y prend-il ? Personne ne s’en soucie mais tous en éprouvent de la joie. Pour participer à cette vie qui vient d’ailleurs, il faut d’abord identifier celui qui la donne : Jésus !

Il se fait reconnaître comme celui qui a dépassé la mort (Il montre ses mains et son côté). Nous sommes dans un processus de dépassement que seul Jésus peut réaliser pour nous, en notre présence. Thomas qui n’est pas là ne peut ni ne veut participer à leur expérience. Il ne partage ni leur joie ni leur certitude. Il est en dehors de l’espérance parce qu’il lui faut faire l’expérience de la rencontre.

La foi ne se communique pas d’homme à homme. Les certitudes qui font vivre les uns ne peuvent faire vivre les autres tant qu’ils n’ont pas fait leur propre expérience spirituelle et leur propre rencontre avec Dieu. Certainement les apôtres savaient tout sur la résurrection. Depuis longtemps, il était acquis que Dieu ne pouvait pas abandonner ses fidèles dans le séjour des morts, mais cela ne leur servait à rien. Cette certitude ne leur était pas d’un grand secours dans le drame qu’ils vivaient. Les choix intellectuels ne peuvent remplacer les certitudes de la foi. Des livres ont été écrits, des débats télévisés ont été organisés, des cafés philo ou des cafés théo ou des cafés psycho se tiennent régulièrement pour parler des mystères de l’au-delà. Certains même cherchent des preuves évidentes de la survie de l’âme voire même de son immortalité. Et certains croient même apporter des preuves. Et après?

Les convictions des uns aident certainement les autres à forger les leurs, et c’est bien. Elles sont parfois en opposition et curieusement ont arrive à construire des systèmes avec des éléments qui se contredisent. Certains expliquent par exemple d’une manière qui leur parait logique qu’il n’y a ni opposition ni contradiction entre métempsycose et résurrection? Bien que cela semble surprenant, est-ce que cela dérange quelqu’un? Chacun a le droit de se promener dans les méandres des Ecritures et d’y trouver ce qu’il a envie d’y trouver. Mais cela ne remplace pas la rencontre qui suscite la foi. L’événement fondateur de la foi reste la rencontre avec le ressuscité quelle que soit la forme que prend cette rencontre.

Dans ce passage le ressuscité force les préventions des hommes apeurés. Il ne se préoccupe pas de leurs a priori théologiques. Il souffle la vie sur eux. Il organise pour ceux qui sont là un projet de vie qui les provoque et nous provoque aussi d’une manière surprenante. C’est comme s’ils étaient déjà ressuscités. La rencontre avec le ressuscité est tellement forte qu’elle supprime par avance l’épisode douloureux de la mort de chacun. C’est comme s’ils ne devaient pas mourir. Tout en étant toujours ici bas, ils sont déjà ressuscités. Cet événement se produit chaque fois que quelqu’un, est confronté avec la résurrection.

Huit jour après ce sera Thomas, qui en fera l’expérience, et puis après lui, il y en aura des milliers. Il ne sera même plus besoin de voir le ressuscité, il suffit de recevoir d’une manière ou d’une autre l’intime conviction de sa présence. Il nous appartient alors de construire notre existence terrestre en tenant compte de cet acquis que Jésus ne remet pas en cause. Bien que vivant dans ce monde, nous sommes déjà au bénéfice de la résurrection.

On devrait bien évidemment s’arrêter là, et c’est ce que je vais faire. La promenade que nous avons commencée dans le jardin des Ecritures doit s’arrêter, car nous n’avons pas encore fini de le visiter. Il faudra y faire d’autres parcours, car il reste des zones d’ombres, des sentiers inexplorés. Il y a toujours et encore des résistances en nous. Si nous sommes ressuscités, nous ne le sommes qu’en devenir, si nous devons devenir parfaits, nous ne le sommes pas encore, ça se verrait. Nous ne pouvons pas ignorer qu’il y a encore des mauvaises herbes qui encombrent les parterres. Ce sont les doutes de notre vie. Nous ne pouvons pas non plus ignorer les pierres du chemin qui nous font tomber au risque de nous blesser profondément. Les handicaps de la vie et les provocations de l’histoire ne sauraient cependant altérer la conviction que la partie est gagnée. Cela ne peut pas remettre en cause la beauté du jardin divin où j’ai essayé de faire quelques pas avec vous. Cela vous invite simplement à faire chaque jour une nouvelle promenade en compagnie de celui qui vous a déjà ressuscité, car plus vous vous y promènerez, plus vous trouverez que ce jardin est joli, plus les mauvaises herbes disparaîtront et mieux vous saurez contourner les pierres du chemin. Amen.


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