samedi 3 avril 2010

Les moutons Jean 10:27-30 dimanche 25 avril 2010



Jean 10/27-30


Mes moutons entendent ma voix. Moi, je les connais, et ils me suivent. 28 Et moi, je leur donne la vie éternelle ; ils ne se perdront jamais, et personne ne les arrachera de ma main. 29 Ce que mon Père m'a donné est plus grand que tout — et personne ne peut l'arracher de la main du Père. 30 Moi et le Père, nous sommes un.



Depuis l’école primaire notre esprit est habité par l’image d’un agneau qui se désaltérait dans le courant d’une onde pure. Il avait l’innocence de l’enfant qui tète encore sa mère et n’avait aucune raison de subir l’arrogance d’un loup que la faim avait attiré en ces lieux. La morale de l’histoire est désolante. Pourtant combien de bambins n’ont-ils pas été contraints d’apprendre par cœur cette histoire lamentable au risque de voir leur inconscient déformé à tout jamais par l’affirmation selon laquelle la raison du plus fort est toujours la meilleure. Cette fable mémorisée par tant de têtes blondes n’a-t-elle pas contribué à conforter les plus vaillants dans leur bon droit, sans parler de l’effet néfaste qu’elle a pu avoir sur les plus vulnérables.

En dépit de cette histoire, si les agneaux contribuent encore à attendrir les humains, c’est qu’ils sont mignons, par contre ce même Monsieur de La Fontaine classe les moutons et autres espèces parmi les animaux stupides, et cette idée reste profondément ancrée dans l’opinion.

Il faudra alors qu’un petit prince descende de ses nuages pour remettre le mouton à sa place. Il éprouve de la sollicitude pour ce petit animal. Il s’inquiète à son sujet, parce qu’il pourrait bien manger sa fleur. Par le truchement d’Antoine de Saint Exupéry, voilà enfin le mouton redevenu un animal fréquentable. Il est même le sujet d’un entretien philosophique entre l’enfant et l’aviateur perdu dans les sables. Nous sommes inévitablement gagnés par la logique de l’enfant. Nous sommes alors surpris que l’aviateur tourmenté par son problème de survie ne partage pas davantage le souci du petit prince inquiet du sort de son mouton.

Jésus aurait sans doute trouvé beaucoup de saveur dans cette histoire, parce que lui aussi s’est intéressé au sort des brebis, perdues dans le désert ou menacées par les voleurs. Il a même consacré tout le chapitre 10 de l’Evangile de Jean à nous parler de son souci à propos du sort des moutons. Le sermon d’aujourd’hui va s’appuyer sur un tout petit passage de ce long chapitre pour se demander pourquoi et comment Jésus leur promet une part de son éternité.

Sans doute, comme le petit Prince, Jésus se montrerait-il plus sensible au problème du mouton qu’à celui du pilote absorbé, par ses ennuis de moteur. Vue par un enfant la situation prend une autre tournure, car il est plus important pour lui de savoir dessiner un mouton que de réussir à démarrer un moteur en plein désert ! Sans doute les contemporains de Jésus ont-ils eu, eux aussi beaucoup de mal à le suivre dans ses élucubrations au sujet des moutons.

Jésus ne voyait aucun intérêt économique à prendre soin de ces animaux. Il n’envisageait pas d’en faire commerce pour les sacrifices du temple. Il ne voyait pas en eux des bêtes de boucherie, il ne cherchait pas à leur tondre la laine sur le dos, ni à les traire en vue de faire du fromage. Mais à quoi lui servaient-ils ?

- A rien !

Les brebis, dans ce récit n’ont aucune utilité. Le berger à qui Jésus s’identifie, n’a qu’un but c’est celui de les faire paître dans des près d’herbe tendre. Son seul souci, c’est celui de leur assurer le plus de confort possible. Jésus nous transporte donc dans un univers étrange, celui de la gratuité. Le berger s’active sans aucune rentabilité, et les brebis en s’engraissant n’ont aucune autre fonction, si non celle de faire la joie de leur berger.

Bien évidemment nous sommes invités à nous retrouver dans le rôle des brebis. Mais si les brebis n’ont pas de rôle à jouer, qu’en est-il de nous ? Avons-nous un rôle à jouer, et quel est le but recherché par Dieu en nous accordant la vie éternelle ? Aucun, si non son plaisir. Notre fonction sur cette terre serait donc de remplir Dieu de bonheur. Nous voila transportés aux antipodes de ce que notre société nous propose aujourd’hui quand elle nous explique qu’il n’y a pas d’avenir sans rentabilité et que la rentabilité ne peut s’obtenir sans l’efficacité. Aux yeux de Dieu la réalité du monde se conjugue en d’autres termes et Jésus privilégierait volontiers les mots d’amour et de partage à ceux de rentabilité et d’efficacité.

Apparemment Jésus n’appartient pas à la même planète que ceux qui nous dirigent, il est comme le petit prince plus soucieux de la survie d’une fleur, d’un mouton ou d’un renard, que du bon fonctionnement d’un moteur d’avion. Bien évidemment il ne faut pas être naïf, nous devons quand même revenir dans notre société, car notre vie ne se déroule pas dans le rêve mais dans la réalité. Notre vie sur terre ne peut se résumer à cultiver un farniente inutile qui finirait par être tout à fait ennuyeux. Mais ce n’est pas non plus ce que Jésus veut nous dire. Il veut simplement nous rappeler que le but de notre vie c’est en priorité de faire plaisir à Dieu. Dieu, quand à lui, se réjouit quand les choses vont bien, il se réjouit quand la terre tourne correctement sur son axe et que les choses se passent parmi les hommes comme il le souhaite. Pour cela il faut que le respect de l’autre, l’amour du prochain, le partage des biens, la paix et la justice sociale soient au centre de nos activités et de nos soucis. Quand tout cela est respecté, les rouages du monde son bien huilés, et Dieu est satisfait. Tout cela n’exclue pas la rentabilité ni l’efficacité dont nous parlions tout à l’heure, mais ce n’est pas elles qui doivent avoir priorité sur nos actions.

J’arrête ici ces propos, parce qu’ils ne convainquent personne. Utopie, diront les économistes. « Ça ne pourra jamais marcher » diront les politiciens. « Ce n’est qu’un ramassis de rêveries » affirmeront les philosophes qu’une telle simplicité rebute. Pourtant ces idées que l’on vient de formuler ne sont pas nouvelles, ce sont celles de Jésus Christ lui-même! Elles sont au cœur même des idées qui animent notre société occidentale. Pendant des siècles n’a-t-on pas fait de l’enseignement de Jésus la religion d’état ? Alors, pourquoi cela ne marche-t-il toujours pas ?

En fait les humains sont des créatures bizarres, ils projettent sur l’autre monde les idées que Jésus leur a transmises pour construire ce monde ci. Ils imaginent, qu’après leur mort, le monde reposera sur des règles qu’ils refusent de respecter dans celui-ci. Pourquoi attendre le monde futur pour vivre comme Jésus le souhaite alors qu’il est théoriquement possible de le mettre en pratique dès maintenant ?

Mieux! Je reviens alors au texte que nous méditons aujourd’hui. Dieu est allé plus loin encore que ce que nous pouvons imaginer. Il nous propose dès maintenant d’entrer dans l’éternité et de vivre dès maintenant d’une vie qu’il nous promet éternelle. Tous ceux qui croient en Dieu et qui ont compris que l’enseignement de Jésus Christ est l’expression même de la volonté de Dieu ne mourront pas dit-il, car ils sont déjà passé de la mort à la vie. Ce n’est donc plus notre fortune amassée tout au long de notre vie qui fait de nous des être remarquables aux yeux de Dieu. Ce ne sont pas nos capacités professionnelles qui nous distinguent aux yeux de Dieu, c’est notre capacité à entrer dans son harmonie. C’est notre faculté de pouvoir nous mettre au service des autres qui constitue l’huile que nous devons mettre dans les rouages du monde pour que celui-ci soit en harmonie avec Dieu.

A vue humaine, les hommes ne sont pas plus utiles ni plus rentables que des brebis que l’on n’élèverait pas pour leur tondre la laine sur le dos ou qu’on ne mangerait pas. En fait Dieu n’a pas fait des hommes ses partenaires sur terre pour qu’ils soient rentables mais pour prodiguer autour d’eux leur capacité à aimer et à vivre en harmonie avec les autres ; c’est sans doute à cause de cette capacité que l’Ecriture dit qu’ils sont faits l’image de Dieu. Qu’on se le dise !


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