mardi 15 mars 2011

Jean 9:1-41 guérison d'un aveugle dimanche 3 avril 2011



1 Jésus vit, en passant, un homme aveugle de naissance. 2 Ses disciples lui demandèrent : Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu'il soit né aveugle ? 3 Jésus répondit : Ce n'est pas que lui ou ses parents aient péché ; mais c'est afin que les œuvres de Dieu soient manifestées en lui. 4 Il nous faut travailler, tant qu'il fait jour, aux œuvres de celui qui m'a envoyé ; la nuit vient où personne ne peut travailler. 5 Pendant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde.

6 Après avoir dit cela, il cracha par terre et fit de la boue avec sa salive. Puis il appliqua cette boue sur les yeux de l'aveugle 7 et lui dit : Va te laver au réservoir de Siloé — ce qui se traduit par Envoyé - . Il y alla, se lava et, quand il revint, il voyait. 8 Ses voisins, et ceux qui auparavant avaient vu qu'il était un mendiant, disaient : N'est-ce pas là celui qui se tenait assis et qui mendiait ? 9 Les uns disaient : C'est lui. D'autres disaient : Non, mais il lui ressemble. Et lui-même disait : C'est bien moi. 10 Ils lui dirent donc : Comment tes yeux ont-ils été ouverts ? 11 Il répondit : L'homme appelé Jésus a fait de la boue, me l'a appliquée sur les yeux et m'a dit : Va te laver à Siloé. J'y suis allé, je me suis lavé et j'ai recouvré la vue. 12 Ils lui dirent : Où est cet homme ? Il répondit : Je ne sais pas.

13 Ils menèrent vers les Pharisiens celui qui avait été aveugle. 14 Or c'était un jour de sabbat que Jésus avait fait de la boue et lui avait ouvert les yeux. 15 A leur tour, les Pharisiens lui demandèrent comment il avait recouvré la vue. Et il leur dit : Il a mis de la boue sur mes yeux, je me suis lavé et je vois. 16 Sur quoi, quelques-uns des Pharisiens disaient : Cet homme ne vient pas de Dieu, car il n'observe pas le sabbat. D'autres disaient : Comment un homme pécheur peut-il faire de tels miracles ? 17 Et il y eut division parmi eux. Ils dirent encore à l'aveugle : Toi, que dis-tu de lui, qu'il t'a ouvert les yeux ? Il répondit : C'est un prophète.

18 Les Juifs ne crurent pas qu'il avait été aveugle et qu'il avait recouvré la vue, avant d'avoir appelé ses parents. 19 Ils leur demandèrent : Est-ce là votre fils, dont vous dites qu'il est né aveugle ? Comment donc voit-il maintenant ? 20 Ses parents répondirent : Nous savons que c'est notre fils et qu'il est né aveugle ; 21 mais comment il voit maintenant, nous ne le savons pas, ou qui lui a ouvert les yeux, nous ne le savons pas non plus. Interrogez-le, il est assez âgé pour parler de ce qui le concerne. 22 Ses parents dirent cela, parce qu'ils craignaient les Juifs, car les Juifs s'étaient mis d'accord : si quelqu'un confessait que Jésus était le Christ, il serait exclu de la synagogue. 23 C'est pourquoi ses parents dirent : Il est assez âgé, interrogez-le.

24 Les Pharisiens appelèrent une seconde fois l'homme qui avait été aveugle et lui dirent : Donne gloire à Dieu ; nous savons nous que cet homme est pécheur. 25 Il répondit : S'il est pécheur, je ne le sais pas ; je sais une chose : j'étais aveugle, maintenant je vois. 26 Ils lui dirent : Que t'a-t-il fait ? Comment t'a-t-il ouvert les yeux ? 27 Il leur répondit : Je vous l'ai déjà dit, et vous n'avez pas écouté ; pourquoi voulez-vous l'entendre encore ? Voulez-vous aussi devenir ses disciples ? 28 Ils l'insultèrent et dirent : C'est toi qui es son disciple ; nous, nous sommes disciples de Moïse. 29 Nous savons que Dieu a parlé à Moïse ; mais celui-ci, nous ne savons d'où il est. 30 Cet homme leur répondit : Voilà ce qui est étonnant, c'est que vous ne sachiez pas d'où il est ; et il m'a ouvert les yeux ! 31 Nous savons que Dieu n'exauce pas les pécheurs ; mais si quelqu'un honore Dieu et fait sa volonté, celui-là il l'exauce. 32 Jamais encore on n'a entendu dire que quelqu'un ait ouvert les yeux d'un aveugle-né. 33 Si cet homme n'était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. 34 Ils lui répondirent : Tu es né tout entier dans le péché, et c'est toi qui nous enseignes ! Et ils le jetèrent dehors. 35Jésus apprit qu'ils l'avaient jeté dehors. Il le trouva et lui dit : Crois-tu au Fils de l'homme ? 36 Il répondit : Qui est-il, Seigneur, afin que je croie en lui ? 37Tu l'as vu, lui dit Jésus, et celui qui te parle, c'est lui. 38 Alors il dit : Je crois, Seigneur. Et il l'adora.

39 Puis Jésus dit : Je suis venu dans ce monde pour un jugement, afin que ceux qui ne voient pas voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles. 40 Quelques Pharisiens qui étaient avec lui, après avoir entendu ces paroles, lui dirent : Nous aussi, sommes-nous aveugles ? 41Jésus leur répondit : Si vous étiez aveugles, vous n'auriez pas de péché. Mais maintenant vous dites : Nous voyons ; aussi votre péché demeure.




La plupart du temps, on aborde les textes de l’Ecriture avec un ton de circonstance qui fait que les sermons que l’on produit à leur sujet, malgré l’intérêt qu’on leur porte et le talent de leur auteur prennent bien souvent un ton doctoral et ennuyeux. Pourtant ils cherchent à nous entretenir de notre relation à Dieu, c’est à dire de ce qu’il y a de fondamental dans notre vie. On se demande pourquoi dès que l’on aborde les questions sur Dieu, les propos gagnent en sérieux et perdent en vivacité. Pourtant, nous savons que Dieu ne manque pas d’humour, et c’est pourquoi, sans vouloir l’offenser le moins du monde, je me permettrai d’aborder ce texte de l’Evangile de Jean comme une intrigue policière.

C’est en effet de cette manière qu’il se présente. Cela ressemble à un polar bien construit où les auteurs prennent un malin plaisir à brouiller les pistes. Il faut rester très attentif si on ne veut pas perdre le fil de l’intrigue et manquer le détail qui risquerait de révéler la clé de l’énigme. A la fin du programme on reste surpris de découvrir que le coupable n’est pas celui vers lequel portaient nos soupçons. Il en va de même dans cette banale histoire d’aveugle guéri le jour du sabbat.

Dans ce récit la tension monte très vite, et les assistants s’interrogent sans le dire sur la légitimité de l’opération. Il y a comme un non-dit qui provoque des soupçons. On s’interroge alors sur le péché, on s’étonne de la guérison, on n’est même pas sûr de bien connaître le miraculé : « ça n’est pas lui , dit-on mais ça lui ressemble ». Quant à l’homme guéri, il ne dit rien, il subi la guérison qu’il n’a même pas demandée et il sera puni parce qu’il a en bénéficié. On l’interroge et finalement on l’accuse d’être totalement englué dans le péché. D’innocent qu’il est, le voila traîné comme un coupable devant les autorités. Finalement il sera jugé et condamné. Il sera exclu de la synagogue. On le traite en coupable parce que quelqu’un lui a fait du bien !

Même si cela nous paraît étrange, cela n’est pas exceptionnel ! On peut le vérifier, chaque jour. Quand quelqu’un est au bénéfice d’un avantage quelconque, les mauvaises langues vont bon train. On se demande d’où peut lui venir une telle faveur et quelles sont les compromis auxquels il s’est livré pour avoir un tel avantage.

On se demande, sans le dire si cet aveugle n’a pas fait un pacte avec les forces du mal pour être guéri. Il était en effet courent de penser que la maladie était la sanction d’une faute commise par soi-même, ou par ses parents voire même par ses ancêtres :« Les parents ont mangé des raisins verts disait-on et les enfants ont eu les dents agacées. » ( Jérémie 31/29) A moins d’un pacte avec le malin le malade ne pouvait être guéri si non par quelqu’un qui aurait parlé en vérité. N’étant pas guéri par quelqu’un du clan des pharisiens qui par définition  aurait appartenu au parti de la vérité, il l’était forcément par quelqu’un d’un autre parti, c'est-à-dire le parti du mensonge. Selon cette logique le guérisseur ne pouvait qu’un menteur, c'est-à-dire un agent du mal. L’accusation était lancée, l’enquête pouvait se faire. L’intrigue en sorcellerie avait commencée

C’est devant les pharisiens que l’on avait trainé l’accusé, ce sont eux qui allaient mener l’enquête. C’était leur rôle d’enquêter. N’étaient-ils pas les garants de la Loi et de la Tradition ? Ce n’est d’ailleurs pas eux qui étaient à l’origine de l’affaire : c’était la rumeur qui accompagne généralement le miracle.

On s’interroge sur le bien fondé de celui-ci. On s’adresse donc aux pharisiens. Mais qui est ce « on » ? si non celui que j’ai appelé la « rumeur », c’est l’opinion publique qui n’accuse pas encore mais qui soupçonne.  C’est la masse des anonymes qui se prépare déjà à crier : « crucifie-le ». Comment cette maladie réputée incurable se pouvait-elle être guérie le jour consacré à Dieu se demandait-on, le jour où on n’était pas autorisé à soigner si non dans l’urgence, Il n’y avait pas urgence. Donc si Dieu ne s’autorise pas à intervenir dans ces conditions, ce ne peut être que le diable. C’est aussi simple et aussi logique que cela.

Seuls les spécialistes sont capables de confirmer cette hypothèse en se justifiant par la Loi. Les spécialistes, ce sont les pharisiens, ils opinent très vite pour le diable. Le malade, accusé de pacte avec le démon devient coupable alors qu’il ne demandait rien et on le condamne à être jeté dehors.

Mais comme il est né aveugle, le soupçon se porte aussi sur ses parents. La peur entre en scène, c’est pourquoi ces derniers refusent de parler. Le moins ils en diront, le mieux ils se porteront. Toute parole, même bien intentionnée peut se retourner contre un accusé. Le silence est préférable à une tentative d’explication. La justice, ainsi abandonnée aux mains des pharisiens devient redoutable. C’est l’inquisition avant la lettre. Quand les pharisiens ont quelqu’un dans le collimateur, ils ne le lâchent pas. Tout manquement avéré à la Loi appelle forcément un coupable. Qui a contrevenu à la Loi ? Si ce n’est pas l’un c’est l’autre. Si le miraculé à seulement subi, si ses parents n’y sont pour rien, c’est celui qui a opéré la guérison qui a pactisé avec le démon. Et en raison de leur logique aveugle et implacable Jésus devient potentiellement coupable et par voie conséquence agent du diable.

Leurs arguments sont-ils cependant aussi solides que cela ? L’opinion des pharisiens a-t-elle valeur de preuve ? Ils savent bien que leur enquête est truquée, que leurs conclusions sont erronées et que leurs arguments sont spécieux. C’est moi, tout à l’heure, qui ai parlé de pacte avec le diable, ce n’est pas eux. Dans leur habileté, ils ont entraîné les témoins à tirer ces conclusions que nous venons de faire. Les pharisiens ne l’ont pas fait. C’est l’opinion publique, la rumeur qui va faire un travail de sape et attaquer la personne de Jésus. Ils s’y sont bien pris en le désignant comme un troublion de banlieue dont la personne n’est pas fréquentable, ils ne l’accusent pas encore et ils ne l’interrogent même pas. Ils ne le condamnent pas encore, mais c’est l’autre, l ’aveugle que l’on condamne. Et c’est sa famille qu’on inquiète. Quant à Jésus on attend, en montant l’opinion contre lui.

Mais qui est coupable ? Qui est derrière cette affaire ? Qui a autorité sur le mal ? On en revient au point de départ ! Reprenons alors l’enquête à notre compte comme le ferait un détective privé commandité par la défense. En fait Jésus est intervenu alors qu’on ne lui demandait rien si non de faire un commentaire sur le mal : « cet homme était-il aveugle à cause de son péché ?» Jésus ne répond pas mais il le guérit. C’est la guérison qui donnera la bonne réponse..

Jésus agit comme Dieu l’a déjà fait. Il mêle sa salive qui symbolise la parole à la terre d’où a été façonné l’homme dans le récit de la création. Jésus a donc agi avec les prérogatives de Dieu pour corriger, dans ce monde ce qui ne va pas. Les témoins n’ont pas encore compris cela, c’est pourquoi ils lui font un procès. Les pharisiens l’ont sans doute compris, mais ça ne correspond pas à leur interprétation de la Loi. En accusant Jésus à cause de leur interprétation personnelle, c’est eux qui deviennent les coupables car ils affirment trouver les signes du diable dans les actions bonnes où Dieu se révèle. Ils ne peuvent pas comprendre que le bien s’oppose au mal et que Dieu se cache dans les gestes qui font vivre. Il cautionne toutes les actions qui améliorent le sort de l’humanité souffrante. Et si l’humanité souffre, ce n’est pas le fait de Dieu, puisque Dieu intervient pour corriger les souffrances.

Ceux qui se sont accaparé de la vérité sur le bien et sur le mal reçoivent une bonne leçon de modestie. La vérité est dans ce qui facilite et améliore la vie des hommes. Heureux alors seront-ils, tous ces rejetés de la planète que Dieu destine à la vie, même s’il y a des obstacles sur leur chemin, même si le mal leur dresse des embûches. Quant au mal et à l’origine de la souffrance, Jésus ne nous en dira pas plus. Le mal reste le premier accusé de ce procès qui n’est pas terminé et où les accusateurs pourraient bien finir en coupables.

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