Dimanche 30 septembre 2012 Jésus et les petits
Marc 9:38-48
38 Jean lui dit : Maître, nous avons vu un
homme qui chasse les démons par ton nom et nous avons cherché à l'en empêcher,
parce qu'il ne nous suivait pas. 39 Jésus répondit : Ne l'en empêchez pas,
car il n'y a personne qui puisse parler en mal de moi tout de suite après avoir
fait un miracle en mon nom. 40 En effet, celui qui n'est pas contre nous est
pour nous.
41 Et quiconque vous
donnera à boire une coupe d'eau parce que vous appartenez au Christ, amen, je
vous le dis, il ne perdra jamais sa récompense.
Les causes de chute
42 Mais si quelqu'un
devait causer la chute de l'un de ces petits qui mettent leur foi en moi, il
vaudrait mieux pour lui qu'on lui attache autour du cou une meule de moulin et
qu'on le lance à la mer. 43 Si ta main doit causer ta chute, coupe-la ;
mieux vaut pour toi entrer manchot dans la vie que d'avoir tes deux mains et
d'aller dans la géhenne, dans le feu qui ne s'éteint pas . 45 Si ton pied doit causer ta chute,
coupe-le ; mieux vaut pour toi entrer infirme dans la vie que d'avoir tes
deux pieds et d'être jeté dans la géhenne. 47Et si ton œil doit causer ta
chute, arrache-le ; mieux vaut pour toi entrer borgne dans le royaume de
Dieu que d'avoir deux yeux et d'être jeté dans la géhenne, 48 où leur ver ne
meurt pas, et où le feu ne s'éteint pas.
Si on voulait construire une société idéale
en fonction de nos critères humains, pour tenter d’établir le Royaume de Dieu
sur terre, nous ferions certainement de
grosses erreurs, car nous inventerions
des règles à respecter et des lois contraignantes. Sous prétexte de créer une
société idéale, on finirait par réaliser une société invivable. De nombreux
exemples par le passé à commencer par celui de Genève ; ont montré combien
il est difficile, voire même impossible de réaliser un tel projet. Combien de
communautés religieuses, animées par des prédicateurs pétris de bonnes
intentions n’ont-elles pas cherché à créer des sociétés de ce type. Dans
l’ancien monde, où elles ont souvent pris naissance au moment de la Réforme,
elles ont été rejetées. Il s’agissait surtout de communautés mennonites et
anabaptistes. Beaucoup d’entre elles, fuyant les persécutions se sont ensuite
établies dans le nouveau monde où les vastes espace ont permis qu’elles
s’installent sans se gêner les unes les autres.
Si Jésus avait pu prendre la parole quand ce
mouvement a pris naissance, il aurait sans doute dit avec humour qu’on ne peut
rien faire sans une totale liberté. Comme on va le voir par la suite, il ne
s’agit pas d’un peu de liberté, mais d’une totale liberté.
Cette vertu est nécessaire pour que
s’établisse durablement une société vivable qui aurait l’amour pour règle
première, car l’amour récuse toute forme de contrainte. S’il y a liberté, il ne
peut y avoir de contrainte et s’il y a contrainte, aussi limitée soit-elle, il
ne peut y avoir de liberté, sans quoi une telle société idéale, basée sur le
seul enseignement de Jésus s’effondrerait.
Il faut avoir tout cela à l’esprit quand on essaye de comprendre les propos de
Jésus, car il savait bien qu’une société
idéale, construite sur des préceptes relevant de la seule piété ne pouvait
aboutir. Jésus ne souhaitait pas que ses
adeptes quittent le monde où ils vivaient.
Il souhaitait qu’ils cohabitent au milieu de leurs semblables du mieux possible
sans chercher à ériger une société de parfaits. C’est dans ce
monde où nous vivons, où personne ne
ressemble à son voisin, et où personne ne pense comme son voisin que Jésus
se propose de nous accompagner.
Dans
ce passage, Jésus n’est pas en
train d’établir des règles contraignantes pour vivre le Royaume qu’il promet. Il imagine avec
humour ce que les hommes pourraient inventer comme société s’ils leur prenaient
la fantaisie de se risquer à
construire une société parfaite
conforme aux règles qu’ils pourraient dégager de l’Evangile. Il les prévient
qu’elle finirait vite par devenir une société d’inadaptés.
Les uns
seraient totalement inutiles
puisqu’on les aurait jeté à la mer une meule de moulin attachée au cou ;
quant aux autres, ils seraient infirmes à cause des contraintes qu’ils
s’imposeraient à eux-mêmes. Comme ils se seraient eux-mêmes mutilés pour se
punir d’avoir mal fait, Ils seraient incapables d’être utiles à leur prochain, puisque ils seraient démunis de bras, de jambes et même de sentiments. Ce serait exactement le contraire de ce que l’Evangile préconise qui se
construirait. En tout cas si une telle société de justes cherchait à exister, elle ne fleurerait pas bon l’amour
du prochain, mais serait liée à l’espionnage,
à la suspicion et au jugement des
autres. Cela aboutirait à une absence totale de liberté.
On ne peut vivre les promesses de Jésus
sans liberté. Cela découle de son
enseignement, c’est pourquoi Jésus ne se
présente pas comme un révolutionnaire briseur d’injustices et redresseur de
torts. Il s’approche des hommes avec tendresse et les fait sortir de leur
immobilisme contraignant. Il leur donne un seul objectif comme marche à suivre : l’amour du prochain.
Ainsi, il commence par prendre le parti de ceux qui prêchent sans
autorisation dûment patentée ou qui enseignent sans diplôme. Pour lui, ce n’est pas la qualification ou le diplôme
qui donne de la valeur à ce que l’on dit.
Lui-même n’était sans doute pas diplômé. Cette question de la formation
de Jésus intéresse les théologiens et
les historiens au plus haut point. Etait-il
un dissident essénien formé à la dure
école des ermites du désert ?
A-t-il étudié aux pieds des grands maîtres de la Loi sous le portique de Salomon ? N’a-t-il reçu
aucune formation et sa science lui venait-elle directement de Dieu sans
intermédiaire humain ? Aucune réponse n’a jamais été apportée à ces
questions. Il semblerait qu’il ait reçu son inspiration de Dieu seul
qui se serait chargé de sa formation, autant dire qu’il ne pouvait se prévaloir d’aucune autorité reconnue par
les hommes.
Si Jésus n’avait aucune autorité légitime
pour enseigner, comment aurait-il pu l’exiger
des autres ? C’est ce que l’on dit,
qui a de la valeur, à condition que la parole prononcée soit porteuse de vie et
d’espérance. Le bon prédicateur n’est pas celui qui sort des meilleures
universités ou qui sait manier l’éloquence, c’est celui qui dit ce que Jésus
aurait dit ou qui fait ce que Jésus aurait fait. On a tendance à croire que c’est la formation qui donne de la valeur aux gens.
La formation n’est qu’un critère, sans doute nécessaire pour que celui qui enseigne
la communauté soit reconnu, mais ce qui est important c’est ce qu’il dit, à
condition que ses paroles soient le juste reflet de ce qu’aurait pu dire Jésus
qui mettait l’amour en tête des critères à retenir.
Jésus proposera donc à chacun de ceux qui l’écoutent de devenir le compagnon de route de sa vie, non pas pour lui imposer des contraintes qui orienteraient son existence d’une manière ou d’une autre, non pas pour faire peser sur lui une morale rigide, mais pour l’aider à donner priorité à l’amour dans tous ses choix et toutes ses entreprises.
Pourtant, on sent poindre l’exaspération dans
ses propos, parce que la société qui l’entoure a donné priorité à d’autres
critères que les siens. Elle a fait de la morale la règle essentielle de la religion.
Jésus ne s’en prend pas à l’hypocrisie des pharisiens qu’il a déjà dénoncée par
ailleurs. Ce qui l’exaspère, c’est la rigueur morale qu’ils enseignent , car ils enseignent que Dieu se cache derrière
la rigidité de la Loi de Moïse et qu’il se contente du respect de la loi pour
absoudre toutes les fautes.
Or pour Jésus c’est le manque d’amour à
l’égard des petits qui est la cause de tous les troubles de la société. Pour
lui, Dieu se fait connaître par l’amour que lui-même leur porte. Il ne
vous a pas échappé que Jésus a mis les petits au centre de son propos. Mais
bien vite vous allez oublier ce détail, qui n’en est pas un, tant la violence des propos de Jésus qui font suite vont vous heurter.
Le lecteur un peu attentif, que vous êtes
sans doute, sera impressionné par la sévérité
des paroles de Jésus. Vous allez sans
doute être portés à considérer que la dureté des attitudes imposées par Jésus est encore plus sévère que la loi imposée par les
pharisiens et les scribes. Ses exigences
respirent une violence insupportable. Quand ce n’est pas la mort qu’il
préconise, c’est la mutilation qu’il envisage. A l’entendre on n’a plus qu’une seule envie, c’est
celle de tourner la page et de renvoyer
Jésus rejoindre l’école de ceux qui préconisent que de telles
pratiques soient encore appliquées, si bien qu’on ne désire plus l’avoir pour
guide.
Je vous arrête ici dans vos pensées, car
si elles étaient les vôtres vous auriez tout faux. En effet de tels propos
s’accordent mal avec l’attitude de
tendresse préconisée ailleurs par Jésus.
En fait il ne préconise pas ces
pratiques cruelles, il les
mentionne seulement pour provoquer notre
intelligence et nous forcer à réfléchir. Il veut nous dire simplement
que notre attitude à l’égard des
petits, pour lesquels nous
n’avons pas grands soucis, est porteuse de mort, et que nous mériterions un châtiment
sévère de la loi si on considérait
que telle serait la volonté de
Dieu pour se faire aimer. Loin de lui
d’exiger que l’on noie ceux qui manquent de respect aux petits ou qu’on se mutile soi-même
pour toutes les formes de manquement à la
charité.
Autrement dit, Jésus retourne contre nous les pratiques de la loi
que nous souhaiterions instituer, pour
nous permettre de comprendre qu’un tel projet serait mortel pour nous. En fait il ne parle pas de la Loi de Moïse,
mais d’une loi que nous nous imposerions à nous-mêmes au cas où nous
chercherions à être parfaits. Tout compte fait, Jésus nous laisse déduire
logiquement de son propos qu’il serait plus avantageux pour nous de pratiquer
l’amour plutôt que la loi.
Les petits ce sont ceux qui n’ont pas la
parole, les enfants, bien sûr, mais aussi les malades, les infirmes, les
réfugiés, les sans asile, les prisonniers, les vieillards. Tous ces gens que notre société marginalise et qui auraient besoin de toute notre
attention et devraient mobiliser tous nos soins. Une société qui ne le
ferait pas ne pourrait pas être porteuse
de vie et d’espérance, car c’est à partir de gestes en faveur des petits que
s’édifiera le Royaume de Dieu.
Il
n’est donc pas question de construire une société à part, faite de croyants qui
fuiraient un monde aussi injuste que le nôtre. Il est question de se laisser
immerger dans ce monde-ci et de mettre
nos propos et nos actions au service de
la cause de tous ces petits dont l’amour et la sollicitude des autres font tant
défaut.
Aucune loi ne nous condamnera si nous ne
le faisons pas, mais si nous ne le faisons pas, comment pourrons-nous
encore parler de l’amour de Dieu ?
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