Luc 3:15-22 Le Baptême de Jésus dimanche
10 janvier 2016 reprise du 13 janvier 2013
15 Comme le
peuple était dans l'attente, et que tous se demandaient si Jean n'était pas le
Christ, 16 il leur répondit à tous : Moi, je vous baptise d'eau, mais il
vient, celui qui est plus puissant que moi, et ce serait encore trop d'honneur
pour moi que de délier la lanière de ses sandales. Lui vous baptisera dans
l'Esprit saint et le feu. 17 Il a sa fourche à la main, il va nettoyer son
aire ; il recueillera le blé dans sa grange, mais il brûlera la paille
dans un feu qui ne s'éteint pas.
.
18 Jean annonçait
la bonne nouvelle au peuple avec beaucoup d'autres encouragements.
19 Mais
Hérode le tétrarque, à qui Jean faisait des reproches au sujet d'Hérodiade,
femme de son frère, et au sujet de toutes les mauvaises actions qu'Hérode avait
commises, 20 ajouta encore à toutes les autres celle d'enfermer Jean en prison.
21Quand tout le peuple reçut le baptême, Jésus aussi reçut le
baptême ; et, pendant qu'il priait, le ciel s'ouvrit, 22 et l'Esprit saint
descendit sur lui sous une forme corporelle, comme une colombe. Et il survint
une voix du ciel : Tu es mon Fils bien-aimé ; c'est en toi que j'ai
pris plaisir.
La prédication de Jean laisse entrevoir
le début d’une ère de paix, de partage et d’amour que Dieu est en train
d’instaurer pour le bonheur des hommes. Mais qu’en est-il vraiment de ce Dieu
auquel il se réfère comme un Dieu d’amour et que son successeur Jésus
considérera comme son père? Malgré les
sentiments d’amour qu’on prête à Dieu, il n’est pas pourtant pas venu secourir
le prophète annonciateur du Messie
menacé par Hérode. On le soupçonne aussi d’avoir laissé son propre fils
mourir sur une croix pour sauver les hommes. On a prétendu qu’il a accepté ce
mal pour provoquer un bien beaucoup plus grand. Dieu peut-il s’accommoder d’un
moindre mal pour favoriser un bien plus grand? C’est ici la grande question que
se pose le christianisme depuis deux mille ans. Nous allons essayer
d’y répondre à propos de l’histoire de Jean Baptiste et de Jésus.
Le texte unit les deux hommes dans la même continuité
spirituelle. Il s’achève sur le récit du
baptême de Jésus par lequel Jean
semble lui conférer un droit de
succession. Dans le même temps, l’ombre du tétrarque plane au-dessus de Jean
annonçant sa mort prochaine. La mort de Jean semble arriver en temps opportun pour laisser toute la place
à Jésus. Si Dieu avait miraculeusement sauvé Jean, sa présence aux cotés de
Jésus n’aurait-elle pas nuit à sa mission?
La question est bien évidemment sans réponse. On peut cependant se demander si Dieu n’a pas laissé faire pour
que les choses se passent sans qu’il y ait interférence de l’un sur l’autre.
A partir de cette question, on peut se demander si Dieu n’utilise pas
parfois certaines actions mauvaises
menées par les hommes ou provoquées par la nature pour permettre qu’un
mieux s’installe parmi les humains afin
de faire avancer l’histoire à sa guise. Il nous faut donc approfondir la question pour
savoir comment Dieu se situe. Gardons la question en suspens pour l’instant et
projetons-nous trois ans plus tard au
moment où Jésus lui-même fut mis à mort. On
a encore aujourd’hui l’impression pénible que Dieu aurait pu intervenir
au lieu d’opposer un silence insupportable aux coups de marteau du bourreau
clouant Jésus sur la croix.
Les Écrivains bibliques, n’ont pas commenté ce silence de
Dieu lors de la mort de Jean, par contre, pour Jésus, ils ont laissé entendre
que c’était écrit à l’avance et que la mort de Jésus aurait été bel et bien
programmée par Dieu. En acceptant de
mourir d’une manière aussi infâme que celle qu’il a connue, Jésus se serait
soumis à la volonté de son Père.
Ce n’est pas parce que nous posons la question du silence
de Dieu que nous allons la résoudre, mais elle va cependant alimenter notre
réflexion pendant quelques instants. Est-il donc possible que Dieu se taise
quand les hommes souffrent, et est-il possible qu’il tire un bien d’un mal
qu’il aurait laissé faire?
Beaucoup de croyants trouvent une réponse à leurs
souffrances dans une telle approche, et acceptent
plus volontiers leurs souffrances s’ils pensent qu’elles entrent dans un
projet de Dieu. Ils considèrent que si
Dieu laisse faire c’est que, dans sa bonté il a construit un projet qui permettra que d’autres humains en éprouvent
un mieux-être. Le malade qui souffre d’un mal incurable espère que son mal permettra aux chercheurs de faire un pas de
plus sur le chemin de la découverte d’un médicament ou d’un vaccin et que Dieu
en lui donnant du courage pour résister dans la souffrance permet à la médecine
de progresser.
Le prophète Esaïe semble vouloir aller dans ce sens quand il campe le portrait du serviteur souffrant qui accepte sans protester qu’on lui arrache la barbe ou qu’on agisse envers lui comme on le ferait d’un mouton que l’on traine à la boucherie (1). Les évangélistes en rapportant le récit sur la mort de Jésus ont vu en lui une figure prophétique du Messie agonisant pour sauver le monde.
Le prophète Esaïe semble vouloir aller dans ce sens quand il campe le portrait du serviteur souffrant qui accepte sans protester qu’on lui arrache la barbe ou qu’on agisse envers lui comme on le ferait d’un mouton que l’on traine à la boucherie (1). Les évangélistes en rapportant le récit sur la mort de Jésus ont vu en lui une figure prophétique du Messie agonisant pour sauver le monde.
On s’est tellement habitué à cette explication qu’on imagine mal qu’il puisse y en avoir d’
autres, car la souffrance pèse d’un tel poids dans notre existence et dans
l’histoire des hommes qu’il faut bien l’intégrer dans un projet divin, sans quoi la vie elle-même deviendrait
inacceptable et la porte serait ouverte au désespoir et à la perte de la
foi. Il faut bien que les choses en
soient ainsi sans quoi on n’aurait pas pu dire que l’Église s’est nourrie du
sang des martyrs, car leur supplice,
loin de l’anéantir l’a faite progresser, comme si la mort héroïque des témoins de Dieu avait
nourri la foi des incroyants au point
qu’ils se convertissaient. C’est un fait
incontestable que les persécutions ont entrainé des actes de
foi et des conversions. Mais était-ce inscrit dans le plan de Dieu?
Jean Baptiste, et Jésus
après lui ont parlé d’un Dieu
d’amour. Ils n’ont pas cherché à instaurer une pratique religieuse basée
sur la souffrance. Mais pour bannir la souffrance et l’injustice qui règnent
sur le monde, n’a-t-il pas fallu que Dieu s’en mêle au prix de
compromissions choquantes?
Face à un monde qui s’enlise dans l’injustice, Jésus n’a
proposé qu’une seule porte de sortie, celle de l’amour et de l’altruisme. Il
n’ignorait pas cependant qu’il rencontrerait plus d’incompréhensions que d’adhésions. Il savait, que ceux qui chercheraient à
mettre ses préceptes en pratique en pâtiraient, mais il savait aussi que son enseignement finirait
par porter ses fruits, parce qu’il portait en lui une vérité qui émanait de
Dieu, c’est pourquoi malgré les
souffrances des martyrs, la foi
chrétienne a réussi à gagner toute une partie du monde.
Le monde dans lequel vivait Jésus, comme le nôtre est un
monde où la vie du plus fort se nourrit
de la vie des plus faibles. Nous
considérons comme une vérité fondatrice que dans ce monde
les plus forts doivent se nourrir des plus faibles. Cela entraine des injustices
et aussi
des souffrances. L’espèce humaine évolue dans ce milieu mais y participe
aussi. Or depuis
que Dieu est entré en contact
avec les hommes, depuis qu’Abraham s’est senti personnellement interpelé par
Dieu, Dieu a montré son désaccord avec
ce mode de vie où la
domination des uns sur les autres
aurait force de loi.
Les prophètes ont
répercuté cette protestation de Dieu,
et c’est par leurs écrits qu’elle nous est connue. On trouve ainsi sous
la plume d’Esaïe une prophétie étrange selon laquelle le lion et le bœuf ensemble mangeront de la
paille (2). Ceux qui ont reçu pour mission de parler au nom de
Dieu se sont laissés aller à envisager un monde utopique où la
violence sera proscrite et ne servira plus de règle pour gérer l’avenir. Loin
d’envisager que la violence puisse
servir ses projets, Dieu inscrit l’absence de violence, comme seule méthode possible pour gérer le
monde selon sa volonté. Ce projet prend
déjà corps dans le baptême que Jean propose aux foules et dont il baptise
Jésus.
Bien entendu, les
ablutions de purification étaient déjà pratiquées dans le judaïsme, mais avec
Jean et plus tard avec Jésus elles deviendront un rite d’adhésion à la foi. Le baptême
va alors remplacer la circoncision qui
était caractérisée par une souffrance et une blessure du corps. Il remplacera
aussi les sacrifices qui eux aussi faisaient souffrir les animaux. Seul un peu d’eau suffira désormais à
marquer l’entrée des hommes dans le projet de vie établi par Dieu à leur
intention. Toutes les souffrances
requises par le passé au nom de Dieu
seront désormais abolies.
Tout se passe comme si Dieu se désolidarisait définitivement de toutes les formes que pouvait prendre la violence. Bien entendu, les
souffrances subies par les hommes n’ont
pas Dieu pour cause, mais cela n’empêche
pas pour autant Dieu de transformer
en bien le mal causé par la souffrance. Il nous faut donc innocenter Dieu de la mort de Jean Baptiste ou de Jésus et de toutes les souffrances qui sont subies sur cette terre. Il nous faut donc expliquer l'implication de Dieu dans la mort de Jésus d'une autre manière que celle que nous admettons habituellement. Dieu combat le mal et
ne l’utilise pas.
Dans cette longue
aventure de la lutte de Dieu
contre la souffrance, Jésus prendra
soin de rajouter un nouveau rite qui contient peut être la clé de l'énigme : celui du partage. Il est tellement fort qu'il prendra par la suite
une valeur sacramentelle. Ce partage
sera celui du pain et du vin qui sont les éléments de base de la nourriture. Ils
ne nécessitent aucune violence pour les acquérir si non une violence sur
soi-même puisque le partage est un rite d’amour qui implique que l’on s’efforcera d’aimer
ceux que l’on n’aime pas forcément.
Ce geste d’amour ne nous est nullement imposé, il correspond à un élan du cœur vers Dieu et implique notre accord sur sa manière de gérer le monde. Si le nombre des croyants se mettait à augmenter nous pourrions augurer de la venue d’une ère de paix pour ce monde. L’avenir heureux du monde dépend donc de la manière dont les croyants d’aujourd’hui sauront convaincre leurs contemporains de la justesse du projet divin pour ce temps et les encourager à y adhérer.
Ce geste d’amour ne nous est nullement imposé, il correspond à un élan du cœur vers Dieu et implique notre accord sur sa manière de gérer le monde. Si le nombre des croyants se mettait à augmenter nous pourrions augurer de la venue d’une ère de paix pour ce monde. L’avenir heureux du monde dépend donc de la manière dont les croyants d’aujourd’hui sauront convaincre leurs contemporains de la justesse du projet divin pour ce temps et les encourager à y adhérer.
Les illustrations sont de Nicolas Poussin
1 Esaie 50: 6 /
53: 7
2 Es 65 : 25
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