dimanche 5 octobre 2014

Matthieu 25:1-13 - La Parabole des dix vierges - dimanche 9 novembre 2014



La Parabole des dix vierges dimanche 9 novembre 2014

Matthieu 25:

1 Alors le royaume des cieux sera semblable à dix vierges qui prirent leurs lampes pour aller à la rencontre de l'époux. 2 Cinq d'entre elles étaient folles, et cinq sages. 3 Les folles en prenant leurs lampes, ne prirent pas d'huile avec elles ; 4 mais les sages prirent, avec leurs lampes, de l'huile dans des vases. 5 Comme l'époux tardait, toutes s'assoupirent et s'endormirent. 6 Au milieu de la nuit, il y eut un cri : Voici l'époux, sortez à sa rencontre ! 7 Alors toutes ces vierges se levèrent et préparèrent leurs lampes. 8 Les folles dirent aux sages : Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s'éteignent. 9 Les sages répondirent : Non, il n'y en aurait pas assez pour nous et pour vous ; allez plutôt chez ceux qui en vendent et achetez-en pour vous. 10 Pendant qu'elles allaient en acheter, l'époux arriva ; celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui au (festin) de noces, et la porte fut fermée. 11 Plus tard, les autres vierges arrivèrent aussi et dirent : Seigneur, Seigneur, ouvre-nous. 12 Mais il répondit : En vérité, je vous le dis, je ne vous connais pas.
13 Veillez donc, puisque vous ne savez ni le jour, ni l'heure.



Il était une fois un beau jeune homme qui épousa une belle jeune fille. Tel pourrait-être le début de l’histoire mise en scène ici par Jésus pour nous parler du Royaume des cieux. Imaginons qu’il s’agisse d’un mariage princier, admirons au passage les belles toilettes et la foule des invitées qui piétinent dans les allées du parc du château en attendant que s’ouvrent les portes. Mais ce sera tout, car contrairement aux contes de fée, les détails qui intéressent les lecteurs de la presse people n’y figurent pas.  On ne nous parle, ni de la fiancée, ni de son père, ni de sa mère et si on nous parle du marié c’est pour nous dire qu’il ne se comporte pas comme un prince charmant puisqu’il claque la porte au nez d’une partie des invitées. Quel est donc ce malappris qui invite des gens pour mal les recevoir ? Horreur, il se pourrait bien que cet odieux personnage soit une figure du Messie, autant dire de Jésus. C’est une histoire où rien ne correspond à ce qui par ailleurs pourrait nous faire rêver.

On a dit qu’il s’agissait d’un mariage, mais il n’y a pas de parents. Si c’est Jésus qui tient le rôle principal, qu’en est-il des autres, des jeunes filles et de nous-mêmes ? Puisque toutes ces choses nous laissent insatisfaits, les commentateurs ont cherché des réponses dans les allégories. Ils se sont interrogés sur la nature de l’huile dont l’absence
provoque la fin tragique de l’histoire. Cette huile n’est pas rare, puisqu’on peut se la procurer dans le premier magasin venu si bien que ceux qui pensent qu’il peut s’agir de la foi font fausse route car la foi ne peut se négocier en aucun cas.

Pour les contemporains de Jésus cette parabole pouvait résonner bien autrement que sur le ton de la dérision que j’ai employé jusqu’à maintenant. Ils attendaient instamment la venue du Messie. Jésus lui-même a laissé entendre que ce pouvait être lui. Nous avions compris qu’il proposait le salut à tous alors que les juifs attendaient un Messie pour eux seulement. Or la parabole semble coller avec l’attente des juifs et ce faisant, elle nous déçoit.  Elle exclut du salut  une partie des participants de la noce.

L’époux  semble jouer le rôle  du Messie. Il se fait attendre. Il ne se sent concerné que par les juifs de pure souche, qui sont représentés par les vierges sages, celles qui ont de l’huile. Quant aux juifs qui ne le sont pas vraiment, les prosélytes et craignant Dieu, bien qu’ils aient acquis un peu d’huile,  n’en ont pas assez pour entrer. Il s’agit des vierges folles. Si cette lecture est la bonne on est en droit de se demander ce que cette parabole fait dans l’Evangile.

Certains chrétiens cependant regrettent qu’une telle situation ne puisse se réaliser pour eux. Ils sont tentés de s’approprier cette parabole en tant que Chrétiens. Ils font de l’huile l’apanage des convertis et des pratiquants. Combien d’églises n’ont-elles pas rêvé de rassembler des communautés formées de l’élite de leurs membres composées de purs chrétiens, séparés des autres et promis aux meilleures places du royaume. Elles adoptent à leur profit les thèses des contemporains de Jésus qui attendaient un Messie qui les distingueraient de la masse de l’humanité.

Mais cette lecture de la parabole ne convient pas aux autres chrétiens, à ceux qui comprennent le ministère de Jésus d’une autre façon. Ils n’ont pas oublié sa prédication dans une autre parabole, qui encourage les serviteurs à aller chercher les invités à la noce dans les bas quartiers des cités. Ils savent aussi qu’il a dit que les prostitués et les malhonnêtes devanceront dans le Royaume les meilleurs d’entre eux. Comment concilier cette image de Jésus qui dans certains textes fait un tri sélectif entre les invités et qui ailleurs appelle tout le monde à le rejoindre ?

En fait si cette parabole nous pose de vrais problèmes de compréhension, elle n’est pas unique dans son genre. L’Évangile en contient d’autres qui vont dans le même sens. Vous connaissez certainement la parabole du jugement des nations qui fait suite à celle-ci dans le même
Évangile où le divin juge sépare les brebis des boucs et envoie ceux qui ont manqué d’altruisme dans le feu éternel. Cette parabole des dix vierges n’est donc pas la seule où on ne reconnaît pas Jésus dans le mauvais rôle qu’il se donne. Mais il y a cependant une différence frappante avec cette parabole. Si dans les autres paraboles certains sont rejetés, c’est qu’ils l’ont bien mérité, en tout cas selon nos critères de morale, alors qu’on ne trouve pas de vraies raisons au rejet des pauvres jeunes filles en manque d’huile car elles n’ont fait de tort à personne.

En fait, nous nous accommodons bien de ces récits qui nous rapportent des histoires où les coupables sont victimes d’un jugement sévère. Nous les lisons à la lumière de notre logique humaine et nous trouvons toujours une explication pour justifier les jugements qui frappent ceux qui ont mal agi. Pourtant ces récits, nous donnent une autre image de Jésus que celle à laquelle nous sommes habitués, mais nous nous en accommodons parce que nous réagissons, comme si Jésus, malgré sa grande bonté avait les mêmes critères de justice que nous.

Tout en nous accommodant de ses jugements sévères sur ceux qui n’aiment pas leurs prochains comme eux-mêmes, nous n’hésitons pas à parler de grâce pour tous et de salut universel à condition que les futurs convertis formulent un repentir sincère et authentique. En fait nous avons du mal à imaginer un Évangile qui n’ait pas conservé une partie de la rigidité de la loi de Moïse dont nous suspendons les aspects contraignants, tels le repos du sabbat et les règles alimentaires, mais nous réclamons cependant avec vigueur des démarches de repentir en vue de l’acquisition du pardon. En fait nous considérons que Jésus a accepté de mourir pour édulcorer la Loi et instaurer une religion au rabais.

Heureusement qu’il y a cette histoire des 10 jeunes filles qui nous reste en travers de la gorge. Elle va nous permettre de comprendre les choses autrement. Si cette histoire est inacceptable pour nous, parce qu’elle semble condamner celles qui n’ont fait de tort à personne, elle ne s’accorde pas non plus avec ceux qui ont réfléchi au sens de la mort de Jésus. En effet, ce récit ne nous aide pas à comprendre comment, en mourant su
r une croix à cause de ses idées, Jésus il a pu réconcilier l’humanité avec Dieu. Par contre, si nous lisons ce récit en faisant abstraction de la mort de Jésus nous nous cantonnons dans un judaïsme édulcoré comme on l’a dit.

Si nous considérons que Jésus a accepté la mort pour donner aux hommes une autre image de Dieu, que celle que nous a transmis la tradition, les choses prendront une autre allure. En mourant Jésus a anéanti l’image traditionnelle de Dieu. Il a détruit l’idée selon laquelle Dieu avait des comptes à régler avec l’humanité. Il a détruit tout ce qui nous choque en Dieu, à commencer par l’idée du Dieu qui condamne les hommes à vivre dans la crainte de l’avoir offensé si bien que ce n’est donc pas lui qui envoie les maladies pour punir les humains, ce n’est pas lui qui provoque les tremblements de terres et autres catastrophes pour affirmer sa puissance. Ce n’est pas lui non plus qui pousse les hommes à faire la guerre pour l’honneur de son nom, ce ne sera pas lui non plus qui claquera la porte au nez des jeunes filles en manque d’huile.

Jésus s’est laissé condamner à mort pour accréditer une autre réalité de Dieu selon laquelle Dieu accompagne les hommes et leur envoie son Esprit pour les dynamiser, pour leur donner de l’audace et leur permettre d’affronter les périls de la vie avec courage. Ils peuvent ainsi surmonter les épreuves qu’ils subissent sans savoir pourquoi elles arrivent. Il leur donne l’audace de la foi pour vivre dans l’espérance et regarder la mort avec sérénité.

La parabole des dix vierges devient alors inacceptable pour celui qui croit en ce Dieu que la mort et la Résurrection de Jésus lui donne de découvrir. Il y avait maldonne dès le début. En fait personne n’avait demandé aux vierges de faire ce qu’elles ont fait. Ce sont les vierges entre elles qui avaient décidé qu’il fallait de l’huile en réserve pour entrer, et qu’elles ne pouvaient rien partager. Les vierges sages étaient tout aussi folles que les autres, car elles n’avaient rien compris à la gratuité du salut. Les vierges folles, elles aussi avaient cru à un autre messie que celui qui est venu et elles ne l’ont ni reconnu , ni suivi.

Si cette histoire apparaît comme désespérante, elle n’a pourtant pas lieu de l’être, car le marié qui ferme la porte n’est pas le vrai messie. Il est la fausse image d’une réalité dépassée. La porte ne peut pas se refermer sur cinq jeunes filles et les laisser dehors, car personne ne leur avait interdit d’entrer au moment où les portes s’étaient ouvertes. C’est l’idée qu’elles en avaient qui les a jetées dehors. C’est leur fausse idée de Dieu et du Messie qui les a amenées à cette situation si bien que la conclusion désespérante appartient à une autre réalité qui n’est pas celle de l’Évangile.

Illustrations de Hieronimus Francken


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