samedi 23 avril 2016

luc 10:25-37 Le bon samarritain - dimanche 24 avril 2016 - sermon proposé pour un culte A.C.A.T.



Luc 10 : 25-35 Le bon Samaritain

25 Un spécialiste de la loi se leva et lui dit, pour le mettre à l'épreuve : Maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? 26 Jésus lui dit : Qu'est-il écrit dans la Loi ? Comment lis-tu ? 27 Il répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain, comme toi-même. 28 Tu as bien répondu, lui dit Jésus ; fais cela, et tu vivras. 29 Mais lui voulut se justifier et dit à Jésus : Et qui est mon prochain ?
30 Jésus reprit : Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba aux mains de bandits qui le dépouillèrent, le rouèrent de coups et s'en allèrent en le laissant à demi-mort. 31 Par hasard, un prêtre descendait par le même chemin ; il le vit et passa à distance. 32 Un lévite arriva de même à cet endroit ; il le vit et passa à distance. 33 Mais un Samaritain qui voyageait arriva près de lui et fut ému lorsqu'il le vit. 34 Il s'approcha et banda ses plaies, en y versant de l'huile et du vin ; puis il le plaça sur sa propre monture, le conduisit à une hôtellerie et prit soin de lui. 35 Le lendemain, il sortit deux deniers, les donna à l'hôtelier et dit : « Prends soin de lui, et ce que tu dépenseras en plus, je te le paierai moi-même à mon retour. » 36 Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé aux mains des bandits ? 37 Il répondit : C'est celui qui a montré de la compassion envers lui. Jésus lui dit : Va, et toi aussi, fais de même.


Qui est mon prochain ? Nous allons bientôt le savoir en grinçant des dents.

Qu’a-t-il  donc  pu passer dans la tête de Jésus  pour qu’il  raconte à des gens qui lui étaient déjà hostiles cette histoire qui met en scène un étranger, voyageur solitaire en terre hostile. Non seulement il vient d’ailleurs, mais il est aussi  imprudent car il se déplace seul dans un endroit où les bandits abondent. C’est ce que dit le récit. Il est d’autant plus en danger qu’il est riche, c’est ce que nous  déduisons de la suite du texte.  Il est non seulement étranger, mais il est samaritain, c’est dire que sa pratique du culte en fait un  ennemi déclaré de la religion. Voila le personnage campé comme un être honni appartenant à la secte mal aimée des Samaritains. Il est donc très imprudent  pour lui de se déplacer ainsi dans ce lieu solitaire. On pourrait s’attendre à ce que dans un tel contexte  il lui arrive un mauvais coup, c’est même ce que pourraient espérer l’auditeur juif de Jésus.  Mais ce ne sera pas le cas. L’auditeur juif sera bien déçu, car Jésus en fera un héro.

Mais sous les traits de ce Samaritain généreux et débonnaire, n’est-ce pas Jésus lui-même qui trace son propre portrait ? Il nécessiterait sans doute quelques retouches pour être exact, mais si peu !  Jésus lui-même qui prétend enseigner les juifs n’est-il pas un demi-étranger ? Il vient de Galilée, une mauvaise terre habitée par des sang-mêlés,  des juifs mâtinés de païens. On se demande déjà en quoi il se sent autorisé à donner des leçons de vertu à des juifs de pure souche  et en plus à les offenser en prenant  un exemple hautement improbable car, nous allons le voir, l’histoire est peu vraisemblable ?

Jésus,  en habile narrateur sait tout cela, c’est pourquoi il attend prudemment que l’intrigue du récit soit vraiment nouée, pour introduire le Samaritain  sur les lieux du drame alors que les autres solutions possibles pour secourir le blessé qui est au cœur de  ce récit, ont échouées. C’est donc lui, le Samaritain détesté, qui  par son attitude, au nœud de l’histoire  donne la bonne réponse à la question  posée à l’origine  «  Qui est mon prochain ? »

Si personne ne dit rien encore, croyez-moi les détracteurs de Jésus se sont certainement mis à penser, car tout sonne faux dans ce récit si on l’approfondit quelque peu, et les auditeurs de Jésus l’ont sans doute bien compris. En effet il était notoire que la route empruntée par  le samaritain traversait un lieu désert et mal fréquenté. Le blessé de l’histoire en a fait les frais, mais lui le Samaritain qui  est sans doute riche car il débourse par la suite une forte somme, n’aurait sans doute pas couru le risque de voyager seul si l’histoire était crédible. S’il  avait voyagé en groupe avec d’autres personnes, comme  la prudence le recommandait,  son geste  aurait perdu une partie de sa valeur, c’est pourquoi Jésus l’a campé dans une histoire  invraisemblable où en tant que voyageur solitaire et vulnérable il s’aventurait sans escorte.  Mais la remarque faite au sujet du danger encouru par le Samaritain est valable aussi pour le prêtre et le lévite, qui par mesure de prudence auraient sans doute voyagés ensemble, en tout cas pas seuls.  Ils n’auraient sans doute pas eu l’imprudence de  s’aventurer seuls sur une route dangereuse. Jésus raconte là une aventure peu vraisemblable, mais il était nécessaire de tenir la sagacité de son auditoire en  éveil. Celui qui ne sait pas la suite se demande ce qui va se passer, et le dénouement sera surprenant pour celui qui ne sait pas. Préparons-nous donc  à être surpris !

En attendant, écoutons ce qui se murmure, sans doute, dans le dos de Jésus, mais qui ne sera pas encore dit d’une manière audible, car on garde le dénouement pour la fin. C’est bien connu, sussurre-t-on, que  Jésus est un anticlérical. Il préconise une autre forme de  religion, sans clergé, sans scribes  sans docteurs de la loi et sans Loi et sans Temple, c’est pourquoi, il met en scène deux religieux qu’il  accable en les mettant dans une situation improbable.  Cette rumeur  on l’entendra clairement plus tard lors du procès de Jésus au Sanhédrin, mais elle  avait déjà pris naissance en Galilée  lors du fameux sermon à Nazareth à l’issue duquel il faillit se faire lyncher. La rumeur s’amplifiait alors que Jésus approchait  de Jérusalem.

 Mais ce ne sont pas les seuls reproches que l’on pourrait encore adresser à Jésus. Il a mis en scène un aubergiste  qui accepte de faire crédit  à un étranger, ce que personne n’aurait fait, ni vous, ni moi. Ca ne tient pas ! Toute l’histoire est  construite sur des impossibilités, mais sa conclusion, qui se fera sur une solution que nous jugerons impossible, allons-nous la récuser aussi  puisqu’elle suggère d’imiter le samaritain qui donne au-delà du possible et du vraisemblable. Allons-nous alors récuser l’Evangile parce que nous l’estimons invraisemblable? 

En fait, il est bien plus facile de décrédibiliser l’histoire, plutôt que d’écouter ce qu’elle raconte. Si nous estimons que  l’histoire n’est pas crédible, c’est qu’aucun des auditeurs, ni vous ni moi n’est capable de se comporter comme devrait le faire celui qui est attentif à son prochain. C’est  à cause de la rudesse de notre cœur que nous avons dénoncé tous les arguments qui rendent cette histoire impossible, et nous l’avons fait avec complaisance, parce que les arguments ultimes de Jésus nous gênent. Mais ce n’est pas fini.

Continuons,  car cette dernière remarque a refroidi nos critiques et nous sommes prêts à écouter la suite sans rien dire. Portons notre attention sur ce samaritain qui ne tient compte ni de son temps, ni de son argent pour maintenir en vie le mourant. Ce  qui lui paraît plus essentiel que tout, même que ses soucis personnels, c’est que la vie du blessé soit préservée. Il considère cela comme un impératif quasiment  religieux, même si nulle part, il n’est fait allusion  à la religion, ni à Dieu. Mais  la relation à Dieu n’est-elle pas une émotion du cœur bien avant d’être un impératif religieux ?  Pour lui cette émotion est plus forte que les prescriptions de la religion, elle dépasse la rigidité de la loi écrite pour en faire la quintessence de la loi morale, celle à laquelle Jésus nous propose d’obéir d’instinct parce qu’elle provient d’une réaction du cœur.

Conscient   du fait que  ce qui vient d’être dit est difficilement acceptable pour la plupart, il est facile de trouver des arguments pour rendre cette parabole irrecevable.

L’argument principal est celui que l’on formule  au sujet du comportement des étrangers.  Quand on est étranger, on ne la ramène pas et on ne donne pas des leçons de bonne conduite quand on traverse simplement le pays en touriste. Certes Jésus n’insiste pas sur le fait que le samaritain est  étranger mais c’est quand même son origine qui sans le dire rend son comportement insupportable et c’est à cause de sa qualité d’étranger que Jésus a raconté la parabole de cette manière.

Jésus n’est pourtant pas un naïf. Au cours de ce voyage qui l’amène à Jérusalem, il a lui-même expérimenté la dureté des relations avec les étrangers.  Il s’est trouvé lui, et  ses amis, en situation d’étranger rejeté  en traversant la Samarie. Le récit nous en parle quelques lignes plus haut.  Il fut agressé à l’entrée d’un village samaritain ( Lc 9/53ss). Sans doute sa petite troupe était-elle  en nombre suffisant pour que l’incident soit sans conséquence, mais il dut passer son chemin ! Il est à prévoir cependant que la rancune s’était  installée au cœur de ses proches qui lui proposèrent quand même de faire descendre le feu du ciel sur les agresseurs. La leçon immédiate que Jésus tira de l’événement ne nous est pas parvenues mais elle a pu prendre la forme  de cette parabole. Jésus a bien compris le sort qu’il aurait eu s’il avait voyagé en solitaire, mais il est dit aussi que les samaritains peuvent être bons et généreux comme n’importe quel autre, juif ou pas.  Il est alors montré que la générosité de cœur n’a pas de frontières  et que ce n’est pas le fait d’être étranger qui rend les hommes différents des autres.

Il n’y a aucune frontière qui délimite le territoire où se trouve notre prochain, car ce sont les frontières construites par les hommes et non par Dieu qui  fabriquent des étrangers.  Les frontières sont  des séparations  de fabrication humaine  établies par les hommes pour des raisons économiques mais que Dieu n’a pas inventées pour  que les hommes établissent entre eux des différences d’ordre  morale raciales ou ethniques.

illustrations E. Delacroix
V. Van Gagoh
Henryk Stefan
A.N. Morot

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