jeudi 16 mars 2017

1 Samuel 16:1-13 : Comment Dieu intervient-il dans l'histoire ; dimanche 26 mars 2016




1Le SEIGNEUR dit à Samuel : Jusqu'à quand pleureras-tu sur Saül ? Moi, je l'ai rejeté : il ne sera plus roi sur Israël. Remplis ta corne d'huile et va. Je t'envoie chez Jessé, le Bethléhémite, car j'ai vu mon roi parmi ses fils.
2Samuel dit : Comment irais-je ? Saül l'apprendra et il me tuera. Le SEIGNEUR dit : Tu emmèneras avec toi une génisse et tu diras : « Je viens offrir un sacrifice au SEIGNEUR. »
3Tu inviteras Jessé au sacrifice ; je te ferai savoir moi-même ce que tu dois faire, et tu conféreras pour moi l'onction à qui je te dirai.
4Samuel fit ce que le SEIGNEUR avait dit ; il se rendit à Beth-Léhem. Les anciens de la ville vinrent en tremblant à sa rencontre et lui dirent : Bienvenue !
5Il répondit : Bonjour ! Je viens pour offrir un sacrifice au SEIGNEUR. Consacrez-vous et venez avec moi au sacrifice. Il consacra aussi Jessé et ses fils et les invita au sacrifice.
6Lorsqu'ils arrivèrent, il se dit, en voyant Eliab : A coup sûr, le SEIGNEUR a devant lui l'homme de son onction !
7Mais le SEIGNEUR dit à Samuel : Ne prête pas attention à son apparence et à sa haute taille, car je l'ai rejeté. Il ne s'agit pas de ce que l'homme voit ; l'homme voit ce qui frappe les yeux, mais le SEIGNEUR voit au cœur.
8Jessé appela Abinadab et le fit passer devant Samuel. Samuel dit : Le SEIGNEUR n'a pas non plus choisi celui-ci.
9Jessé fit passer Shamma, et Samuel dit : Le SEIGNEUR n'a pas non plus choisi celui-ci.
10Jessé fit passer sept de ses fils devant Samuel, et Samuel dit à Jessé : Le SEIGNEUR n'a choisi aucun d'eux.
11Puis Samuel dit à Jessé : N'y a-t-il plus d'autres jeunes gens ? Et il répondit : Il reste encore le petit, mais il fait paître le troupeau. Alors Samuel dit à Jessé : Envoie quelqu'un le chercher, car nous ne nous installerons pas avant qu'il soit arrivé ici.
12Jessé l'envoya chercher. Or il était roux, il avait de beaux yeux et une belle apparence. Le SEIGNEUR dit à Samuel : Confère-lui l'onction, c'est lui !
13Samuel prit la corne d'huile et lui conféra l'onction parmi ses frères. A partir de ce jour-là, le souffle du SEIGNEUR s'empara de David. Quant à Samuel, il s'en alla à Rama.


Dieu intervient-il dans le cours de l’histoire ? A-t-il une influence sur  les acteurs de ce monde et oriente-t-il leurs plans ? Intervient-il pour modifier le cours des choses quand elles ne vont pas dans le sens où il le souhaite ? Toutes ces questions sont posées dans ce chapitre 16 du premier  livre de Samuel. Elles fournissent  même une réponse à celui qui sait poser les bonnes questions. Un survol rapide de ce récit laisserait entendre que Dieu agit à sa guise et qu’il utilise les hommes, comme il l’entend  pour orienter  les événements.  A vrai dire, ce n’est pas si simple, car les hommes ne sont pas des jouets dans ses mains et les événements n’obéissent pas à sa volonté  comme par automatisme.

Ici, Dieu discerne dans les qualités d’un enfant sa capacité à diriger correctement le  pays. Même si cela n’est pas clairement dit, il faudra que cet enfant assume lui-même les responsabilités qui lui incombent pour accomplir son destin. Si Samuel discerne en lui les capacités qui sont les siennes pour devenir roi, ce sera à lui d’agir de telle sorte que son destin se réalise selon  la volonté de Dieu.   Mais avant de  voir  comment  David va assumer sa tâche, il va falloir que nous prenions en compte le fait  que  le soutient que Dieu  semble lui accorder repose  sur une injustice qui est révélée par ces quelques questions : Pourquoi lui et pas un autre ? Pourquoi Saül est-il rejeté et pourquoi David est-il favorisé ? Pour comprendre ce qui se cache derrière ces questions,  il va nous falloir remonter  légèrement en arrière dans le cours du récit.

Le récit oppose le roi Saül qui subit la défaveur de Dieu au futur roi David qui bénéficie de la faveur de ce même Dieu.  Saül avait autant de qualités pour être roi que David. Comme lui il était issu d’un milieu rural. Il était berger et  s’occupait  des ânes de son Père. Comme lui il avait une belle prestance. Que fit-il pour que son règne soit perçu comme un échec ?  Il déplu à Dieu en n’exécutant pas à la lettre les ordres qui lui avaient été transmis par Samuel.  Il offrit le sacrifice à la place de Samuel retardé,  il ne fit pas respecter à la lettre l’interdit. A la suite de chacune de ses erreurs, somme toute assez minimes en considération de celles que commit David plus tard,  il se repentit et demanda à Dieu de lui accorder son pardon, ce qui lui fut refusé.  Ses crises de folies furent  interprétées par les auteurs du texte comme des signes de la réprobation  divine  et   une  prise de possession de son âme par un esprit  mauvais. Et jamais il ne put en être délivré ni par Samuel, ni par Dieu.


A l’opposé, les erreurs de David furent  nombreuses, et finirent toujours par être pardonnées, même les plus graves. En fait, les auteurs expliquent les revers de l’un et les succès de l’autre  comme le résultat du regard que Dieu portait sur eux. Si tel est le sentiment que laissent transparaître le récit, il apparaitrait alors que Dieu interviendrait dans le cours de l’histoire d’une manière injuste et arbitraire.

Après ces réflexions nous pouvons reprendre le petit récit sur l’onction de David qui laisse entendre que la raison du plus fort n’est pas la meilleure. Il ne faut pas se fier aux apparences, c’est pourquoi les sept ainés sont écartés. Mais une question reste cependant en suspens. Pourquoi la famille de Jessée (Isaïe) a-t-elle été choisie ? La question reste sans réponse. Pour  y comprendre quelque chose, il faut considérer que l’histoire  a été rapportée  bien longtemps après les événements par les historiographes de David qui ont voulu montrer,  en  présentant  les choses ainsi, que  la dynastie  de David avait eu  les faveurs de Dieu dès les origines.  Malgré la volonté des auteurs d’orienter le récit en faveur de David, ils donnent cependant à Dieu une  apparence d’impartialité. Sa faveur va vers celui qui a le moins de chance. Il est encore un  jeune berger  et il n’est pas encore perverti par l’ambition. Il a donc toutes les chances d’être un bon roi s’il laisse parler son cœur. C’est le défit que pose le texte à l’avenir.  Mais tout cela repose sur l’arbitraire de Dieu puisqu’on ne sait rien des autres frères, si non que Dieu les a rejetés à l’avance. Dieu en  fait serait-il injuste ?

Nous nous sommes appliqués  à rendre compte du  malaise que fait naître dans  l’esprit de tout lecteur le fait qu’on ait montré que Dieu malgré une liberté que personne ne lui reproche se comportait d’une manière  injuste et partiale dans ces décisions et ses affections. A moins qu’il faille lire le texte autrement 

 On s’attachera alors  à comprendre que  l’action de Dieu  auprès du nouveau roi n’est pas liée à la faveur qu’il sera sensé lui accorder, mais à la manière dont le roi saura  écouter Dieu cœur à cœur.  Le projet de Dieu se réalisera dans la mesure où Dieu  sera entendu par le roi.  Pour David, comme pour tout homme qui se réfère à Dieu, la volonté de celui-ci se réalise dans la mesure où Dieu sera écouté et entendu. Dieu ne se propose pas d’intervenir dans  le cours des armes, mais il se propose d’agir sur la conscience des individus. Ce texte est écrit pour glorifier les actions de David, sans aucun doute, c’est pourquoi il a accablé Saül,  et la défaveur de Saül n’est donc pas à impliqué à Dieu, mais  doit être attribuée à la partialité des narrateurs.

Reste encore à déterminer comment Dieu inspire  celui qui a la charge de diriger le peuple. Certes, il est dans l’esprit de ceux qui ont rédigé ce récit de démontrer qu’Israël et le roi David  doivent être donnés en  exemple. Les nations doivent prendre leçon de leur comportement pour comprendre l’action de Dieu à travers le roi et son peuple. C’est la  bonne conduite du roi  et de son peuple  qui est garante de l’honneur de Dieu à la face du monde.

Mais comment le roi fera-t-il pour comprendre la volonté de Dieu ?    Celle-ci ne se manifeste pas seulement dans les intuitions intimes du monarque.  Il trouvera l’expression de la volonté de Dieu dans les textes fondateurs tels  le livre de l’Exode par exemple qui  en donne un aperçu clair et précis dans les dix commandements.  On la trouve aussi dans les textes  des livres des  prophètes   qui trouvèrent leur formulation  définitive à l’époque où les textes  relatant l’histoire des rois furent écrits. Ils insistent sur le respect  que l’on doit à  la veuve et  à l’orphelin, sur l’accueil de l’étranger et de l’immigré, sur la libération nécessaire des esclaves. Si le roi s’appuie sur de telles recommandations, son action sera conforme à la volonté de Dieu.

On trouvera donc dans ce récit de l’enfant  innocent, gardien de troupeaux, promis à la royauté,  le texte fondateur de la dynastie royale.  Elle laisse entendre que Dieu intervient dans l’histoire non pas, par des actes remarquables mais par la mise en œuvre de sa volonté par ceux qui se mettent à son écoute alors qu’ils ont la charge de gouverner le pays. Mais ce texte correspond plus à un souhait concernant le monarque qu’à la réalité. Si Dieu a cherché à inspirer les rois, ceux-ci n’en ont pas moins fait selon leur fantaisie.

Aucun commentaire: