lundi 28 janvier 2019

Luc 5/1-11 A quoi sert notre vie? - Dimanche10 février 2019


Luc Chapitre 5


Les quatre premiers disciples

1 Comme la foule se pressait autour de lui pour entendre la parole de Dieu, et qu'il se tenait près du lac de Gennésareth,

2 il vit au bord du lac deux bateaux d'où les pêcheurs étaient descendus pour laver leurs filets.

3 Il monta dans l'un de ces bateaux, qui était à Simon, et il lui demanda de s'éloigner un peu du rivage. Puis il s'assit, et du bateau il instruisait les foules.

4 Lorsqu'il eut cessé de parler, il dit à Simon : Avance en eau profonde, et jetez vos filets pour pêcher.

5 Simon lui répondit : Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre. Mais, sur ta parole, je vais jeter les filets.

6 L'ayant fait, ils prirent une grande quantité de poissons : leurs filets se déchiraient.

7 Ils firent signe à leurs associés qui étaient dans l'autre bateau de venir les aider. Ceux-ci vinrent et remplirent les deux bateaux, au point qu'ils enfonçaient.

8 Quand il vit cela, Simon Pierre tomba aux genoux de Jésus et dit : Seigneur, éloigne-toi de moi : je suis un homme pécheur.

9 Car l'effroi l'avait saisi, lui et tous ceux qui étaient avec lui, à cause de la pêche qu'ils avaient faite.

10 Il en était de même de Jacques et de Jean, fils de Zébédée, les compagnons de Simon. Jésus dit à Simon : N'aie pas peur ; désormais ce sont des êtres humains que tu prendras.

11 Alors ils ramenèrent les bateaux à terre, laissèrent tout et le suivirent.



Luc 5/1-11

Quand on évoque le nom de Jésus, même si on sait que son histoire finit mal on a tendance à être transporté dans un monde où le miracle trouverait tout naturellement sa place si bien que la question se pose de savoir pourquoi son histoire s’est si mal terminée et pourquoi ce temps si privilégié de sa présence a si peu duré. Ce sont ces deux questions qui habiteront aujourd’hui notre propos.

Pour l’instant notre regard s’attarde entre les roseaux pour se porter sur  des hommes fatigués par une nuit de travail sans résultat et qui jettent à nouveau leur filet sur l’injonction d’un inconnu qui a squatté leur embarcation pendant qu’ils réparaient leurs filets. Cet homme  les a invités encore une fois à jeter le filet. Il est fascinant cet homme, on fait ce qu’il dit  sans commenter le bienfondé de son propos. Fait surprenant, les pêcheurs fatigués obtempèrent.  L’intrusion de Jésus sur la barque a changé la donne. Sans savoir comment, ils ont repris espoir, ils ont recommencé à pêcher et la prise a été bonne. Moralité de l’histoire : quand Jésus s’approche des hommes, la vie reprend ses droits et l’avenir leur sourit. C’est en tout cas cette lecture  du texte  que les auteurs de l’Evangile veulent que nous fassions.

Au contact de Jésus la vie des hommes peut devenir différente, l’avenir peut leur sourire et même leur vie professionnelle peut prendre un autre aspect.  Pour mieux entrer dans ce texte nous allons essayer de le lire comme une allégorie. La barque de pêche cesse alors d’être l’instrument de travail de ces hommes d’autrefois, pour devenir le symbole de notre propre existence navigant au gré des eaux au cours desquelles  coule  notre vie. Elle est chargée de notre quotidien dont nous aimerions voir la banalité se transformer en quelque chose de plus stimulant. Nous connaissons bien ce lac sur lequel glisse notre embarcation puisque c’est notre vie. Nous savons bien où dans les roseaux, se cachent les poissons que nous sommes censés pêcher. Nous savons les écueils qu’il ne nous faut pas heurter pour ne pas abimer le bateau, nous savons aussi où sont les hauts fonds où il ne faut pas s’ensabler. Nous savons  aussi, que quand le soleil  darde ses rayons, les poissons ne se laissent pas capturer. Nous connaissons parfaitement tout ce qui fait notre  vie de pêcheur ou de qui que  ce soit d’autre. Nous sommes parfaitement adaptés à la vie que nous menons, mais cette vie ne nous enthousiasme pas.

Notre existence se passe sur les rives du lac comme on le ferait en lisant un livre dont on tournerait chaque jour une page  et dont on sait par cœur le contenu des épisodes déjà vécus. On   devine sans peine, comme par habitude, ce que contiendront  les pages qui ne sont pas encore écrites, jusqu’à la dernière dont nous savons pertinemment, comment elle s’achèvera, même si nous n’en connaissons pas précisément les détails.

Il arrive alors, comme dans ce récit, qu’une voix  venue d’ailleurs  nous interpelle parfois  pour nous interroger. Il ne s’agit pas cette fois  de savoir si la pêche a été bonne mais il s’agit de nous demander si la vie que nous menons nous satisfait. Cette question à laquelle on peut répondre par oui ou par non  ne produit pas en nous une réponse claire, mais déclenche tout un flot de  nouvelles questions que nous nous posons à nous-mêmes. En fait, est-ce que notre vie nous satisfait ? A-t-elle un but ?  Et  ce but s’il y en a un, a- il été prévu à l’avance ?  La vie que nous menons a-t-elle été programmée par quelqu’un d’autre que nous ?  Avant de répondre, il s’agit de réfléchir à ce que nous sommes  et à  chercher  à savoir si on se connaît vraiment soi-même. Se connaître soi-même ! « Gnauthi seauton ».  C’est ce que disait le philosophe  Socrate.   En fait nous passons notre vie à sonder le lac de notre existence pour mieux savoir de quoi nous sommes capables et pour savoir ce que nous pouvons modifier pour être plus performants. Depuis notre plus jeune âge on nous a appris à faire cet exercice afin de nous dépasser, de  dépasser les autres et de toujours nous mettre en valeur.

En écoutant cette voix qui nous interroge nous avons conscience qu’elle pourrait bien être celle de Dieu et qu’elle se confond aujourd’hui avec celle de Jésus qui invite  ces hommes a toujours se dépasser et faire encore mieux. Mais est-ce bien ici le but de l’intervention de Jésus ? Les entraîne-t-il à accomplir une performance humaine et  vise-t-il à  en faire des pécheurs meilleurs que ceux de la barque d’à côté ? Je ne sais, en tout cas ni Jésus, ni les pécheurs ne valorisent cette pêche exceptionnelle. Une fois les filets ramenés sur le rivage, la prouesse de la pêche  ne semble plus avoir aucune importance. Elle n’avait pas pour but, semble-t-il de faire de ces pécheurs  des pêcheurs plus performants que les autres.

C’est  l’Ecclésiaste qui par ses méditations blasées sur le sort humain éclairera peut être notre propos et fera rebondir nos questions. Il dira : «   j’ai construits des villes, j’ai bâtis des entreprises, j’ai parcouru le monde et traversé les mers, mais tout cela n’est que vanité et fuite du temps ! » Si cette réflexion est le reflet de la sagesse biblique,   nous allons nous demander pourquoi Jésus a entraîné ces hommes à  se dépasser ?

C’est alors que nous ramenant  à notre embarcation, la voix  qui nous a interpelés nous invite à continuer notre action. Replonge à nouveau dans le lac, descends jusque dans la boue, remue les galets, fouille les racines des roseaux, et si tu l’as déjà fait recommence, tu finiras par voir alors des poissons qui te sont jusqu’alors inconnus mais  qui s’y trouvaient déjà, sans que tu y fasses attention. Ces poissons ce sont des hommes comme toi, dépassés par tout ce qui les empêche de vivre. Ils sont semblables à toi. Ils pourraient bien être tes frères et ils  t’attendent car c’est eux qui donneront du sens à ta vie. Tu pourras dire alors : Celui que je ne connaissais pas encore  m’a envoyé chercher quelqu’un à aimer et je l’ai trouvé, et  la voix de celui qui se tient sur le rivage et qui t’a interpellé tout à l’heure  te dis maintenant «  je fais de toi un pêcheur d’homme ». La voix de celui qui a interpelé les pêcheurs et qui ensuite t’a interpelé ne cesse de te dire : c’est pour chercher quelqu’un à aimer que je t’ai envoyé.

Le savaient-ils, ces quelques pêcheurs sur le lac, quand il leur demanda de jeter à nouveau leurs filets, que c’est pour rencontrer des hommes qu’il les renvoyait à la manœuvre. En effet, leurs filets à peine retirés, il n’est plus question de la pêche aux poissons. Les marins pêcheurs  rejoignent  à la suite de Pierre celui qui les a envoyés à la recherche de leur prochain. Car ce n’était pas la pêche qui était le but de l’opération, c’était le dépassement de soi vers cet ailleurs du monde où se tiennent tous les prochains qui attendent qu’on les aime. Jésus les a suffisamment motivés pour que ce soit désormais le  service de l’autre qui soit leur premier souci.

Le prochain, qui porte en lui le même visage que Dieu est rarement perçu par nous, comme faisant partie du projet de vie que Dieu nous propose. Certes, nous nous intéressons à lui, certains consacrent même leur vie à son service,  mais tous ces prochains,  que Jésus nous donne à découvrir font-ils  partie du souci premier  de ceux qui ont accepté de suivre Jésus.

L’Evangile ne s’arrête pas là, l’histoire  des hommes en compagnie de Jésus se ne  se termine pas là et  va se poursuivre encore longtemps! Il suffit de regarder le monde d’aujourd’hui  pour constater qu’un grand décalage   subsiste encore entre les projets que  Dieu nous inspire quand il nous envoie à la pêche aux hommes et les projets que construisent les hommes qui se donnent pour tâche de gérer le monde. 

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