mardi 6 août 2019

Luc 12/49-53 Jéssus face à la réalité de son ministère dimanche 18 août 2019


Luc 12/49-53


49 Je suis venu jeter un feu sur la terre ; comme je voudrais qu'il soit déjà allumé ! 50 Mais il y a un baptême que je dois recevoir, et quelle angoisse est la mienne, tant que je ne l'ai pas reçu ! 51 Pensez-vous que je sois venu pour apporter la paix sur la terre ? Non, mais la division. 52 En effet, à partir de maintenant, s'il y a cinq personnes dans une famille, elles seront divisées trois contre deux, et deux contre trois. 53 Le père sera contre le fils et le fils contre son père ; la mère contre sa fille, et la fille contre sa mère : la belle-mère contre sa belle-fille, et la belle-fille contre sa belle-mère.

54 Puis, s'adressant de nouveau à la foule, Jésus reprit : Quand vous voyez apparaître un nuage du côté de l'ouest, vous dites aussitôt : « Il va pleuvoir », et c'est ce qui arrive. 55 Quand le vent du sud se met à souffler, vous dites : « Il va faire très chaud », et c'est ce qui arrive. 56 Hypocrites ! Vous êtes capables d'interpréter correctement les phénomènes de la terre et les aspects du ciel, et vous ne pouvez pas comprendre en quel temps vous vivez ? 57 Pourquoi aussi ne discernez-vous pas par vous-mêmes ce qui est juste ? 58 Ainsi, quand tu vas en justice avec ton adversaire, fais tous tes efforts pour t'arranger à l'amiable avec lui pendant que vous êtes encore en chemin. Sinon, il te traînera devant le juge, celui-ci te remettra entre les mains des forces de l'ordre qui te jetteront en prison. 59 Or, je te l'assure, tu n'en sortiras pas avant d'avoir remboursé jusqu'à la dernière petite pièce.



Sans doute Jésus était-il lucide sur lui-même. Il ne s’est pas laissé prendre  au succès apparent qu’il obtenait   auprès de la poignée de ses fidèles qui partageaient  en partie sa vie. Il savait que ses amis se posaient des questions à son sujet et que certains avaient même cessé de le suivre. Mais il savait aussi que l’Evangile qu’il voulait proclamer en était le prix. Il rendait témoignage à un Dieu au nom duquel certains prophètes avaient perdu la vie avant lui. Esaïe en en fait le portrait dans les chants du serviteur souffrant à qui on avait même arraché la barbe.  Jérémie  avait douté de ce même Dieu et de la charge qu’il lui avait confiée et avait maudit le jour de sa naissance. Jonas quant à lui, tourna le dos à la mission qu’il lui avait été assignée, croyait-il.


 Jésus ne s’opposait pas vraiment au Dieu que la loi de Moïse avait révélé, mais il contestait ce que la religion en avait fait.  Il s’intéressait d’abord et avant tout au prochain et le prochain c’était l’autre quel qu’il soit. Dans les rapports humains, c’était toujours l’autre qui devait avoir  priorité. L’autre n’était pas forcément le pauvre en opposition au riche. Jésus ne  demandait pas forcément de changer les rapports sociaux, mais c’est à l’autre, à tous les autres à qui Dieu donnait priorité. Le mendiant n’était pas plus que le roi, mais le roi  n’était pas plus que le mendiant. Celui qui avait priorité, c’est celui  avec qui chacun était en relation immédiate. La hiérarchie qu’il préconisait, c’est que l’autre devait passer avant moi. La femme avant l’homme, l’enfant avant l’adulte.


En commençant mon propos, je crains  que vous ne soyez  choqués par ce que je vais dire au sujet de Jésus, car en voulant être fidèle à ce texte, vous allez  découvrir que je ne vais pas tracer de Jésus un portrait avenant, conforme à celui que la tradition a retenu.  Il était lui-même bien conscient que son enseignement allait créer des dissensions parmi ses amis et  que même sa propre famille allait le rejeter.( voir la série d’articles que Réforme consacre actuellement à Jacques frère de Jésus). Il ne se priva pas lui-même de prendre ses distances par rapport à sa mère et ses frères.  Sans savoir si je m’y prends bien je vais prendre  la défense de Jésus quand il paraît excessif, mais je vais en même temps prendre le parti de ses amis quand ils seront tentés de le trahir et de le rejeter. 


En écoutant ce texte avec attention, nous réalisons que Jésus a créé un climat de discorde et  de suspicion autour de lui. Il a entraîné ses disciples à faire des gestes  provoquant qui ont choqué les hôtes de Jésus, comme le fait  de ne pas se laver les mains avant les repas. Il a lui-même invité des hôtes  non recommandables à la table de ceux qui l’invitaient à partager leurs repas. Comme ses amis nous sommes tentés de le désapprouver quand il semblait  choquer gratuitement. Nous allons  être tentés de rejoindre ceux qui ont trouvé qu’il allait trop loin et qui l’ont trahi. En fait,  c’est ce qu’on fait tous ses  lors de son arrestation.  Même si c’était un faux prétexte pour ne pas faire cause commune avec lui, ils se sont enfuis. Ils avaient peur de l’autorité qui  le faisait  l’arrêter, d’autant plus que  c’était en partie la garde du temple à la solde des grands prêtres. Ils avaient peur que les grands-prêtres les accusent de partager ses idées dont ils se désolidarisèrent ce soir-là. Puisque les soldats se  chargeaient du mauvais travail, autant laisser faire !  On agirait plus tard si c’était possible ! On nous raconte que Pierre osa le suivre de loin, et malgré ce geste courageux, qu’il fut le seul à faire, c’est lui qu’on accusa de trahison !


Pour le moment rejoignons Jésus sur les chemins de Galilée au printemps ! Pourquoi au printemps ? Parce qu’en bonne logique il devait prendre ses quartiers d’hier sur le bord du Lac dans la maison de Pierre, car il était nécessaire de  se mettre à l’abri quand le temps était froid.


Dès que le printemps arrivait, Jésus se mettait en route avec quelques-uns de ses disciples qui le suivaient en profitant de ses enseignements. Il était parfois accueilli chez quelques fidèles amis qui lui offraient le gîte et le couvert  tel Lazare et ses sœurs. Certains bourgeois le retenaient parfois pour le repas du soir. De nombreux textes attestent de cette éventualité, mais il n’était sans doute pas  rare qu’il établisse un campement pour la nuit. Certains passages le laissent entendre aussi. On peut facilement imaginer que quelques adeptes restaient  avec son petit groupe pour la nuit. Ils mangeaient avec eux ce qu’il y avait, partageaient sans doute les provisions qu’ils avaient apportées avec eux. C’était festif et récréatif. Les évangiles le racontent dans les 5 récits de la multiplication des pains. Pour la nuit, quand celle-ci était fraiche, c’était leurs manteaux qu’ils partageaient ou la couverture. Le matin, les uns repartaient à leur occupations habituelles, Jésus quant à lui, avec sa poignée d’amis reprenait son chemin jusqu’au soir où le rejoignaient d’autres amis, et cela se faisait au fil des jours. C’était sans doute difficile à vivre. Pour les hôtes occasionnels,  cela se faisait une fois, mais pour Jésus et ses disciples, c’était tous les jours. 


Eclairés  par cette vie austère l’enseignement de Jésus se colorait d’une manière singulière. Quel aspect pouvait prendre ce Royaume qu’il annonçait ? Était-ce cette vie de nomade  où tout le monde était le bienvenu,  où il fallait parfois, mendier son pain et se méfier à tout instant de la police de l’occupant ? On pouvait rêver mieux. Était-ce vraiment ce que Dieu leur demandait ? Ce Dieu était-il vraiment celui qui  allait tout changer  miraculeusement ?  Les disciples  pouvaient-ils construire leur foi naissante avec si peu ?


C’est dans ce contexte, et dans ces conditions que sont nés les Evangiles. On se doute bien que tout cela n’était pas sans leur poser de questions et Jésus s’en rendait compte. Il entendait et comprenaient leurs  désaccord. Il comprenait leur tentation de tout quitter et de revenir à leur vie d’avant, comme l’ont fait les deux disciples d’Emmaüs quand ça a mal tourné. A mesure que les jours passaient la tentation était sans doute de plus en plus forte de de tout abandonner si  Jésus ne changeait pas ses méthodes.


On a reproché à la foule qui suivait Jésus d’être fluctuante et versatile, mais elle partageait tous ces questionnements que l’on vient d’évoquer, Jésus le savait et  ne songeait pas à changer. Le Dieu d’amour qu’il proposait voulait-il faire d’eux d’éternels mendiants ? Tout cela  était-il porteur d’avenir ?  Sans doute faisaient-ils secrètement à Jésus le reproche  d’attirer les enfants à lui, de les cajoler, de donner des conseils à leur sujet, mais qu’en savait-il, lui qui n’avait pas d’enfants ? « Laissez venir à moi les petits enfants » ! Etait-ce cette vie de mendiants qu’il préconisait pour eux ? Il y avait de quoi s’inquiéter ! Le Royaume dont il faisait l’apologie ressemblait à un camp de réfugiés, et sans doute personne ne voulait-il de ça. 


Jésus savait bien que l’on n’attire pas les mouches avec du vinaigre, mais les foules, amadouées par ses propos, avides  des miracles qu’ils faisaient ne partageaient pas le quotidien de ses amis et Jésus sentait monter les hostilités. C’est ce qu’il exprime  ici dans ce passage.


Certes, j’ai pris beaucoup de libertés, mais j’ai essayé de dire dans quel contexte l’Evangile est né et quel portrait de Dieu en ressortait. Si la personne du prochain, c’est-à-dire de n’importe quel autre avait priorité dans les soucis de Jésus, il faut prendre conscience que ce prochain est le  compagnon imprévu de notre quotidien : Soldat, paysan, pharisien, samaritain. C’était ce que Dieu nous demandait ! Selon lui, Dieu était l’inspirateur silencieux de nos attitudes provocatrices,  justifiant le bien fondé de nos conduites surprenantes. Il visait à nous proposer un Royaume sans roi, sans privilège, sans dominant, impossible à réaliser avec seulement notre bonne volonté, mais révélateur de projets que Dieu inspire à ceux qui voient en lui celui qui nous donne l’audace de penser autrement.


C’est alors que la mort de Jésus et sa résurrection se sont chargées de nous révéler que toutes les utopies de Jésus n’étaient possibles que si Dieu s’en mêlait. C’est lui qui nous donne la possibilité de voir et de vivre  les choses autrement. Il met sur notre chemin  le prochain à aimer, sans se soucier des  conditions de notre rencontre, ni de conséquences qu’elle peuvent   entraîner. C’est lui qui décide de nos changements d’attitude et qui nous entraine à construire son Royaume, ce lieu où tous les prochains sont frères.

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