Marc 1/ 40 Un lépreux vint à Jésus, se mit à genoux devant lui et lui demanda son aide en disant : « Si tu le veux, tu peux me rendre pur. » 41 Jésus fut rempli de pitié pour lui( j) ; il étendit la main, le toucha et lui déclara : « Je le veux, sois pur ! » 42 Aussitôt, la lèpre quitta cet homme et il fut pur. 43 Puis, Jésus le renvoya immédiatement en lui parlant avec sévérité. 44 « Écoute bien, lui dit-il, ne parle de cela à personne. Mais va te faire examiner par le prêtre, puis offre le sacrifice que Moïse a ordonné, pour prouver à tous que tu es guéri (k) . » 45 L'homme partit, mais il se mit à raconter partout ce qui lui était arrivé. A cause de cela, Jésus ne pouvait plus se montrer dans une ville ; il restait en dehors, dans des endroits isolés. Et l'on venait à lui de partout.
j fut rempli de pitié pour lui : certains manuscrits ont fut rempli de colère contre lui.
k Voir Lév 14.2-32.
Marc 1/40-45
« Je le veux, sois pur !»
Une telle phrase apparemment anodine contient en elle assez de dynamite pour faire exploser tout le monde religieux, non seulement l’univers confiné du judaïsme palestinien du premier siècle, mais aussi la conception de Dieu telle que les hommes ont généralement l’habitude de la concevoir. C’est le visage de Dieu qui se trouve modifié par cette courte sentence.
Jésus prononce ces quelques mots à propos d’un homme atteint de la plus atroce des maladies qui reléguait des dans ghettos sordides les gens qui en étaient atteints. Ils étaient condamnés à mourir à petit feu dans le monde des exclus, et s’ils en sortaient, ils encouraient une mort plus rapide par lynchage immédiat. Toutes les civilisations ont pratiqué ce genre d’exclusion. Mais la lèpre portait aussi en elle le poids d’une malédiction qui laissait entendre que le malade était maudit par Dieu et rejeté par lui . Son mal était le châtiment d’une faute dont lui, où ses parents avant lui, étaient responsables. Il subissait ainsi une malédiction divine dont il ne connaissait pas la cause mais dont il subissait les effets.
« Sois pur, je le veux ! » De deux choses l’une : ou bien Jésus avait le pouvoir de s’opposer à la malédiction divine ou alors, ce n’était pas Dieu qui était à l’origine de cette maladie et dans ce cas, il n’y avait donc pas de malédiction divine.
Quoi qu’il en soit, dans les deux cas, Dieu est mis en cause. A la réflexion la première hypothèse qui doute de la toute puissance de Dieu est invraisemblable. La deuxième hypothèse porte en elle son lot de difficultés, elle affirme que Dieu n’a pas voulu la maladie de cet homme, la conclusion qui en découle c’est que Dieu ne maudit personne, et qu’il ne punit personne. La guérison du malade signifie que Dieu fait tout pour s’opposer à son mauvais sort et pour le sortir d’une situation désastreuse. Dieu veut donc le salut et non le châtiment.
Cette affirmation semble générer autant de problèmes qu’elle en résout, puisque Dieu n’utilise pas le mal pour régler ses différents avec les hommes. Il n’y a plus rien de commun entre Dieu et le mal. Finie l’époque où Jéhovah poursuivait Caïn d’un œil vengeur jusque dans les profondeurs du tombeau ! Comment répondre alors à nos questions sans réponses concernant nos malheurs inexplicables ? Comment rendre compte de tout ce qui nous arrive si Dieu n’y a rien à voir ?
Cela est tellement provocant que le texte de l’Evangile lui-même semble avoir été secoué par une explosion interne qui bouscule toutes les idées et les met en contradiction les unes avec les autres. Tout d’abord, Jésus transgresse et respecte la Loi de Moïse tout à la fois. Il touche le lépreux, ce qui est interdit par la Loi et il l’envoie au prêtre ce qui est exigé par cette même Loi. Par ailleurs, Jésus est saisi d’émotion jusque dans ses propres entrailles, tant il s’approprie la maladie de l’autre, et en même temps, il le rudoie sévèrement. Il lui interdit de parler et l’autre se met à parler sans retenue. Cette publicité que Jésus ne veut pas l’empêche d’accomplir son propre ministère en ville, où il a l’habitude d’aller parce que les foules s’y rassemblent. Il se retrouve alors dans le désert qui se remplit instantanément de monde.
Si seulement quelques lépreux pouvaient encore venir se faire guérir dans nos temples, alors ces lieux presque déserts deviendraient des lieux de rassemblement ! Une telle remarque n’est-elle pas blasphématoire ? N’est-ce pas un piège pour prédicateur en mal de succès ou d’église en perte de vitesse ? Nous souhaitons parfois que quelque chose de spectaculaire se manifeste pour bousculer l’apathie de nos communautés, tant nous sommes persuadés que Dieu se sert des choses spectaculaires pour attirer les hommes à lui. Jésus quant à lui pense le contraire.
C’est d’ailleurs à cause de cela qu’il se met en colère. Il sait comment les choses vont se passer. Il sait qu’en faisant de la publicité sur le miracle et qu’en parlant de merveilleux, les foules vont accourir pour chercher un autre visage de Dieu que celui que Jésus veut manifester, et il ne pourra pas prêcher comme il veut.
Il y a de quoi être désorienté. Si Dieu ne fait pas l’arbitre entre le bien et le mal, s’il ne maudit pas les coupables, s’il ne punit pas les méchants, où sont les points de référence ! Les hommes en ont besoin, ils veulent savoir clairement où est le bien pour rejeter le mal et il faut que Dieu le leur indique. C’est pourquoi les hommes sont à l’affût d’événements clairement repérables qui leur permettent de se situer. Et quand ils l’ont fait, ils veulent le dire aux autres pour qu’ils puissent à leur tour se repérer. L’action du lépreux va dans ce sens. Il dit clairement haut et fort, où et quand il a vu Dieu agir puisqu’il est au bénéfice de cette action. Il répond ainsi à la demande de cohérence humaine. Il n’empêche que Jésus n’est pas du tout d’accord.
Même si apparemment le lépreux a raison, il fait par son raisonnement l’économie de la foi. La foi s’appuie sur une la conviction intérieure que donne le saint Esprit, elle ne se démontre pas et ne se voit pas. Jésus a montré que chacun était au bénéfice d’une relation personnelle avec Dieu, et c’est dans cette relation personnelle que naît la foi. Il nous a appris à voir dans les lys des champs ou dans la venue du printemps la réalité de la présence de Dieu. C’est en laissant une prostituée partir sans châtiment qu’il montre la miséricorde du Seigneur et c’est en mourant lui-même sur une croix qu’il démontre la toute puissance de Dieu sur la mort. Il nous a appris à entrer dans le mystère de sa résurrection en partageant tout simplement un morceau de pain accompagné de vin. Tout cela est matière de foi.
Mais nous avons toujours besoin d’en rajouter, c’est pourquoi au cours des siècles les chrétiens, comme jadis les païens ont cherché à lire les prodiges de Dieu dans des miracles plus ou moins spectaculaires que des hommes ou des femmes exceptionnels ont réalisés, c’est ainsi qu’est né le culte des saints. Il a alors fallu que les choses deviennent outrancières pour que, par le biais des Réformateurs la Chrétienté retrouve les valeurs de la gratuité du salut par la foi et de la simplicité de la Révélation. Ils ont rappelé que Dieu ne punit ni ne rejette aucun homme mais cherche à tous les sauver. Ils ont enseigné à nouveau à mettre les hommes en harmonie avec leur Dieu, non pas par des faits prodigieux, mais par la foi seule.
Ont-il eu raison, ont-ils eu tort ? Arrivé ici dans mon raisonnement je ne sais plus. Les hommes qui au fil des siècles ont suivi leur enseignement ont cessé de redouter la colère de Dieu. Ils se sont sentis joyeusement libérés du poids de toutes les malédictions et du péché. Ils se sont sentis bousculés par la foi pour aller à la rencontre des hommes et ils ont entrepris de lutter contre tous les maux qui oppriment les humains. Mais trop bien libérés par Dieu, trop actifs dans les entreprises de libération des hommes, ne se prennent-ils pas aujourd’hui pour leurs propres libérateurs ?
Ils parlent d’amour, d’espérance et de liberté et s’ils n’éprouvent plus aucune crainte de Dieu, ils ne ressentent pas le besoin de le remercier, et ils oublient la louanges et la reconnaissance. Ils ne se reconnaissent plus pécheurs et n’éprouvent nul besoin de pardon. Dieu est sorti de leur vie et il le paye d’ingratitude pour en avoir fait des hommes affranchis. Dans les sanctuaires désaffectés ne retentissent plus leurs louanges et les bancs vides ne sont plus que décor de musée.
Pardonnez-moi ces quelques instants de morosité et de désaroi. Mais comment recevoir ces constatations dans la foi ?
Je crois, que Dieu croit plus en l’homme que moi-même. Il sait, mieux que personne sa capacité de remise en question. Il sait que l’homme libéré ne peut retourner à ses pratiques anciennes qui font de Dieu une divinité redoutable qu’il faut craindre. Si aujourd’hui, alors que tout s’entremêle, il a perdu le chemin qui mène à Dieu, il est capable de se remettre en question et de réécrire une page d’amour avec Dieu. Si pour un temps, qui est le nôtre, pris par l’activisme et les défis du présent siècle, si encombré aussi par sa vanité et son orguei,l l’homme oublie l’origine de son histoire, Dieu sait qu’il peut, un jour retrouver le chemin qui mène à lui. C’est dans cette espérance là que Dieu nous demande de regarder l’avenir qu’il éclaire alors que l’actualité se plaît à l’assombrir.
k Voir Lév 14.2-32.
Marc 1/40-45
« Je le veux, sois pur !»
Une telle phrase apparemment anodine contient en elle assez de dynamite pour faire exploser tout le monde religieux, non seulement l’univers confiné du judaïsme palestinien du premier siècle, mais aussi la conception de Dieu telle que les hommes ont généralement l’habitude de la concevoir. C’est le visage de Dieu qui se trouve modifié par cette courte sentence.
Jésus prononce ces quelques mots à propos d’un homme atteint de la plus atroce des maladies qui reléguait des dans ghettos sordides les gens qui en étaient atteints. Ils étaient condamnés à mourir à petit feu dans le monde des exclus, et s’ils en sortaient, ils encouraient une mort plus rapide par lynchage immédiat. Toutes les civilisations ont pratiqué ce genre d’exclusion. Mais la lèpre portait aussi en elle le poids d’une malédiction qui laissait entendre que le malade était maudit par Dieu et rejeté par lui . Son mal était le châtiment d’une faute dont lui, où ses parents avant lui, étaient responsables. Il subissait ainsi une malédiction divine dont il ne connaissait pas la cause mais dont il subissait les effets.
« Sois pur, je le veux ! » De deux choses l’une : ou bien Jésus avait le pouvoir de s’opposer à la malédiction divine ou alors, ce n’était pas Dieu qui était à l’origine de cette maladie et dans ce cas, il n’y avait donc pas de malédiction divine.
Quoi qu’il en soit, dans les deux cas, Dieu est mis en cause. A la réflexion la première hypothèse qui doute de la toute puissance de Dieu est invraisemblable. La deuxième hypothèse porte en elle son lot de difficultés, elle affirme que Dieu n’a pas voulu la maladie de cet homme, la conclusion qui en découle c’est que Dieu ne maudit personne, et qu’il ne punit personne. La guérison du malade signifie que Dieu fait tout pour s’opposer à son mauvais sort et pour le sortir d’une situation désastreuse. Dieu veut donc le salut et non le châtiment.
Cette affirmation semble générer autant de problèmes qu’elle en résout, puisque Dieu n’utilise pas le mal pour régler ses différents avec les hommes. Il n’y a plus rien de commun entre Dieu et le mal. Finie l’époque où Jéhovah poursuivait Caïn d’un œil vengeur jusque dans les profondeurs du tombeau ! Comment répondre alors à nos questions sans réponses concernant nos malheurs inexplicables ? Comment rendre compte de tout ce qui nous arrive si Dieu n’y a rien à voir ?
Cela est tellement provocant que le texte de l’Evangile lui-même semble avoir été secoué par une explosion interne qui bouscule toutes les idées et les met en contradiction les unes avec les autres. Tout d’abord, Jésus transgresse et respecte la Loi de Moïse tout à la fois. Il touche le lépreux, ce qui est interdit par la Loi et il l’envoie au prêtre ce qui est exigé par cette même Loi. Par ailleurs, Jésus est saisi d’émotion jusque dans ses propres entrailles, tant il s’approprie la maladie de l’autre, et en même temps, il le rudoie sévèrement. Il lui interdit de parler et l’autre se met à parler sans retenue. Cette publicité que Jésus ne veut pas l’empêche d’accomplir son propre ministère en ville, où il a l’habitude d’aller parce que les foules s’y rassemblent. Il se retrouve alors dans le désert qui se remplit instantanément de monde.
Si seulement quelques lépreux pouvaient encore venir se faire guérir dans nos temples, alors ces lieux presque déserts deviendraient des lieux de rassemblement ! Une telle remarque n’est-elle pas blasphématoire ? N’est-ce pas un piège pour prédicateur en mal de succès ou d’église en perte de vitesse ? Nous souhaitons parfois que quelque chose de spectaculaire se manifeste pour bousculer l’apathie de nos communautés, tant nous sommes persuadés que Dieu se sert des choses spectaculaires pour attirer les hommes à lui. Jésus quant à lui pense le contraire.
C’est d’ailleurs à cause de cela qu’il se met en colère. Il sait comment les choses vont se passer. Il sait qu’en faisant de la publicité sur le miracle et qu’en parlant de merveilleux, les foules vont accourir pour chercher un autre visage de Dieu que celui que Jésus veut manifester, et il ne pourra pas prêcher comme il veut.
Il y a de quoi être désorienté. Si Dieu ne fait pas l’arbitre entre le bien et le mal, s’il ne maudit pas les coupables, s’il ne punit pas les méchants, où sont les points de référence ! Les hommes en ont besoin, ils veulent savoir clairement où est le bien pour rejeter le mal et il faut que Dieu le leur indique. C’est pourquoi les hommes sont à l’affût d’événements clairement repérables qui leur permettent de se situer. Et quand ils l’ont fait, ils veulent le dire aux autres pour qu’ils puissent à leur tour se repérer. L’action du lépreux va dans ce sens. Il dit clairement haut et fort, où et quand il a vu Dieu agir puisqu’il est au bénéfice de cette action. Il répond ainsi à la demande de cohérence humaine. Il n’empêche que Jésus n’est pas du tout d’accord.
Même si apparemment le lépreux a raison, il fait par son raisonnement l’économie de la foi. La foi s’appuie sur une la conviction intérieure que donne le saint Esprit, elle ne se démontre pas et ne se voit pas. Jésus a montré que chacun était au bénéfice d’une relation personnelle avec Dieu, et c’est dans cette relation personnelle que naît la foi. Il nous a appris à voir dans les lys des champs ou dans la venue du printemps la réalité de la présence de Dieu. C’est en laissant une prostituée partir sans châtiment qu’il montre la miséricorde du Seigneur et c’est en mourant lui-même sur une croix qu’il démontre la toute puissance de Dieu sur la mort. Il nous a appris à entrer dans le mystère de sa résurrection en partageant tout simplement un morceau de pain accompagné de vin. Tout cela est matière de foi.
Mais nous avons toujours besoin d’en rajouter, c’est pourquoi au cours des siècles les chrétiens, comme jadis les païens ont cherché à lire les prodiges de Dieu dans des miracles plus ou moins spectaculaires que des hommes ou des femmes exceptionnels ont réalisés, c’est ainsi qu’est né le culte des saints. Il a alors fallu que les choses deviennent outrancières pour que, par le biais des Réformateurs la Chrétienté retrouve les valeurs de la gratuité du salut par la foi et de la simplicité de la Révélation. Ils ont rappelé que Dieu ne punit ni ne rejette aucun homme mais cherche à tous les sauver. Ils ont enseigné à nouveau à mettre les hommes en harmonie avec leur Dieu, non pas par des faits prodigieux, mais par la foi seule.
Ont-il eu raison, ont-ils eu tort ? Arrivé ici dans mon raisonnement je ne sais plus. Les hommes qui au fil des siècles ont suivi leur enseignement ont cessé de redouter la colère de Dieu. Ils se sont sentis joyeusement libérés du poids de toutes les malédictions et du péché. Ils se sont sentis bousculés par la foi pour aller à la rencontre des hommes et ils ont entrepris de lutter contre tous les maux qui oppriment les humains. Mais trop bien libérés par Dieu, trop actifs dans les entreprises de libération des hommes, ne se prennent-ils pas aujourd’hui pour leurs propres libérateurs ?
Ils parlent d’amour, d’espérance et de liberté et s’ils n’éprouvent plus aucune crainte de Dieu, ils ne ressentent pas le besoin de le remercier, et ils oublient la louanges et la reconnaissance. Ils ne se reconnaissent plus pécheurs et n’éprouvent nul besoin de pardon. Dieu est sorti de leur vie et il le paye d’ingratitude pour en avoir fait des hommes affranchis. Dans les sanctuaires désaffectés ne retentissent plus leurs louanges et les bancs vides ne sont plus que décor de musée.
Pardonnez-moi ces quelques instants de morosité et de désaroi. Mais comment recevoir ces constatations dans la foi ?
Je crois, que Dieu croit plus en l’homme que moi-même. Il sait, mieux que personne sa capacité de remise en question. Il sait que l’homme libéré ne peut retourner à ses pratiques anciennes qui font de Dieu une divinité redoutable qu’il faut craindre. Si aujourd’hui, alors que tout s’entremêle, il a perdu le chemin qui mène à Dieu, il est capable de se remettre en question et de réécrire une page d’amour avec Dieu. Si pour un temps, qui est le nôtre, pris par l’activisme et les défis du présent siècle, si encombré aussi par sa vanité et son orguei,l l’homme oublie l’origine de son histoire, Dieu sait qu’il peut, un jour retrouver le chemin qui mène à lui. C’est dans cette espérance là que Dieu nous demande de regarder l’avenir qu’il éclaire alors que l’actualité se plaît à l’assombrir.
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