1Le premier jour de la semaine, Marie-Madeleine se rendit au tombeau dès le matin, comme il faisait encore obscur ; et elle vit que la pierre était enlevée du tombeau. 2 Elle courut trouver Simon Pierre et l'autre disciple que Jésus aimait, et leur dit : On a enlevé du tombeau le Seigneur, et nous ne savons pas où on l'a mis.
3 Pierre et l'autre disciple sortirent pour aller au tombeau. 4Ils couraient tous deux ensemble. Mais l'autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau ; 5 il se baissa, vit les bandelettes qui étaient là, pourtant il n'entra pas. 6 Simon Pierre qui le suivait, arriva. Il entra dans le tombeau, aperçut les bandelettes qui étaient là 7 et le linge qu'on avait mis sur la tête de Jésus, non pas avec les bandelettes, mais roulé à une place à part. 8 Alors l'autre disciple, qui était arrivé le premier au tombeau, entra aussi ; il vit et il crut. 9 Car ils n'avaient pas encore compris l'Écriture, selon laquelle Jésus devait ressusciter d'entre les morts. 10 Et les disciples s'en retournèrent chez eux.
Textes Jean 20/1-10 « L’autre disciple qui était arrivé le premier entra dans le tombeau, il vit et il cru. »
Ce sermon va être un sermon sportif. Nous allons passer tout ce temps à courir avec deux hommes dans un marathon spécial vers la vie. Nous les rejoignons alors qu'ils cherchent leur chemin dans l’obscurité. Obscurité du matin qui est en train de naître, obscurité aussi qui emplit leur esprit désemparé, comme elle emplit le nôtre face à ce mystère.
Pourquoi ces deux là courent-ils ? Où vont-ils alors qu’il ne fait pas encore jour ? Un bruit s’est fait entendre dans la nuit, une rumeur est parvenue jusqu’à eux : le tombeau est ouvert. Les voilà partis, l’un à la suite de l’autre, l’un devançant l’autre et l’autre se faisant rattraper pour être devancé à son tour. Course de deux hommes qui cherchent à échapper à leur propre nuit. Deux hommes qui cherchent à comprendre l’incompréhensible.
Leur course dans la nuit de l’incompréhension est aussi la nôtre. Nous allons, nous aussi, courir avec eux à la recherche de la vérité sur la vie, car la mort n’est plus à sa place, la mort n’est plus ce que nous croyions. Le mort n’était plus à sa place car la mort telle qu'on la croit n’a plus de place. Nous jouons sur les mots pour dire encore aujourd’hui nos interrogations sur le vrai sens de la mort et corollairement pour nous interroger sur le sens de la vie ?
Ces deux hommes courent à la recherche de ce qu’ils ne savent pas formuler. Ils espèrent une réponse à une question qu’ils ne savent pas poser. Quand ils arrivent au tombeau, là où habite la mort, il n’ y a plus de mort. L’un entre et l’autre n’entre pas. La situation est cependant la même pour l’un, comme pour l’autre. Le premier voit les bandelettes et n’entre pas et Simon qui le suivait entra et vit les bandelettes. Il y a absence du mort aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du tombeau. La mort est ailleurs. Pour l’instant la mort est dans leur âme, dans leurs questionnements et dans leurs inquiétudes. C’est alors que l’autre, celui que Jésus aimait, entre dans le lieu où était la mort et" il vit et il crut", est-il dit ! Puis ils s’en retournent chez eux.
Ainsi en est-il de nous tous en ce matin de Pâques. On est venu à l’Eglise parce que l’on croit. On est venu pour conjuguer encore une fois tous ensemble ce même verbe croire : je crois, tu crois, nous croyons, puis on retournera chez soi. Telle sera la journée du croyant en ce jour là : une commémoration du jour où la mort a cessé d’être le terme de la vie. Mais Pâques est-ce seulement cela ?
Sans doute, comme le Bien Aimé, nous sommes heureux de croire. Mais croire qui ? Ou croire quoi ou croire en quoi? La plus part du temps on n’ en dit pas plus. On se contente d’affirmer que l’on croit ? Il est important de croire, dit-on, comme si le verbe croire était une fin en soi.
Le mot croire correspond à une adhésion personnelle à une vérité qui nous dépasse. Mais de quelle vérité s’agit-il ? Cette vérité peut d’ailleurs en contenir plusieurs qui peuvent même se contredire. « Je crois en Dieu, je crois en la vie après la mort, je crois en la résurrection, je crois à la vie éternelle. » Toutes ces affirmations recouvrent des démarches intérieures qui sont le fruit de notre réflexion ou de notre tradition, ou de notre culture. Il n’est pas rare que dans leurs conversations avec les uns et les autres les pasteurs s’entendent interpeller sur ce qu’il est correct de croire pour un protestant: « nous les protestants, qu’est-ce que nous croyons sur tel point ou sur tel autre ? » Ce type de question semble dire que pour beaucoup, le fait de croire est lié à un certain nombre d’affirmations auxquelles nous nous devons d’adhérer pour faire partie d’un groupe particulier.
Si nous faisons partie de ces gens là, nous rejoignons dans la peine-ombre Pierre et l’autre disciple qui courent en quête d’un signe qui leur permettra de formuler leur foi. Avez-vous remarqué que c’est la première fois depuis le début de mon propos que j’utilise le mot foi. En effet dans notre cheminement spirituel, pour avancer, nous devons opérer un glissement nécessaire qui va de la notion de croire à la notion de foi. C’est autour de cette notion de foi que va s’articuler tout le mystère de notre vie intérieure. Derrière le mot foi se cache une autre dimension de la spiritualité, à savoir que nous ne sommes pas maîtres de ce que nous croyons, car la foi dépasse notre raison.
Les deux hommes qui courent dans la nuit sont dépassés par leur raison. S’ils vont à la tombe en pleine nuit c’est à la suite des propos d’une femme dont tout le monde sait qu’elle est dérangée. S’ils ont réagi ainsi, c’est que leur raison a été ébranlée par quelque chose qui ne leur vient pas d’eux-mêmes. A l’énoncé de la parole de Marie Madeleine l’espérance fait surgir comme une lumière dans leur nuit. Bousculant ce qui est rationnel en eux, ils se mettent à espérer en quelque chose d’irrationnel.
Ces deux hommes savent bien que le Dieu de leurs Pères, que le Dieu de Jésus, est maître de tout, qu’il a tout pouvoir et qu’il peut faire surgir la vie là où la mort a fait son œuvre. On a beau le savoir, c’est quand même du jamais vu ! L’espérance faisait son chemin en eux et ils ne le savaient pas encore.
Il y a des passages obligatoires sur le chemin de la foi. L’espérance en est un. C’est le moment où notre âme est travaillée à l’intérieur de nous-mêmes par une proposition que notre raison réfute, mais qui provoque un sursaut d’énergie en nous. Cette proposition se heurte à notre intelligence qui développe toute sorte d’arguments raisonnables pour nous dire que ça ne tient pas la route, que ça ne peut être vrai et que ça relève de l’absurde ou du rêve.
Ceux qui vivent ce type d’expérience disent qu’ils sont ébranlés. Le disciple que Jésus aimait en est là. Il est ébranlé, il constate que la mort n’est pas ce qu’il pensait, il constate que rien ne correspond à sa logique. Ici, il est dit qu’il croit. En fait, il ne croit pas vraiment car il ne sait pas en quoi il est sensé croire, il est ébranlé. L’espérance a fait son chemin en lui, mais il n’est pas arrivé au terme de sa course ni de son expérience religieuse.
Le phénomène de la foi relèverait-il alors d’une simple expérience, fut-elle religieuse ? Tout cela ne serait-il que le fruit de notre pensée que nous libérerions pour un temps pour qu’elle produise des fantasmes qui nous donneraient des sensations fugitives qui permettraient à notre esprit de se décharger des angoisses métaphysiques qui nous stressent profondément ? C’est en tout cas le souhait de beaucoup. Ils désirent seulement être libérés de l’angoisse, mais ils ne désirent pas aller au de là...
Si nous avons déjà atteint ce point là, ce n’est déjà pas si mal. Mais on peut encore aller plus loin. C’est sans doute parce qu’on ne veut pas aller plus loin que nos églises demeurent aujourd’hui dans un immobilisme consternant.
En fait nous aimerions garder le contrôle de nos émotions, même de nos émotions religieuses et en limiter la portée. Mais nous ne sommes pas maîtres de la situation. Si notre raison a été ébranlée, si l’espérance nous a provoqués, si nous y avons pris de l’intérêt c’est que cette puissance qui a surgi en nous et qui a bousculé notre manière de comprendre est à l’œuvre en nous. Elle ne nous lâchera pas à moins que nous résistions trop fort. Car nous ne sommes pas encore arrivés au terme de notre course.
Dieu, qui a mis tout cet émoi en éveil a l’intention d’aller plus loin et de venir réguler le cours de notre vie. Il désire habiter nos pensées et inspirer nos projets. Pour cela il nous réserve encore, l’expérience d’un face à face personnel. Ce sera la suite de l'Evangile. Ainsi contrairement à ce qui est écrit, après cela ils ne retournent pas tranquillement dans leur maison. Dieu, en la personne de Jésus, va s’imposer à eux comme une vérité insoupçonnée. Cela aussi ils devront l'accepter. C’est alors qu’ils feront, et nous avec eux, l’expérience de la résurrection.
Chaque année à Pâques nous refaisons ensemble cet itinéraire de la foi, nous nous souvenons que Dieu habitait en Jésus Christ et qu’il se propose encore d’habiter en nous pour que toutes choses deviennent nouvelles. A Pâques, c’est le moment où chacun prend conscience que Dieu habite en lui et qu’il est devenu le partenaire incontournable de sa vie.
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