mardi 10 mars 2009

Les réalités de la foi sont de l'ordre de l'invisible Jean 12/20-26 Dimanche 29 mars






Jean 12/20-26




20 Il y avait quelques Grecs qui étaient montés pour adorer à l'occasion de la fête. 21Ils s'adressèrent à Philippe qui était de Bethsaïda de Galilée et ils lui firent cette demande : « Seigneur, nous voudrions voir Jésus. » 22Philippe alla le dire à André, et ensemble ils le dirent à Jésus. 23Jésus leur répondit en ces termes : « Elle est venue, l'heure où le Fils de l'homme doit être glorifié. 24En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé qui tombe en terre ne meurt pas, il reste seul ; si au contraire il meurt, il porte du fruit en abondance. 25Celui qui aime sa vie la perd, et celui qui cesse de s'y attacher en ce monde la gardera pour la vie éternelle. 26Si quelqu'un veut me servir, qu'il se mette à ma suite, et là où je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu'un me sert, le Père l'honorera.



Il y a un art de voir qui ne relève pas du bon fonctionnement de nos yeux mais qui relève de notre âme. Il y a une faculté de sentir les choses qui ne relève pas de nos sens mais d’une perception intérieure de tout notre être qui nous met en contact avec des réalités que nous ne soupçonnons pas. La réalité de Dieu s’impose à nous sans qu’il soit nécessaire d’entendre quelque chose ou de voir quoi que ce soit. Les certitudes qui nous habitent ne viennent pas de ce nous voyons, mais de ce que nous croyons. Les mystères de l’âme humaine n’ont pas encore vraiment été explorés, car ils ne relèvent d’aucune investigation scientifique. Ils relèvent de l’expérience que chacun fait avec Dieu. Il ne faut pas entendre par le mot âme un principe surnaturel et éternel qui serait la partie noble de notre être en en communication avec Dieu et opposition à tout ce qui est matériel et sensible. Il faut comprendre par cette expression tout ce qui recouvre notre vie intérieure et qui reste inaccessible aux techniques d’investigation des hommes.

Celui qui cherche Dieu pense cependant qu’il pourra le rencontrer par le moyen de ses sens. Il se tient en alerte pour écouter afin d’entendre. Il s’imprègne de musique suave et croit alors qu’il entendra peut être Dieu dans le jeu sublime des instruments et des interprètes. Il contemple le soleil qui se couche sur l’océan et croit comprendre par ce spectacle tout le mystère de la création et de la grandeur de Dieu ! En fait, il n’en est rien, cela ne relève que des techniques que l’expérience humaine a déjà éprouvées depuis longtemps. Elles nous prédisposent sans doute à une ouverture à Dieu, mais elle ne nous révèlent pas Dieu.

Un tel comportement rejoint celui de ces grecs qui dans notre passage veulent voir Jésus et que Jésus laissent sans réponse. Ils espèrent se rapprocher de Dieu en le voyant mais Jésus les détourne de ce projet. Il ne se montre pas à eux car le fait de voir ou de ne pas voir n’éclairera en rien leur demande de foi. Sans doute font-ils une démarche louable, et ils s’y prennent bien. Ils s’adressent à Philippe, puis à André dont les noms révèlent qu’ils sont eux aussi, sans doute d’origine grecque. Ils viennent de Bethsaïda, de l’autre côté du lac qui est perçu comme une terre païenne. Ils sont les plus qualifiés pour les introduire en présence du Seigneur, mais Jésus ne permet pas à la démarche d’aboutir et nous restons, comme eux sur notre faim.

Les gens qui cherchent à développer leur spiritualité croient bien souvent qu’en essayant de voir, ils parviendront à croire. « Montre-nous le Père » dira un peu plus loin Thomas, et Jésus le renverra à sa vie intérieure : « Il y a si longtemps que je suis avec vous et tu n’as toujours pas compris ! » Ni Thomas, ni nous-mêmes n’avons compris que nos sens nous trahissent et nous entraînent à croire ce qui n’a pas lieu d’être. La foi n’est pas de l’ordre de ce qui se voit.

Jésus fait dire à ces amis grecs qui cherchent à le voir, que s’ils veulent comprendre quelque chose à son message, c’est dans ce qui ne se voit pas qu’ils le trouveront, car c’est dans la mort de Jésus que se trouve tout le mystère de la vie en Dieu. Ce mystère oriente nos regards vers l’événement de Pâques qui contient en lui tout ce qu’il nous faut savoir pour comprendre Dieu.

Le récit de l’événement de Pâques occupe plus du 1/4 de chaque évangile. On y trouve le récit d’un non-événement, car la résurrection est un événement qui ne se voit pas. C’est un non-événement puisque le récit est présenté comme s’il n’avait pas eu lieu. Les gardes dormaient devant le tombeau et ne s’aperçurent de rien, les disciples qui se terraient dans leurs maisons n’étaient pas là et n’ont donc rien vu, les femmes affairées dès le petit matin arrivèrent trop tard et ne découvrirent que le tombeau vide. Ce vide n’est pas le vide du néant sans quoi on aurait trouvé un corps pour attester qu’il était bien mort. L’absence du corps se constate, mais ne se voit pas, elle est beaucoup plus troublante que sa présence. S’il y a quelque chose à comprendre, ce n’est pas dans ce qu’il y a à voir que cela se situe, puisqu’il n’y a rien à voir.

Mais le ressuscité lui-même ils l’ont bien vu par la suite ! Sans doute, mais dans un premier temps, quand ils l’ont vu, ils n’ont pas cru que c’était lui. Marie Madeleine le prend pour le jardinier et les disciples d’Emmaüs réalisent que c’est lui quand il est parti et qu’ils ne le voient plus. Bien sûr, plus tard, ils le verront tous, à l’exception de Thomas, mais ce sera trop tard car la réalité de la résurrection s’était déjà imposée à eux dans le non-événement qui constitue l’épisode du tombeau vide, car la résurrection ne se voit pas. C’est à cause de cela que les peintres n’ont jamais pu en rendre vraiment compte. Ils trahissent d’ailleurs le message de la résurrection en représentant le ressuscité qui bien que visible reste insaisissable.

Même une réalité aussi nécessaire à notre foi que la résurrection ne parvient pas à nous par les sens. Cette réalité parvient à nous par des itinéraires intérieurs qui nous bousculent. L’individu que nous sommes n’entre pas dans le mystère de Dieu par des moyens humains, c’est Dieu qui vient vers nous par des itinéraires divins. Cela n’est pas réservé à quelques initiés, cela est le fait de tout un chacun. Dieu se rend disponible à tous. Mais nous ne pourrons pas comprendre Dieu si nous occultons les manifestations de son esprit par toutes sortes d’artifices humains qui au lieu de le révéler risquent de lui barrer le chemin.

Nous devons prendre en compte qu’il existe en nous une autre dimension de l’individu qui n’est pas faite de chair et de sang mais qui est faite d’esprit et de sentiments, et c’est là que Dieu se plaît à venir habiter. C’est au niveau de ce qui est insaisissable en nous que Dieu révèle à chacun le mystère d’une vie qui nous dépasse et qui reste insaisissable par les sens. Cette vie dépasse ce qui est matériel et nous révèle qu’au-delà de l’être physique que nous sommes, il y a une réalité profonde que beaucoup ne soupçonnent même pas mais à qui Dieu confère une valeur d’éternité.

Jadis, dans une société aujourd’hui révolue, on disait de celui dont la vie intérieure était perceptible à l’extérieur qu’il était une belle âme. Cette réalité ne se voyait pas mais elle se percevait. Il en va de même pour la réalité de Dieu, elle ne se voit pas mais elle se perçoit et cette perception s’impose à nous comme une conviction. Celui qui prétend chercher Dieu et qui se plaint de ne pas le trouver se trompe car en fait Dieu est déjà installé en lui depuis longtemps et il n’attend pour se manifester que l’on se rende disponible. Il attend que l’on cesse de s’agiter et de faire des expériences spirituelles pour découvrir au fond de nous-mêmes ce Dieu qui est déjà au rendez-vous.

C’est alors qu’il nous sera possible non pas de voir Dieu mais de le percevoir. Sa Parole, sans faire vibrer les ondes sonores deviendra clairement perceptible dans les Ecritures qui nous parlent de lui et où les propos de Jésus prennent du sens. Cette Parole retentit en nous comme un encouragement à vivre avec intensité la vie présente puisque cette vie s’enrichit déjà de l’éternité. Pour en arriver là il faudra que chacun prenne sur lui de considérer que la vraie vie en Dieu n’est perceptible que pour ceux qui acceptent d’orienter leur méditation vers ce lieu de mort qu’est la croix et ce lieu de vide qu’est le tombeau. La vérité sur Dieu se fera alors manifeste au fond de nous pour nous révéler que la mort est dépassée par la vie qui repose déjà en nous et que Dieu concrétise en nous par la foi.

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