samedi 30 mai 2009



Dieu et la création

ou les incohérences des premiers chapitres de la Bible

Il y a des réalités dans ce monde que l’esprit humain ne peut pas concevoir, telles l’éternité ou l’infini. Les humains fabriquent et emploient des mots pour les désigner car leur logique les amène à les concevoir, mais leur cerveau n’a pas la possibilité d’en faire la synthèse pour se les représenter. Il en va de même pour la notion de Dieu

Mais les hommes se croient quand même capables de le concevoir. Ils croient même être capables d’avoir une emprise sur lui. Ils pensent même avoir la possibilité d’édicter les règles qui établiraient les relations de Dieu avec l’univers. De là découlent nos théories sur la création ! Que l’homme soit un peut modeste et qu’il accepte de ne pas avoir le ridicule d’expliquer ce qu’il ne peut comprendre ! Malgré les précautions que j’ai prises en commençant, je risque à mon tour d’avoir l’outrecuidance d’expliquer l’inexplicable. Au risque de me rendre critiquable je vais quand même essayer de me situer par rapport à ces mystères.


C’est en partie dans le livre de la Genèse que l’on trouve les textes concernant la création. Ces récits, bien que placés en tête de la Bible ne sont pas très anciens dans la littérature biblique. Ils sont le résultat du choc des cultures qui se produisit au moment de l’exil à Babylone. Les intellectuels juifs confrontés aux mythes des traditions babyloniennes (Guilgamesh etc. )ont cherché à les intégrer à leur propre tradition pour mieux les critiquer et asseoir leur théologie du Dieu unique qu’ils étaient en train de formuler. Plusieurs approches de la création telle qu’elle est perçue dans la Bible sont possibles.


Nous commencerons par celle qui n’est pas retenu par les théologiens chrétiens, mais qui est très en vogue aujourd’hui, surtout depuis la vulgarisation des textes apocryphes de la Bible. Elle trouve ses racines dans le gnosticisme, et le manichéisme, elle a été retenue par les Cathares et les Rosicruciens, elle est en faveur dans les courants du New-âge. Selon elle le monde aurait été crée par un Démiurge, un Dieu imparfait, voire même méchant, Eloïm qui aurait enfermé l’homme dans la matière en le créant. Face à cela, l’homme doit chercher à se libérer de la matière pour rejoindre le Dieu bon, Yahwé. Jésus se serait donné pour tâche de faciliter la libération des hommes de la matière et de leur permettre de rejoindre Dieu.


La tradition chrétienne classique, pour sa part a retenu une autre approche. Elle part de l’affirmation selon laquelle Dieu (le Dieu unique) serait l’auteur de toute chose. Il a créé le ciel et tout ce qui s’y trouve ainsi que la terre et tout ce qu’elle contient. L’homme fait partie de ses créatures. Pour faire bref, disons que dans la Bible Dieu porte plusieurs noms suivant les traditions d’où sont issus les récits rapportés par le texte sacré. On a bien sûr Eloïm, et Yawhé, mais on a aussi EL, El Shadaï, ou El Elion, Dans la pensée sémitique la matière et l’esprit sont étroitement mêlés et l’un n’est pas supérieur à l’autre. L’homme qui est une créature de Dieu, est conçu par lui avec la possibilité de s’opposer à lui. - Pourquoi ? Nul ne le sait. A partir de ce fait s’engage une relation curieuse et ambiguë entre Dieu et sa créature dans le style : « je t’aime, moi non plus ». La nature de cette relation occupe les théologiens depuis toujours, et cela n’a pas cessé. Naturellement, Saint Augustin et une certaine tradition chrétienne en ont rajouté. C’est ainsi qu’a été élaborée la théorie du péché origine qui donne de la cohérence à tout ce système mais qui a pour défaut de conférer à Dieu une humeur changeante. Il ne cesse de vouloir le bien de l’homme, mais toujours il le menace de châtiment s’il ne marche pas droit.


L’homme ne marche pas droit et Dieu ne châtie pas toujours comme il l’a dit. ( voir le récit du déluge) Il y a dans tout cela un aspect pervers qui ne convient pas à l’idée de Dieu. On peut proposer une autre approche, c’est celle-là qui aura ma préférence. On partira de l’idée du monde telle que la science nous donne de l’approcher. Nous devrons tenir compte de la théorie du Big-bang, de la théorie de la relativité selon Einstein, de celle de l’évolution selon Darwin et de toutes les théories que les savants formulent et que je suis incapable de rapporter.


Face à toutes ces théories on se posera la question de Dieu. Il ne fait partie d’aucune d’entre elles. Il est extérieur à tout cela. Il est extérieur au temps et à l’espace, mais malgré tout nous formulerons l’hypothèse de son existence, même s’il est une réalité extérieure à tout cela. Les expériences de la foi nous permettent cependant de dire la réalité de Dieu comme si, venu d’ailleurs, il cherchait à nous rejoindre. Mieux, cherchant à nous rejoindre, il viserait à pénétrer le système où nous sommes pour modifier le cours de son évolution qui se fait selon les règles que l’on connaît, en vertu desquelles la raison du plus fort est toujours la meilleure.


- Pourquoi modifier la règle ? Nous ne le savons pas, mais les expériences de la foi semblent nous dire que c’est comme cela qu’il veut procéder. Dans tout ce qui va suivre nous n’avons que ce que j’appelle les expériences de la foi pour étayer notre thèse. Ce qui va suivre est donc indémontrable et totalement subjectif.


Dieu donc, se prend d’affection pour l’homme dont il veut se servir pour faire évoluer les choses. C’est ce que les partisans de la théologie du « process » appellent le « souffle créateur » Ce souffle créateur prend le parti du plus faible dans cette lutte pour le pouvoir à laquelle se livrent les êtres et les choses.


Avec cette clé de lecture une partie des incohérences de la Genèse trouvent des réponses. Ainsi Adam et Eve représentent l’humanité qui œuvre pour son mieux être. Ils cherchent donc avec intelligence à évoluer. Tout élément nouveau qui se présente à eux peut les aider. Le serpent représente le mauvais choix, il met Adam en rivalité avec Eve, il oppose les humains entre eux. Quand Dieu, dont ils ont peur intervient, ce n’est pas en tant qu’accusateur, mais en tant que facilitateur. C’est alors que :


- Adam et Eve trouvent une réponse aux conséquences de leur mauvais choix : L’humain se découvre mortel dans un monde hostile, mais Dieu qui le cherche lui donne immédiatement les signes de sa protection.


- De la même façon Dieu prend la même attitude en face du monde en perdition dans l’histoire de Noé.


- Dans l’histoire de Caïn, il se range du côté du meurtrier.


- Il a encore la même attitude pour le peuple des Hébreux captifs en Egypte. Dieu se présente à eux comme un « sauveur ». Pourtant, il n’intervient pas directement mais il suscite un homme qui par son action agit de telle sorte qu’il devient la cause de leur libération. Si les Hébreux se sont alors considérés comme le peuple choisi, ou le peuple élu, c’est sans doute parce qu’ils se sont laissés aller au penchant naturel de tous les hommes, ils se sont cru privilégiés parce qu’ ils ont fait le constat de la présence bienveillante de Dieu à leurs côtés. Mais tout peuple opprimé, toute personne en état de faiblesse qui se sent aidé peut faire le même constat à son tour et se trouver privilégié ou « élu » à un moment quelconque de sa vie. C’est le sort de tous ceux qui reconnaissent l’action de Dieu en eux. Mais le fait de reconnaître le bienveillance de Dieu à leur égard, ne les fait pas différents pour autant.


L’histoire biblique est le récit de toutes ces tentatives de Dieu de pénétrer au cœur des hommes par la puissance de son esprit novateur qui les pousse à l’altruisme. Il n’est pas dit qu’il n’ait pas fait d’autres tentatives qui ne sont pas consignés ou qui sont consignés ailleurs, dans d’autres traditions.


Face à cette action constante de Dieu sur eux, les hommes s’opposent et résistent selon leurs penchants naturels. Face à cette puissance bienveillante ils opposent une autre image de Dieu dont ils font leur idole et la confondent avec la précédente. Cette image de Dieu forgée par les hommes le représente sous les traits d’un despote autoritaire qui privilégie son peuple élu qui doit lui obéir en tous points. Dans le récit de la Genèse et dans tout le Pentateuque d’ailleurs, les auteurs confondent en un seul ces deux aspects de Dieu : le Dieu qui se révèle à eux et le Dieu dont ils se sont forgés une image.


A l’opposé les livres des prophètes tentent plutôt de favoriser l’image du Dieu bienveillant. Ils rétablissent ainsi une vérité qui les mettra en opposition constante avec leur peuple. Dans toutes les tentatives de description de Dieu, c’est celle de Jésus qui semble être la plus fidèle à ce que nous avons essayé de dire. Jésus demandent à ceux qui croient en lui d’oublier toutes les représentations de Dieu à l’exception de celle de Père. Toutes les autres représentations ne sont pas forcément mauvaises mais elles sont toutes liées à une forme de la pensée humaine qui met en valeur l’individu au détriment de ses semblables.


Aucune ne permet à l’humanité de progresser, si non l’image du « Père ». Cette image, mais ce n’est qu’une image et on peut trouver mieux, est la seule qui permet à l’humanité d’évoluer en harmonie avec la nature et de favoriser la vie sous toutes ses formes. Cette approche ignore le démiurge créateur, elle ignore même la création, elle se situe dans le mouvement du big-bang à l’extérieur duquel se situerait Dieu.


On peut alors se demander si Dieu lui-même ne serait pas seulement une idée géniale et non pas une réalité. Je ne le crois pas pour ma part, car l’esprit de Dieu agit sur nous quand on se laisse pénétrer par lui au point de provoquer ce que la Bible appelle « des miracles » . C’est l’expérience religieuse ou spirituelle dont je parlais plus haut. Tout cela ne nous dit pas alors ce qu’est l’homme. Est-il une étincelle du divin , comme beaucoup le pensent? Les récits de la Genèse ne le disent pas et ne le laissent même pas entendre, et cela à juste raison puisqu’à l’origine Dieu serait ailleurs.


(1) L’homme serait-il seulement le fruit de l’évolution qui serait visité par une force venue d’on ne sait où, qui le rejoint et qui de fusion en confusion l’entraîne vers l’éternité ? La sagesse serait alors d’accepter de savoir que nous ne savons rien ( Socrate) (1) Les rabbins expliquent cette réalité de Dieu à partir des subtilités du texte biblique lui-même. Le premier mot de la Bible est Bereshit. La Bible commence donc par un B, en toute logique elle devrait commencer par un A ( Aleph). Cela signifie qu’avant même le commencement, il y avait quelque chose, quoi donc si non Dieu ? En plus la lettre B (Beth) est une lettre qui tourne le dos, comme si elle cachait un mystère dont la réalité serait avant que le monde soit. Nos Bibles en français sont mal traduites parce qu’elles commencent par : Au commencement. Il faudrait faire commencer la traduction par un mot commençant pas B…

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