vendredi 18 février 2011

Matthieu 7:21-27 Construire sur le roc ou sur le sable dimanche 6 mars 2011





Matthieu 7/21-27 21
Quiconque me dit : Seigneur, Seigneur ! N’entrera pas forcément dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux. 22 Beaucoup me diront en ce jour-là : Seigneur, Seigneur ! N'est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé, en ton nom que nous avons chassé des démons, en ton nom que nous avons fait beaucoup de miracles ? 23 Alors je leur déclarerai : Je ne vous ai jamais connus retirez-vous de moi, vous qui commettez l'iniquité.
24 Ainsi, quiconque entend de moi ces paroles et les met en pratique sera semblable à un homme prudent qui a bâti sa maison sur le roc. 25 La pluie est tombée les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont portés sur cette maison : elle n'est pas tombée, car elle était fondée sur le roc. 26 Mais quiconque entend de moi ces paroles, et ne les met pas en pratique sera semblable à un homme insensé qui a bâti sa maison sur le sable. 27 La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont abattus sur cette maison : elle est tombée et sa ruine a été grande.
On a là le sujet du sermon que l'on n'aime pas faire. En effet, nous avons l'habitude de dire que l'Evangile est une bonne nouvelle, et nous avons raison, mais ce texte ne nous apparaît pas contenir une bonne nouvelle. Il laisse entendre que parmi les meilleurs d'entre-nous, certains n'auront pas la chance d'entrer dans le Royaume de Dieu. Ce n'est pas forcément celui qui prie, ou qui dit des paroles pieuses, ce n'est même pas forcément celui qui fait des miracles qui entrera dans le Royaume de Dieu, est-il dit ici.
Après avoir entendu cela, les auditeurs vont sans doute dire: "prêcheur, c’est pour toi que ces paroles ont été dites, tais-toi, ne vois-tu pas que tu parles pour toi-même, toi qui vois des miracles là où il n'y en a peut-être pas, toi qui fais profession de prédicateur au nom de Dieu et qui entraînes les autres à prier, ne vois-tu pas que tu es inefficace dans ce monde que tu ne comprends pas. Tais-toi, car tu es le premier concerné par la mise en garde de cette exhortation. Relève donc tes manches, mets toi au travail et tâche d’agir de telle sorte que les hommes cessent leurs jeux qui mènent à la mort.

Vous pensez bien que le prédicateur que je suis a déjà médité sur ces invectives depuis plusieurs jours et qu’il ne va pas s’aventurer à faire un sermon sur ce sujet sans avoir ménagé ses arrières. Cependant il faut bien se rendre compte que ce n’est pas seulement lui qui est visé dans tous ces propos de Jésus, c’est aussi l’Eglise dans son ensemble et le prédicateur aurait tendance à dire à tous ceux qui l’écoutent : "vous voyez bien que si notre Eglise n'a pas le dynamisme que nous souhaitons, c'est que vous ne faites pas ce qu'il faut, craignez donc le jugement".

Si je tenais ces propos, une bonne partie des auditeurs partirait séance tenante de l’assemblée, la partie restante resterait très réduite ou même deviendrait inexistante. Bien vite, d'autres, sans doute au bruit de la rumeur, viendraient rejoindre ce prédicateur en disgrâce et construiraient avec lui, tout naturellement une secte lucrative, basée sur l’anathème des chrétiens tièdes dont il deviendrait le gourou. Elle se constituerait à partir de la crainte du jugement qui anéantirait bientôt ce monde pervers en train de s'écrouler dans le péché, la fange et la turpitude, mais ce ne sont pas là des propos conformes à l'Evangile qui, je vous le rappelle est toujours une bonne nouvelle. 

Il me semble ici, que Jésus veut nous mettre sous tension par ces paroles provocantes. Il essaye de nous dire que la foi chrétienne, concerne la totalité de l'individu et non pas seulement un des aspects de celui-ci. La foi ne concerne pas seulement l'âme alors que le reste pourrait en être indépendant. Elle n’est pas non plus une décoration qui agirait agréablement sur notre âme quand nous serions en phase de déprime. La foi correspond à un élan intime de notre être qui se répand dans tout notre individu et qui, à partir de l'intérieur envahit toutes les structures profondes de notre personne.

Pour illustrer son propos, Jésus, prend un exemple, dans un domaine où il est connaisseur. Il est charpentier, c'est à dire quelqu'un qui travaille sur les poutres. Il va donc parler de la construction d’une maison. Il sait par expérience que la charpente d'une maison peut être excellente, mais que la solidité de la maison dépend de sa structure profonde, celle qu'on ne voit pas mais dont l'absence se révèle catastrophique quand les éléments mettent en cause la construction. Il s'agit des fondations dont l'existence détermine en grande partie la solidité du bâtiment. Il est préférable donc de construire sur le roc, même s’il faut faire plus d’efforts que si on construit sur le sable.

Le propos de Jésus va donc concerner ce qui ne se voit pas. Car ce qui se voit n'est pas déterminant à ses yeux. Bien que ce propos soit pertinent, nous savons par avance que dans nos églises nous nous attachons quand même plus à ce qui se voit. C'est la structure extérieure de nos bâtiments qui motive nos longs débats, plus que la santé intérieure de nos communautés. La manifestation extérieure de la piété d'un individu ou l'aspect extérieur d'une communauté n'ont aucune importance et ne révèlent en rien sa structure profonde. C'est ce qui est à l'intérieur qui en fait la valeur.

Tout l’extérieur qui nous fait souci n'aura d'importance que si ce qui ne se voit pas est solidement ancré dans la volonté de Dieu, c'est à dire " l'écoute intelligente "de sa parole. Si je dis « écoute intelligente » c'est qu'il y a une écoute qui ne l'est pas. L'écoute intelligente consiste à se laisser interpeller par ce qu’il y a de nouveau et de provoquant dans la Parole de Dieu et à la recevoir avec reconnaissance même si on ne souhaite pas l’entendre.

En opposition, il y a aussi l'écoute « inintelligente », celle qui fait plus appel à notre sensibilité qu’à notre intellect, celle qui consiste à n'écouter que les paroles de Dieu qui vont dans le sens de notre pensée, qui flattent nos convictions et qui nous confortent donc dans nos positions. Cette écoute inintelligente est favorisée par une prédication inintelligente et donc par un prédicateur inintelligent qui sait par avance ce qui fait plaisir à entendre et qui tordra le sens de l'Evangile pour lui faire dire ce que l'on a envie d'entendre. C'est un prédicateur qui attache plus d'importance à l'extérieur et qui n'édifie pas l'intérieur de ses auditeurs.

Vous vous rendez bien compte que je suis en train d'aller à contre courant de la demande habituelle de nos contemporains qui cherchent un Evangile adapté à leurs désirs, assez simple pour être compris par les gens pressés que nous sommes, un évangile qui ne demande que peu d'efforts pour être compris. Cela consisterait à brader l’Evangile à bon compte pour chercher un succès immédiat. Le monde a besoin de spiritualité, pense-t-on parfois : « qu'on lui en donne et il ira mieux! ». Et bien non ! On ne peut pas offrir n'importe quelle spiritualité, mais une spiritualité intelligente, c'est à dire qui nécessite une démarche de réflexion.

L'Evangile d'aujourd'hui nous pousse à travailler et à faire un effort personnel et collectif au niveau de ce qui ne se voit pas, pour aller jusqu'au fond de nous-mêmes et y rencontrer Dieu qui nous y attend. Il se propose de construire les fondations de notre foi, de les consolider et de donner de la rigueur à nos convictions, pour peu que nous acceptions que Dieu soit à nos côtés. Tout cela n'est pas de l'ordre du visible cela relève d'une dynamique de la profondeur que Jésus vient stimuler. Cela demande travail et intelligence.

Convoqués par Jésus pour être à ses côtés des constructeurs de foi, nous n'avons pas à craindre les provocations et les désastres qui peuvent nous bousculer. Si les paroles de Jésus sont sévères, ce n'est pas pour nous envoyer dans un enfer que les hommes ont inventé mais que Dieu n'a pas créé, c'est pour nous dire que les apparences de foi ne sont pas la foi et ne mènent nulle part. Elles ne nous seront d'aucun secours si elles ne sont pas solidement ancrées sur un compagnonnage constant et quotidien avec celui qui anime notre la foi, c'est à dire Jésus Christ.

Jésus Christ habite dans les profondeurs de votre être, il nous provoque pour que notre vie professionnelle, affective et spirituelle soit toujours vécue en sa compagnie. Si Jésus se tient dans notre vie de la part de Dieu, il nous faut accepter que notre vie soit orientée par lui. Il faut accepter qu'il puisse contester nos projets. Il nous faut faire un effort sur nous-mêmes et aussi un effort dans notre communauté pour discerner, comprendre et agir dans la fidélité.

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