Aimer Dieu de tout son cœur
Aimer son prochain comme soi-même
34 Les pharisiens apprirent qu'il avait réduit au silence les sadducéens. Ils se rassemblèrent 35 et l'un d'eux, un spécialiste de la loi, lui posa cette question pour le mettre à l'épreuve : 36 Maître, quel est le grand commandement de la loi ? 37 Il lui répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ton intelligence. 38 C'est là le grand commandement, le premier. 39Un second cependant lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. 40 De ces deux commandements dépendent toute la Loi et les Prophètes.
Il n’y a pas de slogan plus porteur, ni d’idée plus séduisante que d’affirmer que c’est l’amour qui doit mener le monde. Il doit être le moteur de nos relations avec Dieu et avec les hommes. Quiconque nie une telle affirmation fait figure d’irresponsable archaïque et rigide, mais à l’inverse, quiconque défend une telle idée sera très vite taxé d’utopiste irréaliste. Les sages, comme toujours vont se situer dans le juste milieu : un peu d’amour mettra de l’huile dans les rouages, mais trop d’amour nous entraînera à la dérive et ne nous apportera que des déboires.
Pourtant Jésus se positionne clairement dans une pratique de l’amour sans réserve. Ce n’est pas lui, par ailleurs qui est l’auteur de ces deux préceptes. Il est allé les prendre à leur source dans deux livres au cœur de l’Ecriture : le Livre du Lévitique et celui du Deutéronome. Il s’agit donc là d’une vérité qui habite toute la Bible depuis ses origines.
Soyons réalistes pour un temps, et rejoignons le camp des sages dont je viens de parler. En effet, la position de Jésus semble insoutenable. Comment aimer Dieu sans restriction alors que l’Ecriture nous enseigne à le craindre ? Il est certes lent à la colère et prompt à la miséricorde, mais certaines de ses colères restent mémorables.
La Bible, dans les deux Testaments ne manque pas d’exemples à commencer par la destruction de Jérusalem en -586 que Dieu a laissée faire, voire même provoquée. Jésus lui-même ne nous met-il pas en garde en nous disant que certaines de nos positions seront sanctionnées par des pleurs et des grincements de dents. Certes, les commentateurs les plus optimistes ont dit que Jésus utilisait des formules stéréotypées qui avaient cours en son temps. Il n’empêche qu’il les a quand même utilisées.
Dans notre relation personnelle avec Dieu, nous éprouvons parfois du ressentiment à son égard et quand on éprouve un tel sentiment on ne peut aimer sans réserve celui qui nous l’inspire. Inutile d’énumérer toutes ces prières sans réponse faites dans la foi, elles sont encore dans notre mémoire. On ne fera pas non plus la liste de ces catastrophes naturelles où l’absence de Dieu s’est faite douloureusement sentir. Il nous arrive aussi d’être à l’écoute des propos selon lesquels il n’y aurait pas tant de malheurs dans le monde si Dieu y était vraiment présent. Des questions lancinantes reviennent à notre pensée, bien que nous essayions de les écarter : pourquoi ceux qui ont donné leur vie à Dieu sont-ils victimes d’injustices, de violences, de famines et de maladies ?
Compte tenu de toutes les réserves que je viens de faire, on peut certainement concevoir que l’on puisse avoir un élan d’amour vers le créateur de toutes choses qui a fait tant de beautés et qui a organisé le monde avec tant de subtilité, mais peut-on pour autant lui réserver un amour total et sans réserve compte tenu des griefs que je viens d'évoquer? Cela nous paraît bien impossible.
Même si on se forçait à aimer Dieu par obéissance ou par intérêt, un tel amour n’aurait pas grande valeur puisqu’il ne serait pas le résultat d’un élan du cœur qui ne se démontre pas mais qui jaillirait de nous-mêmes après avoir transformé tout notre être.
Pour qu’une telle chose soit possible, il nous faudrait changer radicalement notre relation à Dieu. Il faudrait la penser en d’autres termes que ceux que nous avons utilisés jusqu’à maintenant et essayer de trouver une autre approche de Dieu. C’est sur ce point que nous rejoignons l’enseignement de Jésus, car il a essayé toute sa vie de nous apprendre à voir Dieu autrement que ce que la tradition nous a appris de lui. Il nous faut donc opérer une transformation radicale en nous-mêmes pour nous permettre d’avoir un autre regard sur Dieu et sur les autres au point de les aimer eux-aussi sans aucune restriction.
Il ne nous est pas plus facile d’aimer les autres. Si chacun faisait un examen de conscience attentif sur lui-même, il découvrirait bien vite que ceux auxquels il accorde son amour se réduisent à un tout petit nombre. L’amour, nous l’avons dit est un élan du cœur qui ne se commande pas. Le sentiment que nous éprouvons pour ceux que nos aimons vraiment est d’une toute autre nature que celui que nous réservons à tous les autres. Car l’amour ne se commande pas. On peut se contraindre à être aimable, on peut forcer sa nature en approchant les autres avec respect. On peut même leur donner une partie de nos biens. On peut leur consacrer beaucoup plus de temps que raisonnable mais tout cela n’est pas de l’amour, c’est de l’altruisme.
Alors comment aimer vraiment Dieu, et par voie de conséquence comment aimer son prochain ? Jésus part d’une approche que nous connaissons bien. Il considère avant tout Dieu comme un Père dont de nombreuses paraboles nous donne l’exemple. Il est un Père tellement aimant que son comportement, s’il était celui d’un Père humain, pourrait être considéré comme laxiste. C’est ce que nous pourrions retenir de la parabole des deux fils par exemple. C’est ce Père admirable qui cherche son fils, qui vient vers lui, et quand il l’a trouvé et réconforté, c’est à l’autre qu’il consacre le reste de son temps. Ce Dieu à l’image duquel Jésus nous renvoie ne provoque personne, mais il attend patiemment que chacun soit prêt à entrer en relation avec lui. Sa patience est telle qu’elle peut durer toute une vie et ne jamais obtenir le résultat espéré.
Nous réalisons que sa présence est effective en nous quand nous en ressentons du bien et que ce contact produit comme une sorte de bonheur en nous. Nous découvrons alors que la place de Dieu était prévue dans notre inconscient depuis toujours, comme si nous étions conçus pour vivre avec lui, mais jamais il ne revendique cette place qui lui est due, si bien que sa présence est perçue comme un vide qui se comble, une absence qui devient présence, une soif d’absolu,et un désir qui ne saurait se dire.
Une telle présence en nous qui crée des états d’âme heureux, qui apporte apaisement et délivrance est totalement différence de celle que l’on nous a appris toutes les fois que l’on nous a parlé de Dieu. Cette quiétude qui nous envahit par sa présence devient la seule réalité de Dieu que le Père de Jésus voulait établir en nous. Jésus nous a préparé lui-même à cette rencontre en faisant jaillir en nous le désir d’un Dieu qui soit différent de celui dont les hommes témoignent et que sans lui on n’aurait jamais pu imaginer.
Le Dieu qui apparaît comme un maître arbitraire pour les hommes et pour le monde, qui conduit ses projets jusqu’à leur aboutissement sans les partager est en dehors de la pensée de Jésus Christ. Un Dieu qui jugerait et condamnerait, un Dieu qui ne serait compatissant qu’après avoir reçu le repentir et qui n’accorderait son amour qu’après avoir sanctionné les coupables, même faiblement, ce Dieu là n’est pas celui avec lequel nous pourrions avoir une total relation d’amour. Il nous faut donc oublier tout ce que l’on a appris sur Dieu et ne retenir de lui que ce que nous en avons perçu quand nous avons senti sa présence en nous, cœur à cœur. C’est alors que Dieu prendra un autre visage et que nous pourrons nous mettre à l’aimer en totalité
L’amour que nous manifesterons à notre prochain deviendra alors le reflet de l’amour divin qui désormais nous habite. Ce sera un mouvement naturel qui se fera sans que nous cédions aux exigences que la bonté nous impose. Les choses se feront alors d’une manière tellement naturelle que c’est en considérant les actes que nous avons faits que nous reconnaîtrons que c’est l’amour de Dieu qui agit en nous comme conséquence inconsciente de l’amour que nous avons pour lui.
Pour répondre à l’injonction de Jésus en aimant Dieu de tout notre cœur et notre prochain comme nous-mêmes, il nous faut tout oublier de ce que nous avons appris sur Dieu et nous préparer intérieurement à le laisser agir en nous. C’est alors que tout ce que la Bible nous a dit sur Dieu se tintera d’une autre couleur et prendra des reflets inattendus, car nous comprendrons que dans toutes les situations dont l’Ecriture témoigne, l’amour était premier en toute chose, si bien que fort de cette expérience, nous lirons notre Bible autrement. S’il reste encore des zones d’ombre en nous, c’est par la prière, c'est-à-dire par une relation encore plus approfondie avec Dieu qu’elles s’éclaireront.
Illustrations Marc Chagall : l'amour
Il n’y a pas de slogan plus porteur, ni d’idée plus séduisante que d’affirmer que c’est l’amour qui doit mener le monde. Il doit être le moteur de nos relations avec Dieu et avec les hommes. Quiconque nie une telle affirmation fait figure d’irresponsable archaïque et rigide, mais à l’inverse, quiconque défend une telle idée sera très vite taxé d’utopiste irréaliste. Les sages, comme toujours vont se situer dans le juste milieu : un peu d’amour mettra de l’huile dans les rouages, mais trop d’amour nous entraînera à la dérive et ne nous apportera que des déboires.
Pourtant Jésus se positionne clairement dans une pratique de l’amour sans réserve. Ce n’est pas lui, par ailleurs qui est l’auteur de ces deux préceptes. Il est allé les prendre à leur source dans deux livres au cœur de l’Ecriture : le Livre du Lévitique et celui du Deutéronome. Il s’agit donc là d’une vérité qui habite toute la Bible depuis ses origines.
Soyons réalistes pour un temps, et rejoignons le camp des sages dont je viens de parler. En effet, la position de Jésus semble insoutenable. Comment aimer Dieu sans restriction alors que l’Ecriture nous enseigne à le craindre ? Il est certes lent à la colère et prompt à la miséricorde, mais certaines de ses colères restent mémorables.
La Bible, dans les deux Testaments ne manque pas d’exemples à commencer par la destruction de Jérusalem en -586 que Dieu a laissée faire, voire même provoquée. Jésus lui-même ne nous met-il pas en garde en nous disant que certaines de nos positions seront sanctionnées par des pleurs et des grincements de dents. Certes, les commentateurs les plus optimistes ont dit que Jésus utilisait des formules stéréotypées qui avaient cours en son temps. Il n’empêche qu’il les a quand même utilisées.
Dans notre relation personnelle avec Dieu, nous éprouvons parfois du ressentiment à son égard et quand on éprouve un tel sentiment on ne peut aimer sans réserve celui qui nous l’inspire. Inutile d’énumérer toutes ces prières sans réponse faites dans la foi, elles sont encore dans notre mémoire. On ne fera pas non plus la liste de ces catastrophes naturelles où l’absence de Dieu s’est faite douloureusement sentir. Il nous arrive aussi d’être à l’écoute des propos selon lesquels il n’y aurait pas tant de malheurs dans le monde si Dieu y était vraiment présent. Des questions lancinantes reviennent à notre pensée, bien que nous essayions de les écarter : pourquoi ceux qui ont donné leur vie à Dieu sont-ils victimes d’injustices, de violences, de famines et de maladies ?
Compte tenu de toutes les réserves que je viens de faire, on peut certainement concevoir que l’on puisse avoir un élan d’amour vers le créateur de toutes choses qui a fait tant de beautés et qui a organisé le monde avec tant de subtilité, mais peut-on pour autant lui réserver un amour total et sans réserve compte tenu des griefs que je viens d'évoquer? Cela nous paraît bien impossible.
Même si on se forçait à aimer Dieu par obéissance ou par intérêt, un tel amour n’aurait pas grande valeur puisqu’il ne serait pas le résultat d’un élan du cœur qui ne se démontre pas mais qui jaillirait de nous-mêmes après avoir transformé tout notre être.
Pour qu’une telle chose soit possible, il nous faudrait changer radicalement notre relation à Dieu. Il faudrait la penser en d’autres termes que ceux que nous avons utilisés jusqu’à maintenant et essayer de trouver une autre approche de Dieu. C’est sur ce point que nous rejoignons l’enseignement de Jésus, car il a essayé toute sa vie de nous apprendre à voir Dieu autrement que ce que la tradition nous a appris de lui. Il nous faut donc opérer une transformation radicale en nous-mêmes pour nous permettre d’avoir un autre regard sur Dieu et sur les autres au point de les aimer eux-aussi sans aucune restriction.
Il ne nous est pas plus facile d’aimer les autres. Si chacun faisait un examen de conscience attentif sur lui-même, il découvrirait bien vite que ceux auxquels il accorde son amour se réduisent à un tout petit nombre. L’amour, nous l’avons dit est un élan du cœur qui ne se commande pas. Le sentiment que nous éprouvons pour ceux que nos aimons vraiment est d’une toute autre nature que celui que nous réservons à tous les autres. Car l’amour ne se commande pas. On peut se contraindre à être aimable, on peut forcer sa nature en approchant les autres avec respect. On peut même leur donner une partie de nos biens. On peut leur consacrer beaucoup plus de temps que raisonnable mais tout cela n’est pas de l’amour, c’est de l’altruisme.
Alors comment aimer vraiment Dieu, et par voie de conséquence comment aimer son prochain ? Jésus part d’une approche que nous connaissons bien. Il considère avant tout Dieu comme un Père dont de nombreuses paraboles nous donne l’exemple. Il est un Père tellement aimant que son comportement, s’il était celui d’un Père humain, pourrait être considéré comme laxiste. C’est ce que nous pourrions retenir de la parabole des deux fils par exemple. C’est ce Père admirable qui cherche son fils, qui vient vers lui, et quand il l’a trouvé et réconforté, c’est à l’autre qu’il consacre le reste de son temps. Ce Dieu à l’image duquel Jésus nous renvoie ne provoque personne, mais il attend patiemment que chacun soit prêt à entrer en relation avec lui. Sa patience est telle qu’elle peut durer toute une vie et ne jamais obtenir le résultat espéré.
Nous réalisons que sa présence est effective en nous quand nous en ressentons du bien et que ce contact produit comme une sorte de bonheur en nous. Nous découvrons alors que la place de Dieu était prévue dans notre inconscient depuis toujours, comme si nous étions conçus pour vivre avec lui, mais jamais il ne revendique cette place qui lui est due, si bien que sa présence est perçue comme un vide qui se comble, une absence qui devient présence, une soif d’absolu,et un désir qui ne saurait se dire.
Une telle présence en nous qui crée des états d’âme heureux, qui apporte apaisement et délivrance est totalement différence de celle que l’on nous a appris toutes les fois que l’on nous a parlé de Dieu. Cette quiétude qui nous envahit par sa présence devient la seule réalité de Dieu que le Père de Jésus voulait établir en nous. Jésus nous a préparé lui-même à cette rencontre en faisant jaillir en nous le désir d’un Dieu qui soit différent de celui dont les hommes témoignent et que sans lui on n’aurait jamais pu imaginer.
Le Dieu qui apparaît comme un maître arbitraire pour les hommes et pour le monde, qui conduit ses projets jusqu’à leur aboutissement sans les partager est en dehors de la pensée de Jésus Christ. Un Dieu qui jugerait et condamnerait, un Dieu qui ne serait compatissant qu’après avoir reçu le repentir et qui n’accorderait son amour qu’après avoir sanctionné les coupables, même faiblement, ce Dieu là n’est pas celui avec lequel nous pourrions avoir une total relation d’amour. Il nous faut donc oublier tout ce que l’on a appris sur Dieu et ne retenir de lui que ce que nous en avons perçu quand nous avons senti sa présence en nous, cœur à cœur. C’est alors que Dieu prendra un autre visage et que nous pourrons nous mettre à l’aimer en totalité
L’amour que nous manifesterons à notre prochain deviendra alors le reflet de l’amour divin qui désormais nous habite. Ce sera un mouvement naturel qui se fera sans que nous cédions aux exigences que la bonté nous impose. Les choses se feront alors d’une manière tellement naturelle que c’est en considérant les actes que nous avons faits que nous reconnaîtrons que c’est l’amour de Dieu qui agit en nous comme conséquence inconsciente de l’amour que nous avons pour lui.
Pour répondre à l’injonction de Jésus en aimant Dieu de tout notre cœur et notre prochain comme nous-mêmes, il nous faut tout oublier de ce que nous avons appris sur Dieu et nous préparer intérieurement à le laisser agir en nous. C’est alors que tout ce que la Bible nous a dit sur Dieu se tintera d’une autre couleur et prendra des reflets inattendus, car nous comprendrons que dans toutes les situations dont l’Ecriture témoigne, l’amour était premier en toute chose, si bien que fort de cette expérience, nous lirons notre Bible autrement. S’il reste encore des zones d’ombre en nous, c’est par la prière, c'est-à-dire par une relation encore plus approfondie avec Dieu qu’elles s’éclaireront.
Illustrations Marc Chagall : l'amour
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