Matthieu 23 :1-12
Jésus met en garde contre les scribes et les pharisiens
1 Alors Jésus dit aux foules et à ses disciples : 2 Les scribes et les pharisiens se sont assis dans la chaire de Moïse. 3 Faites et observez donc tout ce qu'ils vous diront, mais n'agissez pas selon leurs œuvres, car ils disent et ne font pas. 4 Ils lient des charges lourdes, difficiles à porter, pour les mettre sur les épaules des gens, mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer du doigt. 5 Toutes leurs œuvres, ils les font pour être vus des gens. Ainsi, ils élargissent leurs phylactères et ils agrandissent les houppes de leurs vêtements ; 6 ils se plaisent à avoir la première place dans les dîners et les premiers sièges dans les synagogues, 7 être salués sur les places publiques et être appelés Rabbi par les gens.
8 Mais vous, ne vous faites pas appeler Rabbi ; car un seul est votre maître, et vous, vous êtes tous frères. 9 Et n'appelez personne sur la terre « père », car un seul est votre père, le Père céleste. 10 Ne vous faites pas appeler docteurs, car un seul est votre docteur, le Christ. 11 Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. 12 Qui s'élèvera sera abaissé, et qui s'abaissera sera élevé.
Indignez-vous, tel semble être le mot d’ordre que le philosophe Stéphane Hessel ait lancé à l’intention de la jeunesse en révolte sur tous les continents du monde en ce début de vingt et unième siècle. Il s’agit de s’indigner parce qu’on n’y trouve pas son compte et parce que l’on ne trouve pas sa place en ce monde en cours de mutation. Il s’agit de s’indigner parce que les vraies valeurs sont bafouées, que les jeunes diplômés ne trouvent pas d’emplois à la mesure de leurs études, et que les classes privilégiées continuent à l’être au détriment de celles qui ne le sont pas.
Ce mouvement des indignés a fait tâche d’huile et continue à se répandre sur toute la planète, il a provoqué des mouvements contestataires et s’en est pris pacifiquement aux gouvernements en place qui s’en sont émus. Ce mouvement a déclenché la sympathie des uns et inquièté les autres.
Très vite il nous vient à l’idée de créer un amalgame entre le mouvement que Jésus a suscité il y a vingt siècle et celui dont je viens de parler. On imagine volontiers Jésus, descendant dans les rues, occupant pacifiquement l’espace publique et dénonçant comme il avait l’habitude de le faire l’attitude insupportable des privilégiées de son temps. N’était-ce pas d’ailleurs ce qu’il était en train de faire quand il s’en prenait aux pharisiens qui se prévalaient de leurs privilèges pour donner des leçons aux autres.
Très vite il nous vient à l’idée de créer un amalgame entre le mouvement que Jésus a suscité il y a vingt siècle et celui dont je viens de parler. On imagine volontiers Jésus, descendant dans les rues, occupant pacifiquement l’espace publique et dénonçant comme il avait l’habitude de le faire l’attitude insupportable des privilégiées de son temps. N’était-ce pas d’ailleurs ce qu’il était en train de faire quand il s’en prenait aux pharisiens qui se prévalaient de leurs privilèges pour donner des leçons aux autres.
Jésus s’indignait au nom de préceptes divins dont les directives étaient malmenées par ceux là même qui étaient chargés de les enseigner et de les faire respecter. Il proclamait haut et fort que la justice était dans son camp et s’attirait de nombreuses sympathies.
Mais avant de vous indigner à votre tour à la suite de mon propos à cause des libertés que je m’autorise à prendre en ce début de sermon, prenez quelques instants pour savourer les propos de Jésus. Vous constaterez sans doute, avec le décalage nécessaire du temps qu’ils collent à l’actualité. Il s’en prend aux pharisiens et aux scribes qui sont les intellectuels de cette époque qui ont accaparés des privilèges et qui se justifient du droit, en cours à l’époque, pour les conserver. Ils ne se rendent pas compte que c’est le droit qu’ils utilisent pour se légitimer qui les condamne.
Certes le droit est de leur côté en dépit des sarcasmes de Jésus. Ils payent l’impôt ecclésiastique sans rechigner. Ils sont moralement vertueux. Ils respectent tous les préceptes religieux. Tout en s’opposant au pouvoir de l’occupant romain, ils ne font cependant pas de troubles dans les rues, si bien qu’un semblant de paix a cours dans leurs cités. Citoyens soumis et contestataires à la fois, ils vivent assez mal le procès d’intention que leur fait Jésus.
S’ils sont hypocrites, ils le sont honorablement. Ils acceptent de se mettre en cause si on le leur fait remarquer courtoisement selon les règles qui ont cours dans les débats rabbiniques de leur temps. Mais ils n’acceptent pas les provocations telles que Jésus les pratiquait en les interpelant dans les lieux publiques. Si tout bon lecteur de l’Évangile prend ici partie pour Jésus, il doit se méfier de ne pas mettre en cause tous les indignés de notre temps et tout ceux qui se réclament de leur bon droit en se drapant dans le respect des droits de l’homme.
En effet, nous nous indignons volontiers contre ceux qui abusent de la situation qui les favorisent. Nous souhaiterions que les privilégiés le soient moins et surtout que d’autres soient reconnus à leur tour, quand ils ne le sont pas, dans les privilèges qu’ils ont acquis. Nous voudrions que les diplômes ouvrent la voie à des professions qui leurs correspondent. Nous voudrions que l’on reconnaisse aux indignés les privilèges auxquels ils n’ont pas encore accès mais auxquels ils aspirent justement croient-ils.
Privilégiés avons-nous dit, serviteurs répond Jésus. L’’image du service est au cœur même de son Évangile et prend la place centrale de son propos que nous recevons aujourd’hui, « car le plus grand parmi-vous sera votre serviteur ».
Qu’on ne se méprenne cependant pas, Jésus parle bien de service et non d’esclavage. Ce n’est pas le même mot et Jésus ne pratique pas la confusion des genres. Il utilise bien le mot de serviteur et il fait référence à une fonction de service pour porter son indignation. En dépit de ce que les grammairiens ou les linguistes pourront dire, il y a une distinction qu’il faut faire entre serviteur et esclave. Nous n’envisagerons pas ici le problème des esclaves, nés comme tels, ni des mauvais maîtres qui les maltraitent, c’est un autre sujet contre lequel Jésus nous laissera le soin de nous indigner plus tard. Nous mettrons 17 siècles à le faire.
Nous nous écarterons aussi de la notion moderne du service, selon laquelle nous ne devrions être en tant qu’hommes et femmes libres les serviteurs de personne, alors que nous sommes tous au service de quelqu’un ou de quelque chose.
Nous resterons un peu sur une notion archaïque du service. Le serviteur a passé un contrat avec celui qui l’emploie. Les clauses de ce contrat peuvent se résumer en une seule. Le serviteur est embauché pour que le patron trouve dans son service un mieux être. Plus le patron trouve de satisfaction dans le service donné, mieux il se porte. Si Jésus envisage pour nous la fonction de serviteur, c’est pour que celui au service duquel nous sommes attachés se porte mieux.
Il s’agit maintenant de savoir de qui on est appelé à être le serviteur. De Dieu, allons-nous dire ! Jésus dit bien que ce n’est pas le cas. C’est ce que croyaient les pharisiens, il leur donne tort. Il s’agit ici d’être le serviteur des autres. C’est à n’y rien comprendre. Si Jésus participe à notre indignation face aux injustices qui nous sont faites, pourquoi nous ramène-t-il dans une nouvelle situation de dépendance et de service ? Sommes-nous installés par lui dans la fonction de serviteurs de la cause pour laquelle nous contestons ?
Mais quelle cause défendons-nous donc ? Défendons-nous la cause de ceux qui n’ont pas de privilèges mais que nous cherchons à acquérir pour eux. Dans ce cas nous acceptons que le fait d’être privilégiés est un principe incontournable puisque nous nous efforçons d’y faire entrer ceux qui n’y sont pas encore
Vu sous cet angle là l’Évangile ne nous paraît-il pas un peu réducteur? J’ai fortement l’impression que Jésus ne nous suivrait pas dans cette voie. En fait Jésus ne précise pas au service de quelle cause nous sommes appelés, car nous sommes les serviteurs des autres, c'est-à-dire de l’humanité. En effet, nous est-il venu un jour à l’idée que si Dieu a été reconnu comme le créateur de l’humanité, c’est pour le bonheur des hommes et pour leur bien être. Si nous reconnaissons que Dieu donne du sens à l’humanité, ce n’est pas pour établir des catégories parmi les êtres humains, ni pour créer des castes de privilégiés en fonction de leurs diplômes ou de leurs lieux d’origine, mais pour établir un mouvement général selon lequel tous les hommes ont droit au bonheur. C’est pour accomplir ce projet que nous sommes embauchés par Dieu comme serviteurs.
Sans doute le bonheur se définit-il différemment suivant les lieux où l’on habite ou selon la culture à laquelle nous appartenons, mais tous les humains ont droit au bonheur et à la satisfaction de vivre. Si ce n’était pas le cas, Dieu n’aurait plus sa place parmi nous en tant que créateur.
Nous sommes donc mis par Dieu au service du mieux être de l’humanité, et si cela passe par la défense des privilèges de certains non reconnus pour le moment, ce ne peut être que provisoire, car tout ne peut être fait en un seul mouvement, mais il faut donner du temps au temps pour que le vaste monde se mette à l’unisson de Dieu qui réclame nos services pour que l’harmonie du monde s’approche le plus possible de sa perfection.
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