Luc 2 :16-21 15 Lorsque les anges les eurent quittés pour retourner au ciel, les bergers se dirent les uns aux autres : « Allons donc jusqu'à Bethléem : il faut que nous voyions ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître. » 16 Ils se dépêchèrent d'y aller et ils trouvèrent Marie et Joseph, et le petit enfant couché dans la crèche. 17 Quand ils le virent, ils racontèrent ce que l'ange leur avait dit au sujet de ce petit enfant. 18 Tous ceux qui entendirent les bergers furent étonnés de ce qu'ils leur disaient. 19 Quant à Marie, elle gardait tout cela dans sa mémoire et y réfléchissait profondément. 20 Puis les bergers prirent le chemin du retour. Ils célébraient la grandeur de Dieu et le louaient pour tout ce qu'ils avaient entendu et vu, car tout s'était passé comme l'ange le leur avait annoncé. 21 Le huitième jour après la naissance, le moment vint de circoncire l'enfant ; on lui donna le nom de Jésus, nom que l'ange avait indiqué avant que sa mère devienne enceinte.
Voici qu’une nouvelle année s’ouvre devant nous et nul ne sait ce qu’elle sera. Mais nous pouvons déjà dire qu’elle sera telle que nous l’avons préparée avec l’œuvre du hasard en plus. L’année qui s’ouvre portera en elle toutes les promesses que nous avons reçues dimanche dernier le jour de Noël. A Noël, nous avons proclamé, que Dieu avait fait irruption dans la société des hommes pour les accompagner sur le chemin de leur histoire. Une fois encore nous nous sommes réjouis du fait que Dieu n’habitait pas au ciel, qu’il n’était pas dans un au-delà lointain et inaccessible, mais qu’il était présent dans l’intimité quotidienne de chaque individu. Ainsi il bousculait chacun de nous dans sa vie ordinaire pour vivre avec lui une intimité parfois déroutante par laquelle il invitait chacun à prendre sa part dans la construction d’une société plus juste.
Dieu engageait les hommes à édifier sur terre les prémices de ce Royaume que Jésus était venu annoncer. Nous avons tous entendu cet appel, nous en avons été émus et nous allons nous efforcer d’y répondre, si bien que l’année s’ouvre sous de bons auspices. Nous pouvons donc nous souhaiter à tous et à toutes une bonne année.
En fait, avons-nous vraiment été sensibles à tout ce que je viens d’évoquer ? Comment nous situons-nous par rapport à ce qui vient d’être dit ? Nous avons plutôt été sensibles aux sirènes alarmistes annonçant une année de crise et d’immobilisme ? Une fois encore, pour étouffer les mauvaises nouvelles qui nous viennent de la société des hommes, nous avons plus tôt préférés nous occuper de l’aspect festif de Noël. C’est sans doute le souci des cadeaux à offrir qui a pris le dessus sur le souci de l’annonce de la « bonne nouvelle » de la venue de Dieu dans la société des hommes. Si nous sommes allés au Temple ou à l’Eglise ce jour là ce sont les chants de Noël qui nous ont sans doute attendris, plus que le sermon qui, à n’en pas douter, était peut-être plus culpabilisant que réconfortant.
Il y a un décalage entre le sens premier de Noël et la fête telle que nous la célébrons. Les prédicateurs le déplorent, mais n’y peuvent rien. Nous en avons fait une fête qui correspond davantage à nos souhaits qu’à ce que les évangélistes voudraient que nous comprenions. On a cultivé l’illusion que l’enfant-dieu descendu du ciel allait tout changer dans le monde. Et puisque ça ne se réalise pas, on a accolé à l’enfant Jésus un compagnon rondouillard qui est sensé accomplir tous les vœux que Dieu lui-même n’a jamais exhaussés. Ainsi corrigé par la légende, Noël devient accessible aux enfants de moins de 7 ans qui y croient encore. Pour les autres, ceux qui ont de 7 à 77 ans, c’est une autre histoire.
Aurait-on pu éviter ce dérapage ? Non seulement il n’était pas prévisible, mais les récits de Noël que nous lisons dans les Evangiles semblent avoir soigneusement été écrits pour éviter que ce cafouillage ne se produise.
Il ne vous a pas échappé, que le plus ancien des Evangiles, celui de Marc ne parle pas de la naissance de Jésus, celui de Jean, le plus récent, non plus. Quant à Matthieu et à Luc, ils ont raconté l’un et l’autre deux événements totalement différents concernant la naissance de Jésus. On a pris l’habitude de les harmoniser si bien qu’on ne sait plus très bien ce qui appartient à l’un ou à l’autre. A Luc appartient le récit de l’annonciation, de la visitation, des bergers, de l’enfant déposé dans la crèche. Pas de bœuf ni d’âne qui sont des ajouts très tardifs qui n’appartiennent pas à nos Evangiles. A Matthieu appartient le récit des Mages, le massacre des innocents, la fuite en Egypte. Pas de bergers, pas de crèche, pas d’anges dans nos campagnes.
Pourquoi raconter deux histoires qui n’ont rien de commun l’une avec l’autre ? Laquelle nous dit la vérité ? Sans doute est-il plus simple de penser qu’elles disent toutes les deux la vérité, mais que cette vérité n’est pas historique, elle est allégorique. Elles n’ont pas forcément été écrites pour que les grand-mères puissent émerveiller leurs petits enfants en les leur racontant. Elles contiennent une vérité théologique dont nous allons essayer de rendre compte.
En fait dès les tout débuts de l’Eglise, certains courants religieux avaient eu tendance à faire de Jésus un être céleste, un super archange qui n’avait d’humain que l’apparence. Selon cette tradition, il n’aurait pas souffert de la passion et ne serait pas vraiment mort. Il était urgent de rétablir la vérité sur l’humanité de Jésus. C’est ce à quoi se sont attachés les auteurs de l’Evangile de Luc.
La prétention royale de Jésus était-elle une légende ? Jésus était-il le Messie d’Israël issu de la ligné de David ? Il avait été ignoré par les juifs mais reconnu par les païens. Ce sont ces mêmes païens qui constituaient le noyau dur des Eglises dressées en terre païennes. Il n’est donc pas étonnant que l’Evangile Matthieu, rédigé sans doute en Asie Mineure se soit efforcé de rendre compte de cet héritage messianique de Jésus en racontant les récits de l’enfance tels qu’il les rapporte.
C’est l’Evangile de Luc qui nous interpelle ce matin. Il nous invite à la rencontre de Marie. Il en a fait l’héroïne de son récit de l’enfance, afin de nous rappeler que Jésus était bien un homme né d’une femme. Si les anges descendent du ciel au moment de sa naissance, ils se tiennent à distance et ne jouent aucun rôle dans le récit. Par contre, c’est le petit peuple des bergers qui vient à lui. Ce sont eux, les bergers et eux seulement qui forcent les portes de l’étable pour saluer l’enfant couché dans la mangeoire. L’événement ne raconte rien autre qu’une simple naissance en milieu populaire. Quant aux légions d’anges dont on a parlé, elles sont juste mentionnées, pour dire que Dieu est quand même concerné par cette histoire, mais son rôle sera pour plus tard.
En attendant, c’est une femme, dont les théologiens feront une image de l’Eglise qui remplit le premier rôle. Elle ne prononce pas un mot, mais elle a pris l’enfant en charge. Elle aura pour tâche de le faire grandir sans comprendre vraiment la portée de sa mission. Elle l’aimera de tout son cœur de mère et elle souffrira à cause de lui parce qu’elle ne comprendra pas pourquoi il la rejettera quand elle essayera d’intervenir dans sa vie pour le guider sur le chemin des hommes. « Il faut que je m’occupe des affaires de mon Père » dira-t-il à sa mère inquiète pour justifier une fugue d’enfance auprès des docteurs de la Loi. « Qui est ma mère ? » lui sera-t-il dit une autre fois alors qu’elle cherchait à le rencontrer pour trouver de la cohérence à son comportement inexplicable pour elle.
Pourtant Jésus ne rejettera personne, et surtout pas sa mère, mais il devait la remettre dans son rôle quand elle cherchait à lui dire ce qu’il devait faire. Ces paroles sont d’ailleurs adressées plus à l’Eglise naissante qu’à Marie elle-même. Fils d’homme au milieu des hommes, Jésus ne se laisse pas écarter de sa vocation, ni par sa mère, ni par son Eglise. Cette Eglise dont nous sommes, aurait tendance à chercher à enfermer Jésus dans le ciel où elle voudrait qu’il s’occupe de la survie des âmes et de leur résurrection.
Quant à nous les hommes nous nous attribuerions volontiers la tâche de gérer les choses à sa place, avec notre sagesse d’humains, comme Marie était tentée de le faire. Nous aimerions décider de ce qui est bon ou de ce qui est mauvais en contrôlant la vraie foi et en pourchassant les hérésies. L’Eglise s’est adonnée à cet exercice pendant de longs siècles au grand damne de l’Evangile et les hommes ont toujours du mal à comprendre qu’ils ne peuvent rien faire si Jésus n’est pas journellement présent à leurs côtés.
L’Evangile de l’enfance, tel que Luc nous le rapporte nous rappelle que Jésus ne veut pas quitter la terre et la société des hommes. Il tient à les éclairer par son esprit qu’il envoie sur eux pour les aider à corriger leurs initiatives malvenues au risque de leur faire de la peine quand ils se trompent en suivant leurs intuitions sans chercher à écouter ce que Dieu en pense.
L’Evangile de Noël n’est donc pas une belle histoire pour faire rêver les enfants, mais c’est une interpellation qui nous est adressée afin que le corps vivant du Christ, l’Eglise, se comporte conformément à ce que Jésus attend d’elle.
Illustrations : He Qi
Voici qu’une nouvelle année s’ouvre devant nous et nul ne sait ce qu’elle sera. Mais nous pouvons déjà dire qu’elle sera telle que nous l’avons préparée avec l’œuvre du hasard en plus. L’année qui s’ouvre portera en elle toutes les promesses que nous avons reçues dimanche dernier le jour de Noël. A Noël, nous avons proclamé, que Dieu avait fait irruption dans la société des hommes pour les accompagner sur le chemin de leur histoire. Une fois encore nous nous sommes réjouis du fait que Dieu n’habitait pas au ciel, qu’il n’était pas dans un au-delà lointain et inaccessible, mais qu’il était présent dans l’intimité quotidienne de chaque individu. Ainsi il bousculait chacun de nous dans sa vie ordinaire pour vivre avec lui une intimité parfois déroutante par laquelle il invitait chacun à prendre sa part dans la construction d’une société plus juste.
Dieu engageait les hommes à édifier sur terre les prémices de ce Royaume que Jésus était venu annoncer. Nous avons tous entendu cet appel, nous en avons été émus et nous allons nous efforcer d’y répondre, si bien que l’année s’ouvre sous de bons auspices. Nous pouvons donc nous souhaiter à tous et à toutes une bonne année.
En fait, avons-nous vraiment été sensibles à tout ce que je viens d’évoquer ? Comment nous situons-nous par rapport à ce qui vient d’être dit ? Nous avons plutôt été sensibles aux sirènes alarmistes annonçant une année de crise et d’immobilisme ? Une fois encore, pour étouffer les mauvaises nouvelles qui nous viennent de la société des hommes, nous avons plus tôt préférés nous occuper de l’aspect festif de Noël. C’est sans doute le souci des cadeaux à offrir qui a pris le dessus sur le souci de l’annonce de la « bonne nouvelle » de la venue de Dieu dans la société des hommes. Si nous sommes allés au Temple ou à l’Eglise ce jour là ce sont les chants de Noël qui nous ont sans doute attendris, plus que le sermon qui, à n’en pas douter, était peut-être plus culpabilisant que réconfortant.
Il y a un décalage entre le sens premier de Noël et la fête telle que nous la célébrons. Les prédicateurs le déplorent, mais n’y peuvent rien. Nous en avons fait une fête qui correspond davantage à nos souhaits qu’à ce que les évangélistes voudraient que nous comprenions. On a cultivé l’illusion que l’enfant-dieu descendu du ciel allait tout changer dans le monde. Et puisque ça ne se réalise pas, on a accolé à l’enfant Jésus un compagnon rondouillard qui est sensé accomplir tous les vœux que Dieu lui-même n’a jamais exhaussés. Ainsi corrigé par la légende, Noël devient accessible aux enfants de moins de 7 ans qui y croient encore. Pour les autres, ceux qui ont de 7 à 77 ans, c’est une autre histoire.
Aurait-on pu éviter ce dérapage ? Non seulement il n’était pas prévisible, mais les récits de Noël que nous lisons dans les Evangiles semblent avoir soigneusement été écrits pour éviter que ce cafouillage ne se produise.
Il ne vous a pas échappé, que le plus ancien des Evangiles, celui de Marc ne parle pas de la naissance de Jésus, celui de Jean, le plus récent, non plus. Quant à Matthieu et à Luc, ils ont raconté l’un et l’autre deux événements totalement différents concernant la naissance de Jésus. On a pris l’habitude de les harmoniser si bien qu’on ne sait plus très bien ce qui appartient à l’un ou à l’autre. A Luc appartient le récit de l’annonciation, de la visitation, des bergers, de l’enfant déposé dans la crèche. Pas de bœuf ni d’âne qui sont des ajouts très tardifs qui n’appartiennent pas à nos Evangiles. A Matthieu appartient le récit des Mages, le massacre des innocents, la fuite en Egypte. Pas de bergers, pas de crèche, pas d’anges dans nos campagnes.
Pourquoi raconter deux histoires qui n’ont rien de commun l’une avec l’autre ? Laquelle nous dit la vérité ? Sans doute est-il plus simple de penser qu’elles disent toutes les deux la vérité, mais que cette vérité n’est pas historique, elle est allégorique. Elles n’ont pas forcément été écrites pour que les grand-mères puissent émerveiller leurs petits enfants en les leur racontant. Elles contiennent une vérité théologique dont nous allons essayer de rendre compte.
En fait dès les tout débuts de l’Eglise, certains courants religieux avaient eu tendance à faire de Jésus un être céleste, un super archange qui n’avait d’humain que l’apparence. Selon cette tradition, il n’aurait pas souffert de la passion et ne serait pas vraiment mort. Il était urgent de rétablir la vérité sur l’humanité de Jésus. C’est ce à quoi se sont attachés les auteurs de l’Evangile de Luc.
La prétention royale de Jésus était-elle une légende ? Jésus était-il le Messie d’Israël issu de la ligné de David ? Il avait été ignoré par les juifs mais reconnu par les païens. Ce sont ces mêmes païens qui constituaient le noyau dur des Eglises dressées en terre païennes. Il n’est donc pas étonnant que l’Evangile Matthieu, rédigé sans doute en Asie Mineure se soit efforcé de rendre compte de cet héritage messianique de Jésus en racontant les récits de l’enfance tels qu’il les rapporte.
C’est l’Evangile de Luc qui nous interpelle ce matin. Il nous invite à la rencontre de Marie. Il en a fait l’héroïne de son récit de l’enfance, afin de nous rappeler que Jésus était bien un homme né d’une femme. Si les anges descendent du ciel au moment de sa naissance, ils se tiennent à distance et ne jouent aucun rôle dans le récit. Par contre, c’est le petit peuple des bergers qui vient à lui. Ce sont eux, les bergers et eux seulement qui forcent les portes de l’étable pour saluer l’enfant couché dans la mangeoire. L’événement ne raconte rien autre qu’une simple naissance en milieu populaire. Quant aux légions d’anges dont on a parlé, elles sont juste mentionnées, pour dire que Dieu est quand même concerné par cette histoire, mais son rôle sera pour plus tard.
En attendant, c’est une femme, dont les théologiens feront une image de l’Eglise qui remplit le premier rôle. Elle ne prononce pas un mot, mais elle a pris l’enfant en charge. Elle aura pour tâche de le faire grandir sans comprendre vraiment la portée de sa mission. Elle l’aimera de tout son cœur de mère et elle souffrira à cause de lui parce qu’elle ne comprendra pas pourquoi il la rejettera quand elle essayera d’intervenir dans sa vie pour le guider sur le chemin des hommes. « Il faut que je m’occupe des affaires de mon Père » dira-t-il à sa mère inquiète pour justifier une fugue d’enfance auprès des docteurs de la Loi. « Qui est ma mère ? » lui sera-t-il dit une autre fois alors qu’elle cherchait à le rencontrer pour trouver de la cohérence à son comportement inexplicable pour elle.
Pourtant Jésus ne rejettera personne, et surtout pas sa mère, mais il devait la remettre dans son rôle quand elle cherchait à lui dire ce qu’il devait faire. Ces paroles sont d’ailleurs adressées plus à l’Eglise naissante qu’à Marie elle-même. Fils d’homme au milieu des hommes, Jésus ne se laisse pas écarter de sa vocation, ni par sa mère, ni par son Eglise. Cette Eglise dont nous sommes, aurait tendance à chercher à enfermer Jésus dans le ciel où elle voudrait qu’il s’occupe de la survie des âmes et de leur résurrection.
Quant à nous les hommes nous nous attribuerions volontiers la tâche de gérer les choses à sa place, avec notre sagesse d’humains, comme Marie était tentée de le faire. Nous aimerions décider de ce qui est bon ou de ce qui est mauvais en contrôlant la vraie foi et en pourchassant les hérésies. L’Eglise s’est adonnée à cet exercice pendant de longs siècles au grand damne de l’Evangile et les hommes ont toujours du mal à comprendre qu’ils ne peuvent rien faire si Jésus n’est pas journellement présent à leurs côtés.
L’Evangile de l’enfance, tel que Luc nous le rapporte nous rappelle que Jésus ne veut pas quitter la terre et la société des hommes. Il tient à les éclairer par son esprit qu’il envoie sur eux pour les aider à corriger leurs initiatives malvenues au risque de leur faire de la peine quand ils se trompent en suivant leurs intuitions sans chercher à écouter ce que Dieu en pense.
L’Evangile de Noël n’est donc pas une belle histoire pour faire rêver les enfants, mais c’est une interpellation qui nous est adressée afin que le corps vivant du Christ, l’Eglise, se comporte conformément à ce que Jésus attend d’elle.
Illustrations : He Qi
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