mercredi 20 mai 2015

Marc 4:35-41 La tempête apaisée - dimanche 21 juin 215




35 Ce même jour sur le soir, Jésus leur dit : Passons sur l'autre rive. 36 Après avoir renvoyé la foule, ils l'emmenèrent dans la barque où il se trouvait, et il y avait aussi d'autres barques avec lui. 37 Il s'éleva une forte bourrasque, et les vagues se jetaient dans la barque au point qu'elle se remplissait déjà. 38 Et lui, il dormait à la poupe sur le coussin. Ils le réveillèrent et lui dirent : Maître, tu ne te soucies pas de ce que nous périssons ? 39 Il se réveilla, menaça le vent et dit à la mer : Silence, tais-toi. Le vent cessa et un grand calme se fit. 40 Puis il leur dit : Pourquoi avez-vous tellement peur ? Comment n'avez-vous pas de foi ? 41 Ils furent saisis d'une grande crainte et se dirent les uns aux autres : Quel est donc celui-ci, car même le vent et la mer lui obéissent ? 

Reprise du sermon du 21 juin 2009

Il est des vents impétueux qui bousculent le cours de notre vie au moment où nous nous y attendons le moins. Surgis d’on ne sait où, ils remettent en cause notre existence au point que nous risquons de perdre pied et de voir nos sécurités s’effondrer. Les récits bibliques sont pleins d’histoires évoquant des tempêtes terribles. Paul, l’apôtre missionnaire a connu trois naufrages, le prophète Jonas, alors qu’il fuyait Dieu, fut jeté à l’eau par des marins païens pour calmer la tempête que la colère des dieux, croyaient-ils, avait déclenchée contre eux. Tout au début des Ecritures, ne nous a-t-il pas été dit que Dieu arracha toute la création à la furie du Tohu-bohu qui contenait le monde avant même qu’il apparaisse. Nous n’oublierons pas non plus le récit du déluge.

La Bible nous précise que dans chacune de ces tempêtes Dieu était présent pour sauvegarder la vie des hommes en péril. Certes tous les drames ne finissent pas bien. Les ouragans font des dégâts considérables et beaucoup d’humains y perdent leurs biens et souvent ils y perdent aussi la vie. Nous le constatons chaque fois que les media nous parlent d’une catastrophe qui s’est produite quelque part sur notre terre.

Nous savons par expérience  que les croyants ne sont pas  plus épargnés  que les autres et que Dieu ne provoque pas davantage de miracles en leur faveur. Il ne faut pas imaginer que Dieu pourrait-être assez injuste pour préférer ses adorateurs au détriment des autres. Ne nous appesantissons pas sur ce constat, mais interrogeons-nous cependant sur ce que notre foi peut nous dire quand les vents du destin nous deviennent contraires.

L’Evangile nous a ciselé ici un petit joyaux en forme de récit de miracle pour nous stimuler quand nous traversons des zones de turbulences. Il y est question de la traversée d’une rive à l’autre d’un lac, le soir dans une barque. Tous ces éléments nous rappellent que cette expédition sur le lac peut aussi représenter la traversée de notre vie et que la barque pourrait être aussi  notre existence quand elle est  en danger. Certains Pères de l’Eglise ont voulu voir dans la barque une allégorie de l’Église agitée par les persécutions. Mais ne soyons pas trop restrictifs et contentons-nous de nous imaginer nous-mêmes dans une situation de détresse, comparable à celle de ces hommes en proie à une tempête au milieu des flots agités.

Que nous soyons croyants ou pas, les préoccupations ordinaires de la vie se déroulent pour nous, la plupart du temps, à l’écart de Dieu. Dieu est bien souvent apparemment absent de notre existence quotidienne. On ne le rencontre pas dans la routine journalière du métro-boulot-dodo. On n’a pas besoin de lui pour vérifier chaque soir si les devoirs de notre progéniture sont bien faits. On ne fait pas appel à lui pour surveiller les enfants dans leur bain et ce n’est pas lui qu’on appelle, mais le plombier quand il y a une fuite d’eau dans la cuisine. Si on va au culte le dimanche, c’est bien évidemment pour rencontrer Dieu, mais c’est pour recharger ses batteries ou pour réfléchir en sa présence aux grands problèmes de l’humanité, et non pas pour régler nos problèmes domestiques. Nous ne le mêlons pas au train-train quotidien.

Quand les difficultés arrivent, et elles arrivent alors qu’on ne s’y attend pas, nous nous culpabilisons d’avoir tenu Dieu à l’écart de notre existence habituelle. C’est la situation qui est décrite sur ce bateau alors que Jésus dort à l’avant confortablement, la tête reposant sur un coussin dont les autres Evangiles ne parlent pas. Il est rare que les Evangiles fassent allusion à un détail qui n’aurait pas d’importance. En fait le coussin est mentionné ici pour nous déculpabiliser ou plutôt pour déculpabiliser ses disciples. Il est mentionné pour dire que les choses se passent sur le bateau comme elles doivent être. Chacun s’occupe comme il doit et Jésus qui n’est pas utile à la manœuvre fait une sieste confortable. Ce n’est pas qu’on l’ait négligé puisqu’il se repose sur un coussin. Ce n’est pas non plus qu’on l’ait oublié, mais c’est comme cela, il s’est assoupi et personne n’est coupable de rien, et surtout pas de négligence. Beaucoup de croyants se sentent coupables, quand les drames les frappent, de ne pas avoir eu une vie de foi. Ils se persuadent que le malheur ne serait pas tombé sur eux s’ils avaient eu une foi plus active. Erreur ! Dieu ne récompense pas la piété par ses faveurs, il ne favorise pas ceux qui sont pieux au détriment des autres, sans quoi il n’y aurait jamais eu de martyrs dans l’Eglise. Le coussin est là pour nous rappeler que tout était normalement en ordre, même si Dieu ou Jésus était apparemment absent.

Si le Seigneur a embarqué avec ses amis sur le même bateau, il ne faut pas oublier qu’il y avait aussi d’autres barques. Elles seront, tout autant que la sienne, malgré son absence, épargnées par la tempête. Curieusement cependant, ceux qui sont embarqués avec Jésus ont un comportement étrange. Ce n’est pas le fait de le réveiller qui est surprenant, c’est qu’ils le culpabilisent de ne pas s’être réveillé à temps. : « Tu ne te soucies pas de ce que nous périssons » disent-ils.

Nous découvrons ici qu’ils ont un comportement qui nous est familier. C’est celui de chercher un responsable du mauvais sort qui nous arrive, si ce n’est pas de notre faute, c’est forcément de la faute d’un autre. La culpabilité est comme une médaille à deux faces. Ici le récit joue sur les deux faces. Nous avons déjà évoqué la première face en disant que nous ne sommes pas responsables de l’événement qui nous est contraire à cause de notre impiété. La deuxième face est plus sournoise. Il s’agit de trouver une responsabilité chez un autre. C’est l’âne de la fable « des animaux malades de la peste » ou c’est le bouc émissaire de la tradition juive. Ceux qui sont sur la barque rendent Jésus coupable de ne pas s’être réveillé assez tôt. 

Combien de croyants ne perdent-ils pas la foi parce qu’ils accusent Dieu de négligence ! On l’accuse de ne pas avoir préservé les passagers de l’avion qui vient de cracher ou de ne pas intervenir pour secourir ceux qui périssent actuellement en Méditerranée sur des rafiots mal équipés. Le  jour où nous serons provoqués par une épidémie, c’est encore lui qui en portera la responsabilité dans la pensée de beaucoup.

En fait, face aux épreuves de la vie nous cherchons toujours un coupable. Que ce soit nous ou que ce soit l’état ou que ce soit Dieu ou les deux à la fois car les choses doivent avoir une cause explicable ! Nous vivons en fait comme si les lois du hasard n’existaient pas ou mieux, comme si Dieu devait nous protéger du hasard quand celui-ci nous est défavorable.

Bien évidemment, la suite du récit nous trouble car elle laisse entendre qu’avec une foi suffisante les événements qui nous sont hostiles devraient avoir une fin heureuse. L’expérience nous apprend le contraire. Inutile d’évoquer le nombre de prières qui se sont trouvées sans réponse apparente et la consternation des malades qui n’ont pas trouvé la guérison espérée. Les situations qui se sont terminées par des drames ne se comptent plus. Pourtant la foi de tous ces gens ne doit pas être mise en cause. La réponse, s’il y en a une est ailleurs. Et cet ailleurs ne peut être qu’à la portée de notre foi.

Si le texte apporte une fin heureuse à cette histoire, c’est bien évidemment pour dire que malgré l’hostilité apparente du monde, Dieu maîtrise son destin et garde autorité sur les événements. Mais cette réponse est un peu courte et insatisfaisante.

Pour ma part, j’insisterai sur un détail du texte que nous n’avons pas encore relevé. C’est l’expression : « il se fit un grand calme. » Nous avons par cette expression la réponse qui ne peut être accueillie que par la foi. Elle caractérise les effets de la présence de Dieu en nous. Cette présence nous permet de voir au-delà de l’événement la réalité de Dieu qui transcende le temps et l’espace. La foi nous permet de nous situer en Dieu dans un temps qui n’est plus le temps présent mais qui est un temps où la résurrection nous a déjà introduits au cœur de l’être divin.

La foi que l’esprit de Dieu anime en nous, nous permet de dépasser les limites du monde sensible. Par elle nous comprenons que Dieu nous accompagne au-delà du mur que la mort semble avoir mis au terme de notre existence. Nous pénétrons déjà avec lui dans une dimension de l’existence qui n’est plus celle du monde présent. Nous devons donc nous laisser envahir par ce calme dont il est fait état ici pour faire face aux événements de notre existence. Cela nous permet d’accepter sans nous révolter, que personne ne soit rendu responsable des revers que la vie nous apporte. Seule notre foi nous donne la capacité de surmonter les événements qu’aujourd’hui nous ne comprenons pas.

Illustrations: de haut en bas
E. Delacroix
Jan Styka
Van Ruisdael
Willem van de Velde





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