jeudi 4 février 2016

Luc 13:1-9 Dieu face à la réalité du monde - dimanche 28 février 2016



 
Les Galiléens massacrés par Pilate

1 En ce temps-là, quelques personnes vinrent lui raconter ce qui était arrivé à des Galiléens dont Pilate avait mêlé le sang à celui de leurs sacrifices. 2 Il leur répondit : Pensez-vous que ces Galiléens aient été de plus grands pécheurs que tous les autres Galiléens, parce qu'ils ont souffert de la sorte ? 3 Non, je vous le dis. Mais si vous ne changez pas radicalement, vous disparaîtrez tous de même. 4 Ou encore, ces dix-huit sur qui est tombée la tour de Siloam et qu'elle a tués, pensez-vous qu'ils aient été plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? 5 Non, je vous le dis. Mais si vous ne changez pas radicalement, vous disparaîtrez tous pareillement.

La parabole du figuier stérile

6 Il disait aussi cette parabole : Un homme avait un figuier planté dans sa vigne. Il vint y chercher du fruit et n'en trouva pas. 7 Alors il dit au vigneron : « Voilà trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier, et je n'en trouve pas. Coupe-le donc : pourquoi occuperait-il la terre inutilement ? » 8 Le vigneron lui répondit : « Maître, laisse-le encore cette année, le temps que je creuse tout autour et que j'y mette du fumier. 9 Peut-être produira-t-il du fruit à l'avenir ; sinon, tu le couperas ! »


Ce matin, l’Évangile de Luc s’ouvre pour nous comme les pages de notre  journal quotidien. Comme tous les journaux, il ne contient aucune bonne nouvelle en perspective, au contraire,  Il commence par l’énumération  d’une une série de mauvaises nouvelles qui nous attristent sans pour autant nous affecter, tant nous en  avons l’habitude. Par la suite le quotidien continue par la chronique « jardinage » en nous livrant  les commentaires d’un jardinier en difficulté avec un figuier. Même si cela ressemble à nos journaux,  à la différence de ceux-ci,  nous sommes ouvertement interpellés  par la question du rôle de Dieu  dans la marche de choses.

La première colonne de ce pseudo journal  s’ouvre sur  le récit d’un massacre de pèlerins par l’autorité occupante  dans le temple au moment des sacrifices. Nous sommes invités à nous demander pourquoi Dieu a permis une telle horreur. Nous cherchons  à la hâte des  explications  qui relèveraient du bon sens  et qui expliqueraient  une telle situation. Le contexte semble suggérer que ces  gens devaient être bien coupables pour que Dieu, même si son nom n’est pas prononcé, accepte que leurs dévotions soient interrompues d’une manière si cruelle. On ne s’étonne pas que le gouverneur Pilate ait  ordonné la chose, car sa brutalité est bien connue, mais on peut justifier son action, si non l’excuser en pensant plutôt que ces gens massacrés étaient des  rebelles Zélotes qui auraient fomenté un attentat dans le temple et dont le projet aurait été déjoué. En tout cas personne ne s’étonne vraiment de rien. Jésus  pour sa part semble prendre lui aussi de la distance par rapport à l’événement qu'il commente   d’une manière laconique en nous laissant le choix  de notre appréciation et  en disant  seulement que nous sommes tous menacés et qu’il faut s’y préparer. Il faut donc nous préparer au pire pour ne pas être surpris.  L’espérance, à la recherche de laquelle nous étions venus au culte semble ne pas être  au rendez-vous.

La deuxième manchette du journal  va dans le sens  de la conclusion précédente. Elle fait état d’une catastrophe : « Une tour s’effondre à Siloé : 18 morts ». L’événement  est présenté comme un banal fait divers, et Jésus  fait le même commentaire que précédemment.  Aucune allusion directe à Dieu qui n’y est pour rien ! Dans  un journal d’aujourd’hui on n’aurait pas manqué de dire que les victimes étaient innocentes, comme si les journalistes étaient  qualifiés pour décider de l’innocence des uns ou des autres. Jésus semble accepter l’événement sans rien dire.  Mais dans quel monde cet évangile nous plonge-t-il ? Quelle est cette théologie ou plutôt cette absence de théologie que Jésus développe ici ? Dieu ne peut-il rien quand les catastrophes se produisent ? De quelle manière est-il présent dans ce monde ?  Comme dans le cas du massacre des Galiléens, Dieu se sert-il des événements pour exercer son châtiment, car selon une théologie classique qui relève du péché originel, tous sont privés de salut à moins  que la grâce de Dieu ne repose sur eux. Si bien qu’aux yeux de Dieu nul ne serait innocent devant lui.

Même si nous ne croyons pas vraiment que les choses sont ainsi, nous nous comportons cependant comme si elles l’étaient. On ne veut pas croire que le hasard est aveugle et qu’il frappe sans raison. «  Qu’ai-je fait au bon Dieu pour qu’il en soit ainsi ? » Disons-nous souvent, comme si cette dernière thèse avait un fond de vérité. On ne peut croire en Dieu et considérer qu’il regarde le monde du haut de ses demeures sans réagir aux événements.  La bonne nouvelle espérée au début de ce propos est en train de se déliter, à moins que la suite ne nous réserve une surprise et provoque un revirement de situation qui permettrait à la bonne nouvelle espérée de se réaliser.


Sans transition, nous tombons sur la  rubrique jardinage. Nous sommes placés face au dilemme  qui  oppose un propriétaire et  son jardinier. Ils ne sont pas d’accord sur le sort que  l
’on doit réserver à un figuier qui ne porte pas de fruits. C’est un cas suffisamment rare pour qu’on en parle car ce type d’arbre s’accommode de tout terrain et produit des fruits dans les 3 ans qui suivent sa plantation. Celui dont il est question ici n’obéit pas aux règles et mérite qu’on le coupe avant qu’il n’ait épuisé la terre de la vigne au milieu de laquelle il a été planté.

L’affaire aurait bien vite  été réglée si le propriétaire n’avait pas eu à faire à un jardinier zélé, trop amoureux des plantes pour obtempérer sans rien faire. Ce serait un véritable supplice pour lui de détruire un arbre, même improductif, sans n’avoir rien fait pour lui. Il plaide donc auprès du propriétaire la cause de l’arbre rétif. Il se propose de mettre la main à la pioche, de creuser la terre, de l’amender.  Il espère que  peut-être ses soins ajoutés à  une année supplémentaire sauveront l’arbre.

En disant  "peut être», le jardinier apporte comme l’ombre d’un espoir pour le figuier. Peut-être cette histoire va-t-elle changer notre regard sur ce triste monde où nous vivons ?  Mais la note d’espoir, c’est l’homme qui l’apporte, pas Dieu.  Pourtant  la logique de la raison humaine vient assombrir  ce rayon  d’optimisme. Si ça ne marche pas, si l’espoir humain est déçu, si l’arbre ne porte pas de fruit, il sera coupé, par le maître c'est-à-dire Dieu !



Ce ne sera pas le vigneron qui coupera l’arbre, ce sera  le propriétaire si ça lui chante. C’est là que se situe le renversement de situation que j’espérais tout à l’heure pour ouvrir la porte à l’espérance et qu’enfin une bonne nouvelle fasse son entrée dans ce récit. Qui est donc ce propriétaire amateur de figues ? Un instant on a cru que c’était Dieu, mais un instant seulement car apparemment, Dieu n’est pas dans ce rôle-là. On l’imagine mal dans le rôle du propriétaire recevant des consignes de la part de son serviteur. Or dans cette parabole, c’est lui, le vigneron qui prend les initiatives. Et qui dit au maître ce qu’il doit faire.

Pour comprendre, il va falloir inverser les valeurs. Selon  notre manière de voir les choses, selon ce que Jésus nous a appris, celui qui  devrait avoir  des idées de générosité et  qui devrait mettre  la main à la pioche et même dans le fumier, c’est Dieu !  Celui qui exige que le figuier le nourrisse et que le vigneron exécute ses ordres, serait habituellement l’homme.  Celui qui  devrait menacer de mort le figuier, c’est l’homme et celui qui devrait chercher à le sauver, c’est Dieu.


Habituellement les hommes n’accordent leur confiance en Dieu que s’il ressemble au propriétaire de la parabole, c’est d’ un Dieu qui agirait de la sorte, que les hommes croient pouvoir être les auxiliaires. Ils  s’empresseraient  alors d’abattre l’arbre qui ne leur sert à rien. Mais ça ne marche pas ainsi dit Jésus. Il voit les choses autrement, il estime que la bonne nouvelle c’est  de considérer que le monde n’est pas voué à la fatalité d’un Dieu qui ne ferait rien et qui laisserait faire, ni à un Dieu qui mettrait les hommes au service de son autorité.  Le Dieu que Jésus Christ nous présente ici est un Dieu à l’œuvre et qui travaille à améliorer le monde. Il enseigne l’homme à le considérer autrement qu’il ne le fait habituellement, et c’est à la vie qu’il donne priorité.

Tel est le Dieu que Jésus présente ici. Quant à nous nous reconnaissons trop souvent  dans le rôle de celui qui  reproche à Dieu de ne pas faire ce qu’il aurait dû faire : « tu aurais dû protéger ces pèlerins au moment où ils faisaient leurs dévotions,  tu aurais dû retenir la tour avant qu’elle ne s’écroule, tu devrais éliminer cet arbre qui ne sert à rien » pensons-nous. Les hommes se comportent généralement,  comme s’ils étaient les maîtres d’un  Dieu qui ne veut pas leur obéir.

La bonne nouvelle ici, c’est que Dieu n’a pas besoin de nous pour  lui donner des  conseils et encore moins des ordres, car il sait déjà ce qu’il faut faire pour que les choses aillent mieux et il nous inspirent les choses à faire. Il nous  suggère de mettre la main à la pâte et de travailler pour que la vie s’enrichisse autour de nous. Ce n’est plus à nous  de couper les arbres improductifs, mais c’est à nous de bêcher le sol pour que l’arbre s’améliore.


En fait, nous sommes libres de vivre dans ce monde comme si Dieu n’y était pas, mais  il est tellement plus profitable à tous, et c’est tellement plus porteur d’espérance de savoir que Dieu est avec nous dans ce mode  et qu’il nous inspire ce que nous devons faire. Ainsi nous serons assez patients pour attendre que le figuier produise des fruits, que la vie que Dieu nous donne s’empare du monde, et  que nous œuvrions  à le le rende conforme à ce que Dieu a prévu pour lui.

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