mardi 16 février 2016

Jean 8:1-8 La femme adultère - dimanche 13 mars 2016


1 Jésus se rendit au mont des Oliviers. 2 Mais dès le matin, il retourna au temple, et tout le peuple vint à lui. S'étant assis, il les instruisait. 3 Alors les scribes et les pharisiens amènent une femme surprise en adultère, la placent au milieu 4 et lui disent : Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d'adultère. 5 Moïse, dans la loi, nous a ordonné de lapider de telles femmes : toi, donc, que dis-tu ? 6 Ils disaient cela pour le mettre à l'épreuve, afin de pouvoir l'accuser. Mais Jésus se baissa et se mit à écrire avec le doigt sur la terre. 7 Comme ils continuaient à l'interroger, il se redressa et leur dit : Que celui de vous qui est sans péché lui jette le premier une pierre ! 8 De nouveau il se baissa et se mit à écrire sur la terre. 9 Quand ils entendirent cela, ils se retirèrent un à un, à commencer par les plus âgés. Et il resta seul avec la femme qui était là, au milieu. 10 Alors Jésus se redressa et lui dit : Eh bien, femme, où sont-ils passés ? Personne ne t'a donc condamnée ? 11 Elle répondit : Personne, Seigneur. Jésus dit : Moi non plus, je ne te condamne pas ; va, et désormais ne pèche plus.]


Si on voulait résumer en quelques mots l’enseignement de Jésus pour lequel ses amis ont consacré quatre évangiles, c’est à  coup sûr,  la conclusion de cet épisode de la femme adultère qu’il faudrait prendre : «  moi non plus, je ne te condamne pas ! » Jésus, parlant au nom de Dieu ne condamne pas les simples pécheurs ni les pécheurs scandaleux, ni les autres. Il  ne prive personne ni de l’amour ni de la grâce de Dieu, même pas  ceux que la justice des hommes condamne à de lourdes peines ou même à la mort.  A tous Jésus offre la vie.  

Dans ce passage, vous avez sans  doute  admiré la manière dont Jésus s’était sorti de piège remarquablement tendu par ses adversaires. Mais sommes-nous bien sûrs d’avoir compris ce qui s’était passé, car Jésus ne s’est pas livré à une entourloupette juridique comme le font les grands avocats pour  que leurs clients échappent à une peine méritée. Jésus n’a pas cherché à sauver la femme par des artifices juridiques, mais elle a quand même été sauvée. Ceux qui ont compris l’attitude de Jésus n’ont pas forcément accepté sa conclusion du pardon universel sans condition. Sans condition avez-vous dit ? Sans condition, avons-nous dit !

Si j’en crois la manière dont ce texte a été reçu dans le canon de l’Évangile de Jean, je dirais que les premiers chrétiens ont eu du mal à s’approprier la conclusion de Jésus et à la considérer comme l’aboutissement normal de son Évangile.  Pendant 3 siècles les premiers fragments  des parchemins de l’Évangile  de Jean qui nous sont parvenus n’ont  pas fait état de cet épisode. Ce n’est qu’au quatrième siècle qu’on l’a vu  apparaître une seule fois en finale de l’Évangile de Luc, puis  lentement il  s’est  imposé comme partie intégrante de l’Évangile de Jean. La chose est curieuse et mériterait de plus amples commentaires,  d’ailleurs, selon les spécialistes du texte, ce récit relève plus du style de Luc que de celui de Jean. En fait pendant  longtemps ce texte a fait la navette entre les deux Évangile, tantôt accepté par les copistes  de  l’un tantôt  refusé par les autres.  Toutes ces hésitations plaident d’ailleurs en faveur de son authenticité. Ce n’est sans doute pas le récit en soi qui était ainsi discuté, mais sa conclusion. Il serait donc mal venu de critiquer les scribes et les pharisiens qui soupçonnent Jésus de laxisme, L’Église aussi l’a fait à propos de ce texte.

Jésus annonçait le pardon des péchés sans aucune contrepartie. Les plus grands pécheurs seraient accueillis devant Dieu de la même façon que  les moins fautifs ! C’est tellement choquant qu’on a essayé de minimiser la situation et d’innocenter la femme en se faisant son avocat. On va inventer toutes sortes d’arguments  pour justifier les propos de Jésus et les rendre acceptables.  On a fait valoir que son complice ne comparaissait  pas avec elle, or, pour  qu’un adultère soit flagrant, comme il est dit ici, il faut que le complice soit cité en même temps que l’accusé. Ce n’est pas le cas ici.  Pour qu’il y ait procès, car c’est bien d’un procès qu’il s’agit, il faut un plaignant, or le seul plaignant habilité en l’occurrence serait le mari. Il n’est pas présent non plus et ne se présente pas en accusateur. Cette mise en scène était donc un piège pour faire tomber Jésus et il n’y est pas tombé. Après ces commentaires la femme, ne semblait pas coupable. Personne ne s’y trompe et on se réjouit de voir que Jésus s’en sort habilement, comme toujours.

Ceux qui ont une sérieuse culture biblique verront dans ce récit une parenté avec l’histoire de Suzanne et des vieillards que l’on trouve dans l’apocryphe de Daniel, ignoré des publications protestantes de la Bible. Suzanne se baignait dans son jardin clos de murs, cette imprudente avait bien le droit d’être ainsi dévêtue dans ce lieu privé ! Deux  vieillards regardant par où il ne fallait pas,  contemplèrent la scène et tentèrent d’abuser de la baigneuse.  Celle-ci  résista  et ne succomba pas. Par esprit de vengeance, les deux vieillards lubriques, juges pour la communauté juive à Babylone, l’accusèrent d’adultère en lui inventant un partenaire, et tant qu’à faire jeune et beau. Elle fut condamnée à mort et aurait été exécuté si Daniel n’avait eu l’idée de faire interroger les vieillards séparément. Ils se contredirent bien évidemment. C’est eux qui furent alors  condamnés et exécutés. L’histoire est belle, la morale est sauve, mais ce n’est pas du tout le cas de l’histoire dans laquelle on sollicite l’avis de Jésus, et tout essai de rapprocher les deux textes, comme on l’a souvent fait  nuirait à la compréhension de l’Evangile.

 Jésus  n’essaye pas de disculper la femme, il ne prend pas à son compte les arguments que nous avions développés pour la disculper.  Il la considère comme coupable et demande qu’on la lapide, ce qui ne se faisait plus à l’époque, mais  il ajoute une  condition, celle de la nécessité de  l’absence de péché des bourreaux. Tous se dégonflent.

Jésus ne veut pas savoir si elle est coupable où non. Il fait valoir un principe qui est  incontournable, pour lui et donc pour Dieu, bien qu’on en discute encore aujourd’hui, c’est le droit absolu à la vie sans aucune restriction. C’est en regardant le texte d’un peu plus près que nous comprendrons ce que son auteur veut nous faire comprendre. Assis parterre, Jésus face à l’accusée, sans regarder personne,  écrit avec son doigt  dans la poussière. Tout ici prend du sens. Jésus regarde à terre et écrit avec son doigt comme jadis Dieu le fit sur les tables de la  loi cassées par Moïse au Sinaï.

La loi, en vigueur à cette époque n’était donc que le pale reflet des tables écrites par Moïse. Elles attendaient une réédition de Dieu quand le peuple serait prêt à la recevoir. L’était-il ? Le sommes-nous ? Cette réflexion éclaire la suite.   Si Jésus écrit dans la poussière, c’est que l’homme en a été issu et  qu’il y retournera. Jésus est donc en train d’écrite avec son doigt  la nouvelle loi, comme Dieu le fit avec Moïse. Il le fait dans la poussière, l’élément qui constitue la structure même l’humanité. Puis, le texte étant écrit, il se redresse et cette fois il regarde les hommes et les enjoint à appliquer la loi dont ils se réclament. Lapidez-là si la loi ordonne la mort. Mais cette loi venue de Dieu ne peut être appliquée que par celui qui en est digne. Elle ne peut être appliquée  que par une main sans péché.

Aucun humain n’en  est digne, Jésus ne le dit pas explicitement, mais tous comprennent.  On ne peut en rester là !  Heureux  celui qui comprendra la suite, il pourra alors avancer sur le chemin de la compréhension de Dieu.  Le regard de Jésus se tourne à nouveau  vers le sol, il ne regarde personne, chacun se retire jugé par sa propre conscience, mais pas par Jésus qui ne regarde pas  puisqu’il regarde à terre et poursuit son écriture. A coup sûr ce sont des paroles de vie qu’il écrit dans la poussière, c'est-à-dire dans les fondements de notre humanité. Cette poussière insignifiante que l’on méprise en la foulant au pied  est désormais porteuse de la vie que Dieu nous demande de respecter comme le bien le plus précieux dont dépend  l’humanité et dont personne ne peut disposer.

Et la femme ? Il est normal de s’intéresser à son sort avant de conclure. L’histoire personnelle de cette femme marque ici un temps d’arrêt mais elle ne s’arrête pas pour autant. N’ayant reçu aucun condamnation, elle  peut retourner  normalement à la vie. Etai-elle coupable ? Sans doute, car on n’aurait pas pu monter un tel piège avec une innocente comme appât.  Si elle avait été innocente, Jésus n’aurait pas pu tirer les conclusions qu’il a tirées, mais sa faute, même avérée ne suffisait pas à l’empêcher de vivre et Jésus  lui a ouvert un chemin de vie. S’il lui dit de ne plus pécher, ce n’est pas  d’adultère qu’il  parle, c’est de cette situation qui consiste à se considérer comme  séparé de Dieu quand on se sait coupable, car c’est cela le péché, c’est être séparé de Dieu. Or  Dieu n’exclut personne c’est pourquoi il nous  pardonne tous. Quand ils ont compris cela, ce texte a paru irrecevable, même aux évangélistes. Et pour nous qu’en est-il ? Quant à la repentance  dont on n’a pas parlé et que Jésus ne demande pas à cette femme, c’est une autre histoire, c’est une histoire entre Dieu et nous qui n’a pas sa place ici.

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