jeudi 13 avril 2017

Luc 24: 13-35 - Les disciples d'Emmaüs - dimanche 30 avril 2017



Sur le chemin d'Emmaüs

13Or, ce même jour, deux d'entre eux se rendaient à un village du nom d'Emmaüs, à soixante stades de Jérusalem,
14et ils s'entretenaient de tout ce qui s'était passé.
15Pendant qu'ils s'entretenaient et débattaient, Jésus lui-même s'approcha et fit route avec eux.
16Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître.
17Il leur dit : Quels sont ces propos que vous échangez en marchant ? Ils s'arrêtèrent, l'air sombre.
18L'un d'eux, nommé Cléopas, lui répondit : Es-tu le seul qui, tout en séjournant à Jérusalem, ne sache pas ce qui s'y est produit ces jours-ci ?
19— Quoi ? leur dit-il. Ils lui répondirent : Ce qui concerne Jésus le Nazaréen, qui était un prophète puissant en œuvre et en parole devant Dieu et devant tout le peuple,
20comment nos grands prêtres et nos chefs l'ont livré pour qu'il soit condamné à mort et l'ont crucifié.
21Nous espérions que ce serait lui qui apporterait la rédemption à Israël, mais avec tout cela, c'est aujourd'hui le troisième jour depuis que ces événements se sont produits.
22Il est vrai que quelques femmes d'entre nous nous ont stupéfiés ; elles se sont rendues de bon matin au tombeau et,
23n'ayant pas trouvé son corps, elles sont venues dire qu'elles avaient eu une vision d'anges qui le disaient vivant.
24Quelques-uns de ceux qui étaient avec nous sont allés au tombeau, et ils ont trouvé les choses tout comme les femmes l'avaient dit ; mais lui, ils ne l'ont pas vu.
25Alors il leur dit : Que vous êtes stupides ! Comme votre cœur est lent à croire tout ce qu'ont dit les prophètes !
26Le Christ ne devait-il pas souffrir de la sorte pour entrer dans sa gloire ?
27Et, commençant par Moïse et par tous les Prophètes, il leur fit l'interprétation de ce qui, dans toutes les Ecritures, le concernait.
28Lorsqu'ils approchèrent du village où ils allaient, il parut vouloir aller plus loin.
29Mais ils le pressèrent, en disant : Reste avec nous, car le soir approche, le jour est déjà sur son déclin. Il entra, pour demeurer avec eux.
30Une fois installé à table avec eux, il prit le pain et prononça la bénédiction ; puis il le rompit et le leur donna.
31Alors leurs yeux s'ouvrirent et ils le reconnurent ; mais il disparut de devant eux.
32Et ils se dirent l'un à l'autre : Notre cœur ne brûlait-il pas en nous, lorsqu'il nous parlait en chemin et nous ouvrait le sens des Ecritures ?
33Ils se levèrent à ce moment même, retournèrent à Jérusalem et trouvèrent assemblés les Onze et ceux qui étaient avec eux,
34qui leur dirent : Le Seigneur s'est réellement réveillé, et il est apparu à Simon !
35Ils racontèrent ce qui leur était arrivé en chemin, et comment il s'était fait reconnaître d'eux en rompant le pain.



L’événement  qui a marqué  l’épisode vécu  sur la route d’Emmaüs  par deux disciples avait du être vraiment marquant pour qu’on s’en souvienne aussi longtemps après qu’il ait eu lieu. C’est un des récits  que Luc  relate dans le dossier qu’il a constitué  pour écrire son Évangile, 20 ou 30 ans après  les événements. Il a sélectionné cet épisode parmi les cinq cents  récits concernant  les apparitions de Jésus après sa résurrection, si l’on en croit les dires de Paul  qui affirme que plus de cinq cent frères ont bénéficié du  privilège d’avoir une histoire avec  Jésus ressuscité ( 1 Cor 15/6). Il a donc fallu que le récit de Cléopas pèse d’un certain poids  parmi tous les témoignages reçus  car il n’est pas sans intérêt  qu’il soit revenu en pleine nuit après une journée de marche  pour raconter ce qu’il avait vécu avec Jésus ressuscité.

Au matin  du dimanche qui suivit l’exécution de Jésus, chacun  était toujours profondément perturbé par les effets de sa propre lâcheté.  Le remord de chacun  plombait l’atmosphère  du lieu où ils se trouvaient encore.  Chacun  répondait à son impulsion du moment. Les femmes  décidaient  d’accomplir leur devoir en allant rendre au défunt les derniers devoirs requis par la religion.  En effet, après l’exécution, quelques uns des amis de Jésus  avaient surmonté la panique qui les avait dispersés et ils étaient allé réclamer le corps du supplicié pour lui offrir une sépulture décente, mais faite à la hâte. 

A leur retour  les femmes  racontèrent  qu’elles n’avaient pas retrouvé le corps au petit matin. S’étaient-elles trompées de lieu de sépulture ? Elles  croyaient avoir vu   des anges, elles  avaient même parlé de résurrection usant des mêmes propos que Jésus  avait tenus devant elles de son vivant. De telles assertions leur permettaient peut-être de se sentir moins coupables de l’avoir laissé aller seul au procès puis au supplice. Certains des compagnons de Jésus,  séduits par ces propos  étaient allés vérifier la véracité de ces dires, d’autres, plus réalistes tels les deux amis dont le récit nous intéresse décidèrent de fuir cette hystérie collective qui s’étaient emparée de ceux  qui étaient encore présents à Jérusalem et  pour  tourner définitivement une page qui leur rappelait le mauvais rôle que tous avaient joué, ils avaient donc décidé de partir..

C’est leur retour, tard le soir qui constitue l’événement remarquable de  ce récit.  Ils avaient marché toute la journée en ressassant les événements que nous venons d’évoquer.  Le souvenir  de ces trois jours passés ne cessait de tarauder leur esprit. Le sentiment de leur  culpabilité ne cédait pas de terrain dans leur conversation. Alors qu’ils parlaient de lui en marchant , ils avaient l’impression qu’il était encore avec eux. En évoquant les événements  ils avaient l’impression d’entendre le son de sa voix. Les propos  qu’il avait tenus vivant avec eux prenaient le ton d’une vérité étrange, car il leur avait dit tout ce qui allait se passer. Il leur avait parlé de la puissance  de Dieu ! Il avait-même dit que les morts se relèveraient d’entre les morts et les choses  prenaient du sens alors qu’ils les évoquaient. C’était comme s’il était là, mais peut-être était-il là. En tout cas, il s’était emparé de leur esprit et ne le quittait plus. Tout ce qu’ils évoquaient à son sujet semblaient  être vrai. Il semblait leur tenir compagnie  comme un marcheur invisible à leurs côtés.

Une auberge ! Autant se restaurer et méditer puisque les choses semblaient prendre une autre tournure. Il était toujours là tel un compagnon anonyme qui savait tout sur lui. Cette impression d’une présence à  côté d’eux  était-elle une présence physique, ou était-elle une vue de leur esprit ? Ils ne le savaient pas, mais il était sous l’emprise de la puissance de Dieu qui rendait possible pour chacun d’eux la réalité qu’ils n’avaient cessée de nier depuis le matin alors qu’ils fuyaient leurs amis, leur remord et leur passé.

C’est la bénédiction du pain, telle qu’elle avait lieu lors de chaque repas qui fut l’acte déclenchant, qui ouvrit leurs yeux et qu’ils comprirent que celui qu’ils avaient cru mort avait pris corps dans leur  esprit et qu’il les avait intégrés dans la réalité où il était désormais. En refaisant le geste qu’ils avaient l’habitude de faire avec lui, sa présence à leurs côtés devenait bien réelle. Ils n’avaient plus besoin de sa présence physique, plus besoin de le voir  pour savoir qu’il était là et qu’il avait cheminé avec eux tout au long de leur   parcours. Le maître bien aimé continuait à vivre en eux par la force de Dieu qu’il leur avait révélé, malgré le supplice et la mort qu’il avait supportés quelques jours auparavant.

Tout ce qu’il leur avait dit sur la mort prenait du sens, tout son enseignement sur la vie éternelle prenait du sens. L’autorité que Dieu avait sur la vie devenait réalité, la résurrection était autre chose qu’un simple retour à la vie, elle devenait une réalité nouvelle, jusque là inimaginable en vertu de la quelle la mort ne pouvait reprendre la vie nouvelle que Dieu nous donne, quand on se met à croire à la réalité de Dieu, telle que Jésus en avait parlé.

Il leur fallait donc partager cette vérité avec les autres, c’est pourquoi ils reprennent la route de nuit, ils retournent vers les autres bravant tous les dangers car c’est avec eux qu’ils doivent partager ce qu’ils viennent de comprendre, et qui vient de jaillir en eux comme une lumière. Cependant, jusque là, ils  ne s’en rendaient pas compte. Entre temps, les autres feront  des expériences personnelles de rencontre avec le ressuscité  différentes de la leur  mais toute aussi instructives.

L’histoire vécue par Cléopas et  son compagnon a été tellement saisissante qu’elle est devenue par la suite la norme de toutes les expériences de rencontre avec le ressuscité pour les membres de la première église. La présence du ressuscité s’impose à celui qui médite sur sa propre vie en évoquant le supplice et la mort de Jésus, si bien que celui qui médite ne sait plus où se situe la réalité. Est-ce dans son esprit ou est-ce dans la réalité du moment? Qu’importe ! Ce qui se passe en lui se manifeste  avec une telle intensité qu’il n’a pas besoin d’en savoir plus.

Où avaient-ils l’intention d’aller  ces deux compagnons  quand ils sont partis ce matin là ? Ils allaient vers un village nommé Emmaüs qui ne se trouve sur aucune carte, car le lieu où l’on va quand on ne sait  rien de la vie avec Dieu n’a aucune importance. Dès que Dieu s’impose à nous, la direction de notre vie s’impose différemment, car c’est la résurrection que Dieu nous donne qui impose désormais les orientations de notre vie.  Le souffle qui se dégage de ce récit donne à chaque lecteur le désir de vivre  cette expérience avec la même intensité que Cléopas et son compagnon.

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