mercredi 30 mai 2018



Marc 14 :12-26 Le cas Judas. dimanche 3 juin 2018, reprise du sermon  sur le même sujet de 2015

 





 Le premier jour des Pains sans levain, le jour où l'on sacrifiait la Pâque, ses disciples lui disent : Où veux-tu que nous allions te préparer le repas de la Pâque ? 13 Il envoie deux de ses disciples et leur dit : Allez à la ville ; un homme portant une cruche d'eau viendra à votre rencontre ; suivez-le, 14 et là où il entrera, dites au maître de maison : Le maître dit : Où est la salle où je mangerai la Pâque avec mes disciples ? 15 Il vous montrera une grande chambre à l'étage, aménagée et toute prête : c'est là que vous ferez pour nous les préparatifs. 16 Les disciples partirent, arrivèrent à la ville, trouvèrent les choses comme il leur avait dit et préparèrent la Pâque.

17 Le soir venu, il arrive avec les Douze. 18Pendant qu'ils étaient à table et qu'ils mangeaient, Jésus dit : Amen, je vous le dis, l'un de vous, qui mange avec moi, me livrera. 19 Attristés, ils se mirent à lui dire l'un après l'autre : Est-ce moi ? 20 Il leur répondit : C'est l'un des Douze, celui qui met avec moi la main dans le plat. 21 Le Fils de l'homme s'en va, selon ce qui est écrit de lui. Mais quel malheur pour cet homme par qui le Fils de l'homme est livré ! Mieux vaudrait pour cet homme ne pas être né.

22 Pendant qu'ils mangeaient, il prit du pain ; après avoir prononcé la bénédiction, il le rompit et le leur donna en disant : Prenez ; c'est mon corps. 23 Il prit ensuite une coupe ; après avoir rendu grâce, il la leur donna, et ils en burent tous. 24 Il leur dit alors : C'est mon sang, le sang de l'alliance, qui est répandu pour une multitude. 25 Amen, je vous le dis, je ne boirai plus du produit de la vigne jusqu'au jour où je le boirai, nouveau, dans le royaume de Dieu.

26 Après avoir chanté, ils sortirent vers le mont des Oliviers. 27Jésus leur dit : Il y aura pour vous tous une cause de chute, car il est écrit :

Je frapperai le berger, 





Le personnage de Judas : Une énigme policière non résolue Marc 14 :17-21


Le personnage de Judas est fascinant, non pas tellement à cause de ce que l’on a écrit à son sujet, mais à cause des questions qu’il nous pose sur  les autres apôtres et surtout sur Jésus lui-même. Depuis toujours il a été confiné dans la peau du traître avec toutes les variantes qu’on a pu y apporter.


Au cours des siècles cependant son personnage s’est humanisé. On a même écrit que s’il a trahi Jésus en échange d’une somme d’argent c’est pour soigner sa femme malade.  Il aurait livré Jésus pour lui forcer la main à se déclarer comme le Messie d’Israël. Son erreur l’aurait alors amené à se suicider  par désespoir. «L’Evangile de Judas », apocryphe récemment révélé au grand public le range parmi les héros, et le considère comme  l’inspirateur  de Jésus. N. Kazantzakis en a fait  son compagnon le plus fidèle et le plus sûr.

Les Evangiles ne sont pas toujours d’accord à son sujet. Ainsi l’Évangile de Jean l’accuse sans preuve d’être un fourbe et un voleur  et, par voie de conséquence fait  passer Jésus pour un  naïf qui lui aurait confié la bourse du groupe. Lors de l’onction de Béthanie, Matthieu ne partage pas le jugement de l’évangéliste Jean      ( Mt 26/8). Sans doute aucun des apôtres ne se doutait  du projet en cours de livrer Jésus. Jésus-lui-même s’en doutait-il ?  Quand il envoie Judas faire ce qu’il doit faire, ( Jn/ 13) tous pensent qu’il va faire une aumône et non pas le trahir. Or Jésus l’a désigné comme le  traître en lui donnant le morceau de pain,  (Jn 13/27) mais aucun ne se saisit de son arme pour lui barrer la route car selon l’inventaire de Luc, ils étaient armés et aucun n’avait discerné ce qui se tramait. (Lc, 22/38). Y a-t-il eu  prescience de Jésus dans sa recommandation  à Judas ou complicité de Jésus avec  lui ? De la réponse à cette question  va dépendre  toute notre  manière de concevoir le personnage de Jésus.


Selon les sentiments que l’on éprouve pour Judas  ou selon les lectures que l’on a pu faire à son sujet, le regard que nous allons porter sur Jésus sera sans doute différent.  La  version classique du récit, telle que nous la retenons habituellement est inacceptable bien que conforme  aux évangiles. Si Jésus n’avait pas l’intention d’être arrêté, pourquoi a-t-il laissé sortir le traître en sachant ses intentions ? A supposer qu’il ait saisit l’occasion pour se laisser arrêter et condamner à mort, si tel était son projet, pourquoi a-t-il laissé Judas encourir les feux de l’enfer ? Si Dieu l’avait prédestiné à cette action, l’argument enlèverait  toute crédibilité à la théologie de  la  grâce.

Le seul argument qui tienne vraiment semble être celui qui suppose une   connivence entre Jésus et Judas. Jésus aurait eu besoin d’un homme sûr pour l’aider à réaliser  le projet de le livrer aux autorités et être mis à mort dans le contexte de la Pâques.  Le défi relevé par Judas aurait été non pas d’encourir la damnation éternelle mais la malédiction que la tradition fera peser à tout jamais sur lui. Judas ne se serait pas suicidé pour se repentir, mais se serait suicidé à cause du rejet des autres qui  saliront sa personne pour l’enfermer dans le rôle ignoble  où l’a tenu  la tradition.

Si Jésus avait une telle confiance en lui, c’est que Judas était le plus solide et le plus fidèle de ses  disciples. Il était  plus à même de tenir le rôle que les évangiles accordent à Pierre qui lui aussi a trahi. Si Judas  n’est pas un traître, c’est le collège des apôtres qui prend une autre composition.  A-t-il été évincé au profit de Pierre par ceux qui après sa mort  ont chargé son personnage ? S’il ne s’est pas suicidé en se pendant (Mt 27/3-10) est-il tombé sous les coups d’un mystérieux assassin qui l’aurait tué à la manière des sicaires  à partir d’un coup de poignard caché sous son manteau ?( Ac. 1 /18-20) Et pourquoi ?  Encore une énigme policière non résolue !

Malgré tout on voit bien que si le récit traditionnel n’est pas satisfaisant, celui de la complicité avec Jésus ne l’est pas davantage. Efforçons nous maintenant de quitter le rôle d’enquêteur de police pour reprendre notre rôle de théologien et efforçons-nous d’ approfondir le personnage à partir de ce qu’en disent les textes, et avec un peu d’attention nous allons découvrir d’autres énigmes qui ne sont pas moins surprenantes que les précédentes. (1)

Le premier constat c’est que les quatre évangélistes  expriment un avis  essentiellement négatif sur l’homme. Tout se passe comme s’ils s’étaient tous mis d’accord pour le charger de tous les péchés possibles. Il serait avare, cupide, attaché à l’argent et finalement  traître. Il est présenté sous les traits  d’un personnage dont on se demande pourquoi Jésus l’a pris dans son entourage. Il est en plus affublé du même nom,  à peu de choses près, que cet autre Juda, fils de Jacob qui se proposa de vendre son frère Joseph contre une somme d’argent.( Genèse 37)


On peut alors se demander, comme le font si souvent les Evangélistes qui ont recours à la tradition vétérotestamentaire pour expliquer les choses, si  Judas  n’est pas  un personnage fictif inspiré par ce fils de Jacob.  A partir de ce personnage, les narrateurs des évangiles auraient campé un individu irréel sur lequel on pouvait faire peser le poids de toutes les trahisons possibles, et en particulier celles de ses apôtres eux-mêmes. Judas rassemblerait sur lui, tous les manques de discernements et toutes les erreurs commises par les proches de Jésus sans qu’aucune culpabilité ne puisse être retenue contre eux.

Si psychologiquement  l’explication d’avoir créé un personnage chargé de tous  les torts tient la route.  Il y a bien entendu d’autres arguments qui plaident  en faveur de cette thèse. Le premier c’est qu’on ne sait pas comment il est mort et qu’on lui a inventé deux morts que l’on a du mal à harmoniser : crime ou suicide ?  Nous trouverons un autre argument chez Paul qui, par ses écrits est le plus ancien écrivain  du Nouveau Testament et qui ne retient pas le nom de Judas quand il rappelle qu’au moment de la cène, Jésus fut livré ( 1 Cor 11).

Personnage énigmatique, Judas nous aide à assumer nos propres contradictions d’autant plus aisément qu’il serait le produit de l’invention de la tradition qui l’aurait suscité pour le faire apparaitre  deux générations après l’événement ( date de la rédaction des évangiles)  et ainsi  sauver la réputation des  apôtres, déjà morts  qui auraient peut-être pu avoir joué un rôle ambigu dans les événements qui ont conduit Jésus à la mort.

Cette approche détruit à tout jamais l’explication insupportable selon laquelle Judas aurait été le fils de perdition,  prédestiné à entrer dans ce rôle de traître et condamné de toute éternité à la damnation éternelle. Cette dernière explication est-elle la bonne ? Nul ne le sait, mais elle permet à chacun d’accepter le pardon  qui lui est offert  sans se demander si le pardon est possible pour tous.



 . Voir: Jésus pour le XXI e siècle de John Shelby  Spong  édition Karthala page  61

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