mercredi 13 juin 2018

Matthieu 6/13 Ne nous laisse-pas tomber en tentation . Dmanche 17 juin 2018


Dans la plupart des paroisses on a parlé de la nouvelle traduction du Notre Père. Je dérogerai à la règle pour ce dimanche 17 juin  qui consiste à prendre le texte du jour et je vous proposerai une méditation sur le texte concerné:  la sixième demande du Notre Père la Tentation : 

C’est  donc de tentation que nous allons nous entretenir aujourd’hui, et à  peine avons-nous évoqué le thème de la tentation qui s’inscrit  à la fin du Notre Père, que celle-ci tente de nous saisir, car nous nous prêtons facilement à son charme. C’est sur  ce sujet, que nous sommes tentés d’avoir raison sur les autres dans les discussions que nous avons au sujet des propositions d’interprétation qui nous sont offertes par les instances religieuses qui espèrent réformer la traduction liturgique de la prière.  « Ne nous soumets pas à la tentation » disent les uns », mais les autres de répondre que  « Dieu ne tente personne », preuves scripturaires à l’appui. « Ne nous laisse pas tomber en tentation ou succomber à la tentation en proposent d’autres ». Mais s’agit-il vraiment de la tentation ? Ne s’agit-il pas de l’épreuve ? Le débat se prolonge indéfiniment et la tentation d’avoir raison de s’imposer à tous.

Chacun de croire que son interprétation ou son appréciation est la meilleure et que sa traduction est la plus fidèle. Chacun essaye de prendre le pas sur l’autre ! La tentation alors pointe toujours son nez car, l’enjeu du débat, n’est-il pas  de se valoriser soi-même au travers des arguments que l’on développe. En fait, qui sommes-nous pour avoir raison face à tous ces érudits qui depuis des siècles rivalisent entre eux pour nous donner le sens exact de cette demande ? Et moi-même ne suis-je pas tenté à mon tour d’user de mon privilège de prédicateur pour vous imposer ma manière de voir les choses et d’en tirer vanité ?

En fait, peu importe le mot, car derrière tout cela il s’agit de ne pas dévaloriser l’autre, celui avec qui on discute et contre qui on aimerait avoir raison. La tentation n’est-elle pas alors de supplanter l’autre quel qu’il soit en faveur de nous-mêmes, même si aucune agression ne s’exprime et que l’on garde son opinion pour soi ? Le défi de cette prière n’est-il pas d’être tenté de refuser à l’autre la place qui lui est due, c’est-à-dire une place qui lui concèderait une valeur supérieure à la nôtre ? N’est-ce pas là une proposition que l’on a du mal à accepter, même si elle nous vient de Paul qui prétend qu’il faut  considérer  l’autre  comme étend au-dessus de nous-mêmes. (Philippiens 2/3)

Voici que le tentateur est en train de frapper à notre porte et  qu’il emprunte mes propos pour mieux vous écraser sous ses gros sabots. Les sabots du tentateur ne sont bien évidemment qu’une image. Il  n’a pas de pieds pour y mettre des chaussures, ni des bras ni des mains, car il fait son apparition dans les Ecritures sous la forme d’un serpent. Les écrivains bibliques en ont fait un portrait particulièrement judicieux, il n’a aucune forme, il est visqueux et son un corps est insaisissable, mais il est capable de donner la mort à qui le défie. Il agit par la parole, privilège de Dieu derrière lequel il se cache et cherche à nous provoquer en se faisant passer pour lui. C’est ainsi qu’il agit sur nous pour nous conduire toujours dans la mauvaise direction au détriment de notre prochain. Car l’enjeu de la tentation est toujours la place que l’on réserve à l’autre.

Notre fidélité à Dieu va nous aider à ne pas profiter des autres pour  accaparer des avantages à leur détriment. C’est une telle conclusion que Jésus aspire à nous faire accepter c’est pourquoi il en fait la conclusion de la prière du Notre  Père, qui dès sa première ligne nous a invités à entrer dans l’univers de Dieu, où nous avons notre place et où tout est parfait. Il nous invite à dire « Notre Père qui est aux cieux », et d’emblée  nous le rejoignons  dans la plénitude de ce monde idéale où nous avons notre place avec lui et où nous l’imaginons avec ravissement. Ensuite, lentement, il nous entraîne à quitter ce monde divin et il nous  accompagne dans le nôtre où le pain quotidien, sous toutes ses formes fait partie de nos préoccupations journalières. La recherche du pain de chaque jour nous entraîne cependant, à utiliser les autres à notre profit et à profiter des avantages que nous pourrions retirer de leur présence. Inconsciemment  en les utilisant à notre profit, nous risquons de les offenser: « pardonne-nous nos offenses ». C’est  dans cette suite logique  de l’homme qui se cherche devant Dieu  que le tentateur  montre enfin le visage derrière lequel il se cachait. Il travaillait déjà en nous alors que nous n’étions pas conscients de profiter des autres  à leur insu.

Cet itinéraire de Dieu qui descend de son ciel jusqu’à l’homme pour constater ses mauvais comportements vis-à-vis de ses semblables et chercher à y remédier n’est pas nouveau. On le retrouve ailleurs dans la Bible car Dieu est toujours soucieux de nous rejoindre dans ce qui peut être corrigé au fond de nous. Un jour nous est-il raconté, Dieu descendit des hauteurs du ciel pour voir ce que les hommes trafiquaient sur terre. On nous laisse entendre qu’ils avaient entrepris une œuvre collective en construisant une ville et une tour pour assouvir leur esprit de domination et qu’une apparente harmonie régnait entre eux. Dieu prit ombrage de cette belle entente, envisagea les conséquences que tout cela pourrait avoir par la suite et pour  sauver l’avenir, confondit leurs langues pour rendre difficile toute collaboration entre eux.

La logique d’un tel récit ne s’installe pas cependant aussi facilement dans notre esprit. Notre première réaction est encore une tentation, elle consiste à culpabiliser Dieu en pensant par devers nous qu’il  est jaloux de la belle entreprise humaine, et qu’en intervenant, il réagit par dépit pour protéger sa souveraineté  et  qu’il se mêle de ce qui ne le regarde pas, car apparemment tout se passait bien avant qu’il intervienne. Partant de là,  nous avons tendance à penser qu’il y a sans doute du positif dans la domination des uns par les autres. La tentation  nous entraîne alors à croire que l’autoritarisme de Dieu interfère dans la liberté des hommes et trouble la bonne ordonnance du monde.

De telles pensées  modifient notre regard sur Dieu  au risque  de ne pas voir que la tentation nous guette de le rendre responsable de tout ce qui arrive. En particulier ce qui nous arrive de mal. Ceux qui tiennent de tels propos lui  reprochent  de déséquilibrer le monde  par le biais des religions qui se réclament de lui. On prétend alors que les religions sont à l’origine des dissensions entre les hommes et provoquent les guerres dans le monde.

  En fait la tentation est grande pour les peuples de se servir de Dieu, pour se croire choisis par lui et les religions le disent parfois. Ils éprouvent alors l’illusion de croire que leurs positions géographiques, les héritages de l’histoire,  les brillants intellectuels qui président aux destinées de leurs universités, leur donne le droit de mettre les autres sous leur dépendances. Ce serait même  de leur part un acte de considération à leur égard, voir même d’amour  parce qu’ils considéreraient que Dieu leur confie les autres pour les aider à évoluer.

 Mais ces arguments tiennent mal de nos jours et les philosophes ont  tôt fait de démontrer  que de tels principes ne justifient pas une influence quelconque de Dieu sur les hommes, si bien  que la tentation s’est faite de ne plus mêler Dieu aux problèmes des hommes et de ne plus croire en lui. Les professionnels de l’économie ont alors  inventé d’autres arguments pour justifier la domination des uns sur les autres, car c’est une tentation constante de l’humanité  que de toujours chercher à dominer ses voisins. C’est ce travers des hommes que Dieu dénonce quand il prête sa voix à Jésus  pour définir l’amour qu’il devrait y avoir entre les humains

Mais ce propos ne nous libère pas pour autant de la tentation  qui nous guette de faire jouer à Dieu un rôle que Jésus ne lui reconnaît pas et de le faire entrer dans une attitude qu’il récuse. C’est alors que nous sommes tenté de croire  que Dieu s’est fait homme pour partager avec lui son génie créateur et pour  organiser la planète  que Dieu lui aurait confiée.  Il se propose alors de l’organiser  de telle sorte  qu’il  élimine tout ce qui entrave sa propre domination sur les êtres, les choses  les animaux, et  les végétaux ainsi que les humains  qui ont la malchance d’occuper la mauvaise place. Ce faisant, il y a fort à penser qu’en s’en prenant à tout ce qui vit, les hommes se font les partenaires du mal et les adversaires de Dieu. «  Seigneur, délivre-nous du mal qui est en nous. »

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