vendredi 6 juillet 2018

Amos 7 :12-17 La mission d'Amos - dimanche 15 juillet 2018


Amos 7 :12-15 :


12 Amacya dit alors à Amos : « Va-t’en, voyant ; sauve-toi au pays de Juda : là-bas, tu peux gagner ton pain et prophétiser, là-bas !

13 Mais à Béthel, ne recommence pas à prophétiser, car c’est ici le sanctuaire du roi, le temple royal ! »

14 Amos répondit à Amacya : « Je n’étais pas prophète, je n’étais pas fils de prophète, j’étais bouvier, je traitais les sycomores ;

15 mais le SEIGNEUR m’a pris de derrière le bétail et le SEIGNEUR m’a dit : Va ! prophétise à Israël mon peuple. 





Va prêcher ailleurs ! C’est en ces termes qu’Amos est prié de quitter le Royaume du Nord et d’aller exercer son talent de prophète dans celui du Sud. Ce n’est pas une simple boutade destinée à  se débarrasser d’un prédicateur gênant, cela implique  un principe  théologique que nous allons essayer de découvrir.

Mais en quoi ce bouvier et ce planteur de sycomores peut-il nous intéresser ?

Il vivait dans le Nord au pays d’Israël, dans un état qui à l’origine  formait un seul royaume, et  que les aléas de l’histoire avaient divisé en deux états, parfois rivaux, parfois associés. Il y a là quelques ressemblances avec des réalités d’aujourd’hui.

Que l’état du Nord, Israël intrigue  avec son puissant voisin la Syrie,  au mépris de son petit rival du Sud, n’a que peu d’intérêt pour nous. Celui du Nord, à force de compromis mal gérés finira par être anéanti par son puissant rival, quant à la partie Sud du pays, Juda, trop faible pour le moment, elle échappera pour un temps  à la catastrophe qui anéantit le Nord. Devenu trop puisant à son tour, il disparaîtra deux siècles après dans la tourmente et grâce à cet exil forcé, les victimes de ce nouvel Exode, séparées de leur terre d’origine rédigeront leurs souvenirs, ce qui produira notre Bible, comme quoi ce récit n’est pas sans intérêt.

Qu’est-ce qui provoqua  ce désastre ? On en trouve les raisons dans les oracles des prophètes, dont Amos ici présent. Une première approche  consiste à  dire que c’est à cause de leur manque de piété que Dieu les a punis  en se servant des armées  païennes pour ramener son peuple dans le droit chemin. La méthode parait un peu radicale. Une telle explication  laisse entendre  que  Dieu aurait usé de son pouvoir discrétionnaire de « souverain tout puissant » pour corriger les mauvais comportements de ceux qui estimaient être son peuple.

Mais il y a peut-être une lecture plus subtile à laquelle nous allons nous attacher.

Notre conducteur de bœufs était originaire du Sud, mais pour des raisons qui nous échappent il vivait dans le Nord. S’il  s’était engagé dans la politique de son temps, il était aussi travaillé par les incidences qu’elle pouvait avoir sur la foi. Il n’était donc pas adepte d’une stricte séparation du politique et du religieux.  Il reprochait à ses contemporains de ne pas  tenir compte des impératifs de la foi pour orienter la politique du pays qui se trouvait livré aux mains des plus fortunés  qui laissaient le prolétariat dans la misère.

Ce n’était pas très original. Le respect de la veuve et de l’orphelin, le partage avec le prochain, très peu pour eux ! C’étaient pourtant des impératifs de la loi de Moïse ! Cependant, s’il était d’usage de respecter la religion, il était mal venu de s’en servir pour critiquer les dirigeants.

On considérait que le fondement de la religion était basé sur le culte, le respect des rites,  l’organisation des processions et des sacrifices. Pourtant quand le désastre de la défaite dans le conflit avec la Syrie se produira on le justifiera comme étant l’expression du jugement de Dieu  qui n’aurait pas été satisfait de la pratique du culte. En fait, ce n’est pas la pratique du culte qu’Amos  dénonçait  c’est le comportement moral de ses concitoyens. Et c’est ce comportement qu’il  dénoncera comme la cause du désastre.  En fait, il considérait que  la politique de corruption menée par les dirigeants en était la cause. Il ne s’était pas gêné  pour traiter les  bourgeoises de Samarie de grosses vaches. Il disait aux dirigeants   qu’en ignorant le petit peuple, ils pratiquaient une mauvaise politique et  attiraient  sur eux les foudres du Seigneur.

C’est là que le texte nous lance  un  défi : «  Va prêcher ailleurs, était-il enjoint  à Amos,  par le ministre des cultes».  Il semblerait donc que ce puissant personnage ne contestait pas ses accusations. Il disait simplement que ses sermons n’étaient pas pour eux. «  Va donc prêcher chez les gens du Sud », semblait-il lui dire, comme si Dieu avait établi au Nord un Royaume de privilégiés dont le bon droit était de profiter des bienfaits de la vie et qu’il avait réservé le Sud à une autre catégorie de citoyens.

Selon cette théologie, que j’appellerai la théologie du « bon droit », il relevait de la volonté de Dieu qu’il y ait une  différence entre les humains. Je me demande si une  telle théologie n’effleurerait pas encore aujourd’hui les conceptions  de certains ? Face à une telle position,  le discours d’Amos  parlait de justice, d’égalité et d’espérance. Il laissait entendre, par ailleurs que l’absence de respect de ces vertus aurait le désastre pour conséquence.

Dieu aurait-il une double attitude en fonction des humains qui se réclament de lui ? Serait-il un Dieu partial ? Une telle image de Dieu était conforme à l’idée d’un Dieu national telle qu’elle était en vigueur dans la plupart des pays à cette époque. Mais les prophètes tels Amos étaient déjà en train de  révéler une autre image de Dieu.

Pour justifier une telle théorie d’un Dieu attaché à la sauvegarde de la nation, et pour que la situation subsiste,  on lui offrait un culte très respectueux dans les sanctuaires nombreux du royaume du Nord. En commentant ces belles liturgies, Amos faisait entendre une autre  voix qui révélait un autre aspect de Dieu. (ch 5/v. 22ss) :

-       Quand vous me présentez des holocaustes et des offrandes, je n’y prends aucun plaisir.  Vos sacrifices de communion, je ne les regarde pas, Eloigne de moi le bruit de tes cantiques, je n’écoute pas le son de te luths…

 Sans doute ces paroles étaient-elles plus ou moins bien reçues,  mais on   considérait  qu’elles  n’étaient pas  pour eux. C’est pourquoi on le priait d’aller dire ces choses ailleurs.

Certes, quand on lit ces textes un peu vite sans les approfondir  on retient l’image d’un Dieu qui punit son peuple pour lui avoir rendu un culte sans conviction. Mais le problème n’était sans doute pas là, le Dieu dont Amos voulait être le témoin  était un Dieu qui ne faisait pas de distinction entre les humains et qui ne mettait pas sa puissance au service d’une catégorie d’individus. Il se voulait au service de l’humanité sans distinction. Déjà à l’époque  reculée de l’histoire d’Israël à l’époque des deux royaumes, cette idée de l’universalité de Dieu était-elle en train de prendre sa place dans les principes essentiels de la foi. C’est aujourd’hui ce principe connu sous les termes de  « aime ton prochain comme toi-même » qui est l’impératif phare de notre foi  et  que les hommes ont  encore tant de mal à respecter.

Ce principe a même dépassé les frontières de la religion, il est devenu une revendication  de l’humanité  et relève  aujourd’hui  du principe  au nom duquel se réclament les droits de l’homme  que l’on cherche continuellement à contourner. Comme quoi, dans le monde laïc où  nous prétendons vivre, c’est quand même Dieu qui impose sa loi.






























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