Jean 6/51-58 : le pain
descendu du ciel: dimanche 14 juin 2020
51 C'est moi qui suis le pain vivant
descendu du ciel. Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra pour toujours ;
et le pain que, moi, je donnerai, c'est ma chair, pour la vie du monde.
52 Les Juifs se querellaient entre
eux ; ils disaient : Comment celui-ci peut-il nous donner sa chair à
manger ?
53 Jésus leur dit : Amen, amen, je
vous le dis, si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'homme et si vous ne
buvez pas son sang, vous n'avez pas de vie en vous. 54 Celui qui mange ma chair
et qui boit mon sang a la vie éternelle, et moi, je le relèverai au dernier
jour. 55 Car ma chair est vraie nourriture, et mon sang est vraie boisson. 56
Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, comme moi en lui. 57
Comme le Père, qui est vivant, m'a envoyé, et comme moi, je vis par le Père,
ainsi celui qui me mange vivra par moi. 58 Voici le pain descendu du ciel. Il
n'est pas comme celui qu'ont mangé les pères : ils sont morts. Celui qui mange
ce pain vivra pour toujours.
Que nous faut-il aujourd’hui pour
vivre ? A une telle question l’homme moderne répond en formulant
quelques sigles qui n’ont de valeur que pour cette génération. Il va parler de
RSA ou de SMIG tout en sachant que ces sigles n’expriment qu’un minimum
que d’aucun juge insuffisant. Si on veut être plus précis, on dira encore que
pour vivre normalement il faut un logement décent, un emploi stable et
une voiture capable de transporter toute la famille, mais on dira peu de
choses quant à la nourriture. Dans l’antiquité on était plus prosaïque,
c’est en pain que l’on estimait le revenu acceptable pour une famille normale.
Il fallait avoir assez de pain chaque jour pour nourrir tous les membres de sa
famille. Les critères ne sont plus les mêmes.
Ainsi la valeur du pain ne sera pas la
même pour nos ancêtres de l’antiquité que pour nous. Si pour nous, la
notion de pain a une valeur symbolique, pour eux elle avait
une valeur vitale. Quand Jésus prononce le mot pain ce mot prend une résonance
bien réelle. Aujourd’hui, il faut s’appuyer sur d’autres valeurs, pour
parler de niveau de vie, on est obligé de parler de RSA. Mais les termes
utilisés dans l’antiquité étaient plus significatifs. Le mot pain était associé
au mot vie. Cela signifiait que la vie dépendait du pain. Sans
pain, on ne pouvait vivre. En s’identifiant au pain Jésus montre qu’il
s’associe à la nécessité vitale de chacun.
Selon notre manière actuelle de voir les
choses, quand on associe la notion de pain, à celle de vie, nous
avons tendance à spiritualiser les choses et à les associer au
corps sacramentel de Jésus, si bien qu’en donnant au pain une valeur
spirituelle il perd son sens de nécessité vitale immédiate pour
prendre une valeur sacrée. Il dépasse sa signification
matérielle pour devenir le pain de la cène. Il pend alors une
valeur toute spéciale, si bien que les théologiens en ont déduit
qu'il n’était pas destiné à tout le monde : on ne peut le
donner ni aux enfants trop jeunes qui ne comprennent pas encore, ni
aux non convertis, ni au non baptisés, le pain du ciel devient une chose
réservée aux initiés qui se réservent à leur tour le droit de le donner à qui
leur paraît assez digne pour le manger. C’est ainsi qu’on passe à côté, de ce que
Jésus avait l’intention de nous faire comprendre, car si le pain de vie est
pour lui vraiment porteur de vie, il est destiné à tout le monde et
il a une valeur immédiate afin que tous aient la même chance dans l’existence.
En s’identifiant au pain comme il le
fait Jésus veut dire que Dieu est aussi présent et aussi nécessaire que la
nourriture quotidienne. Dieu n’est pas une réalité mystique qui nécessite
une longue pratique ou un long enseignement pour s’approcher de lui. Dieu
est aussi facile à approcher qu’un morceau de pain et sa présence
est aussi nécessaire à la vie que le plus modeste élément de nourriture.
C’est dans ce sens que Jésus espère être compris. Chacun doit trouver en
lui une réalité qui pourra lui permettre de valoriser sa vie Nous avons à
la fois besoin d’éléments matériels comme la nourriture pour vivre et
nous avons en même temps besoin d’éléments spirituels comme la présence
de Dieu.
Comme notre corps a besoin d’éléments
extérieurs à lui-même pour se nourrir et vivre, de même notre être spirituel a
besoin d’éléments extérieurs à lui-même pour se nourrir et vivre. Mais curieusement, nous ne semblons pas en être
persuadés. Nos contemporains ont pour la plupart d’entre eux l’impression
qu’ils se suffisent à eux-mêmes sur le plan spirituel. Beaucoup estiment
qu’il leur suffit de penser par eux-mêmes, ou de s’intéresser à l’art ou à la
philosophie pour avoir une vie spirituelle. Ils estiment qu’ils sont eux-mêmes
producteurs de leur nourriture spirituelle et maîtres de leur propre
salut, à supposer que dans ce contexte la notion de salut ait une valeur
quelconque.
Mais comme pour la nourriture
matérielle, l’homme ne peut se suffire à lui-même, il faut que sa vie
spirituelle soit alimentée par quelque chose qui lui vienne d’ailleurs,
qui lui soit extérieure. En raison de cette logique il paraît impossible
d’avoir une vie spirituelle sans Dieu.
En fait je ne pense pas que ça se passe
ainsi ! Nous absorbons des nourritures matérielles pour vivre sans
vraiment nous en rendre compte puisque, comme nous l’avons vu tout à
l’heure, nos critères d’existence ne sont plus liés à la nourriture, mais
plutôt au confort, de même la vie spirituelle se nourrit elle aussi de
tous les apports extérieurs dont elle a besoin, sans que nous prenions le temps
de nous interroger sur leur origine. Nous ne prenons pas le temps de repérer
la présence de Dieu dans tout ce qui fait vibrer notre vie intérieure,
pourtant, sans que nous nous en rendions compte, Dieu est présent en nous.
Il est donc nécessaire que nous marquions
une pause pour réfléchir à la manière dont nous vivons. La présence de
Dieu ne devient vraiment efficace pour nous que si nous en prenons conscience.
Il nous faut donc chercher à repérer les traces de Dieu dans notre vie, mais la
plupart des hommes le cherchent dans l’irrationnel et dans le merveilleux.
Aujourd'hui se sont les
courants religieux qui parlent d'irrationnel et qui recherchent le merveilleux
qui ont la faveur des masses. Cependant, comme l’irrationnel et le
merveilleux nous échappent et finissent bien souvent par
trouver une explication on finit par être déconnecté de la réalité
et à douter de Dieu.
Nous demandons à Dieu de se
manifester dans des actions où nous ne croyons pas vraiment qu’il puisse agir.
Nous voudrions qu’il intervienne sur la météo, qu'il supprime les sécheresse ou
les inondations, qu’il supprime le mal et impose la justice, qu’il n’y aient
plus de catastrophes naturelles, et qu'il n'y aient plus de guerres et que la covid 19 n’ait plus d’emprise sur nous. En raisonnant ainsi, nous n’entrons pas
dans la logique de Dieu.
En effet, si nous pensons que Dieu
est à l’origine du monde, pourquoi changerait-il les modes de
fonctionnement qu’il aurait mis lui-même en place ? S’il en est
ainsi, nos questions n’ont pas beaucoup de pertinence en face d’un Dieu que
nous estimons tout puissant et créateur et auquel nous ne cesserions de
contester les défauts de sa toute puissance et de lui demander de corriger
continuellement sa création. Ce n’est pas non plus parce que la
science n’apporte pas de réponses à nos questions qu’il faut en conclure à
l’absence de Dieu !
Si ces préoccupations ne nous apportent
pas de réponses, d’autres questions se posent alors à nous : Pourquoi
éprouvons-nous des émotions ? Pourquoi l’amour ?
Pourquoi les passions ? Toutes aussi irrationnelles, ces sensations ne
sont possibles que parce qu’elles nous viennent d’ailleurs. Nous ne
pouvons pas aimer sans un vis à vis, car c’est bien de l’extérieur de
nous mêmes que vient ce sentiment. Le problème c’est que nous cherchons
Dieu ailleurs que là où il se manifeste et que nous ne savons pas le repérer
quand il agit au fond de nous-mêmes.
Si donc Dieu vient se manifester en nous
et qu’il a un lien évident avec nos émotions, sans que nous ne nous
en apercevions, s’il pilote les pulsions de vie qui font vibrer notre âme, s’il
nourrit notre esprit sans que nous le sachions, qu’adviendra-t-il de nous
quand nous le découvrions vraiment ? Quelle qualité de vie
aurons-nous alors si nous découvrons que Dieu est à l’œuvre en nous ?
Face à un tel questionnement, Jésus nous
apprend alors qu’il suffit de regarder en nous-mêmes pour voir Dieu
agir. C’est alors que nous accepterons de savourer ce qui se passe dans notre
existence, et que nous découvrirons avec joie ce qu’il nous donne. Son
esprit qui ne cesse de nous visiter deviendra vraiment efficace en nous.
Ainsi nourris par lui, nous nous surprendrons nous-mêmes à faire les actes que,
en d’autres temps nous lui demanderions de faire, si bien que c’est nous
qui accompliront les miracles que nous attendions de lui pour
croire !
C’est parce que nous sommes habités
par son esprit que nous devenons meilleurs, altruistes, généreux. Grâce à ces
qualités que Dieu améliore en nous par sa présence, le monde se met à
évoluer d’une autre manière et l’on rencontre alors des Mère Thérésa, des
Henri Dunan des Albert Schweitzer, des Martin Luther King, des Nelson Mandela
qui chacun, là où il est, transforme le monde et agit au cœur de
l’égoïsme des peuples pour faire jaillir l’espérance.
Illustrations Bernard Frackowiak :" le vieil homme et le pain"
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