mercredi 11 février 2009

L'homme a-t-il créé Dieu? Genèse 9/8-17 dimanche 1 mars 2009

Genèse 9:8-17

9 8 Dieu dit alors à Noé et à ses fils : 9 « Je vous fais une promesse p , ainsi qu'à vos descendants 10 et à tout ce qui vit autour de vous : oiseaux, animaux domestiques ou sauvages, ceux qui sont sortis de l'arche et tous ceux qui vivront à l'avenir sur la terre. 11 Voici à quoi je m'engage : Jamais plus la grande inondation ne supprimera la vie sur terre ; il n'y aura plus de grande inondation pour ravager la terre. » 12 Et Dieu ajouta : « Voici le signe que je m'y engage envers vous et envers tout être vivant, aussi longtemps qu'il y aura des hommes : 13 Je place mon arc dans les nuages ; il sera un signe qui rappellera l'engagement que j'ai pris à l'égard de la terre. 14 Chaque fois que j'accumulerai des nuages au-dessus de la terre et que l'arc-en-ciel apparaîtra, 15 je penserai à l'engagement que j'ai pris envers vous et envers toutes les espèces d'animaux : il n'y aura jamais plus de grande inondation pour anéantir la vie. 16 Je verrai paraître l'arc-en-ciel, et je penserai à l'engagement éternel que j'ai pris à l'égard de toutes les espèces vivantes de la terre. » 17 Et Dieu le répéta à Noé : « L'arc-en-ciel est le signe de l'engagement que j'ai pris à l'égard de tous les êtres qui vivent sur la terre. »





L’Alliance de Dieu avec Noé

Genèse 9/ 8-17


La Bible nous dit que Dieu a fait l’homme à son image. Les philosophes qui critiquent la religion disent exactement le contraire, selon eux c’est l’homme qui aurait créé Dieu à la dimension de ses désirs. Bien que cette deuxième affirmation ne me gène pas personnellement, on va cependant s'apercevoir que beaucoup de choses ne collent pas avec l’image de Dieu telle que nous la donne la Bible. Nous allons plutôt découvrir que le Dieu des Ecritures n’est pas la somme des désirs que nous projetterions sur lui, au contraire, il est insaisissable et cependant tout proche, il est tout autre, et il est ailleurs que là où nous le plaçons.

A partir du récit de l’histoire de Noé, nous allons essayer de découvrir un des aspects que la Bible nous donne de Dieu. Nous découvrons qu'il est soucieux du drame qui vient de se produire. Le qualificatif de « soucieux » ne fait pas habituellement partie des attributs de Dieu ! Un tsunami vient de se produire et l’humanité tout entière a été menacée. Nous découvrons que dans ce drame, Dieu a joué double jeu. Il s’est mis en position contradictoire par rapport à lui-même. Il a provoqué la catastrophe et il est en même temps intervenu pour que le drame ne soit pas total.

Nous découvrons là l'aspect insaisissable de la personnalité de Dieu, il met lui-même en cause sa toute puissance en laissant ses sentiments de générosité prendre le dessus. Pourtant c'est sa propre colère qui est sensée être à l’origine du drame. Il s’est mis en colère quand il a réalisé que les hommes lui ont échappé et qu’il ne les contrôle plus. Est-ce d’ailleurs de la colère ou du dépit ? Il n’a pas supporté que leur liberté les pousse à se détourner de lui. Il faut bien dire que ces sentiments ne valorisent pas l’image que l’on se fait de Dieu.

Dieu est partagé par un double sentiment. Il veut sauvegarder sa toute puissance et en même temps donner droit à sa générosité. Il coupe la poire en deux, il décide de conserver le meilleur spécimen de l’espèce humaine pour essayer de tout recommencer. C’est un défi qu’il se pose à lui-même autant qu’à l’humanité. Il fait le pari que l’humanité n’est pas aussi déchue qu’il l’a constaté. Si c’est le cas, il est prêt à reconnaître qu’il se serait trompé. Si le défit est relevé l’humanité sera sauvée et la Seigneurie de Dieu sera préservée, mais au prix d'une énorme concession. Nous découvrons ici, un Dieu inquiet enclin aux concessions. Cela vaut le coup qu'on y réfléchisse. En effet le lecteur un peu critique pourrait être amené à ne plus faire confiance en un tel Dieu ! C'est pourtant sous cet aspect de faiblesse que nous allons découvrir sa vérité.

La suite du récit nous présente la mise en place de cette nouvelle situation, Dieu va établir de nouvelles règles pour permettre à l’humanité de s’accomplir. Chose étrange, il s’impose à lui-même des contraintes, car l’arc qui va s’allumer dans la nue n’a pas d’autre but que de l’avertir, lui Dieu que la situation qui se présente l’invite à la patience et non à la colère. L’arc devient un régulateur de l’humeur de Dieu.

Je m’émerveille de découvrir que ce texte éclaire comme un phare puissant tout le reste de l’Ecriture. C’est cet aspect de Dieu compatissant, lent à la colère, inquiet de voir l’homme se perdre et toujours soucieux d’inventer une nouvelle solution pour sauver l’homme qui domine. Dieu s’engage à garantir la liberté de l’homme, et en même temps il suscite des moyens opportuns que l’homme doit saisir pour s’en sortir, mais il reste libre de ne pas le faire. Dieu n’intervient donc pas dans les événements du monde. Il se laisse percevoir comme celui qui ayant donné les règles de vie aux hommes se donne pour tâche de les accompagner dans leurs projets et de les inspirer sans intervenir.

Si certains hommes s’interrogent sur le sens de leur destiné, qu’ils s’interrogent donc sur le comportement de Dieu tel qu’on le perçoit au travers de ce récit de Noé. A son contact, ils découvriront qu’ils ont sans doute une tâche à accomplir en tant qu’êtres humains, mais ils découvriront aussi qu'ils n’ont pas à empiéter sur le domaine du divin. La liberté de l’un cessant là où commence celle de l’autre. Et si l’humanité dépasse les limites, si les hommes décident de régenter le monde à leur guise, Dieu en sera contrarié, mais n’interviendra cependant pas. Le garde fou que représente l’arc dans le ciel est un frein que Dieu se donne à lui-même pour ne pas intervenir contre les hommes quand ils se prennent pour Dieu.

Les humains ne cesseront cependant de se prendre pour Dieu, à commencer par la suite de ce chapitre. Comment s’en sortir ? Nous avons ici comme un renversement des valeurs qui vont devenir la règle pour ce qui concerne Dieu. Il est tendresse et délicatesse, il n’hésite pas à se mettre personnellement en cause, il va se donner à lui-même les attributs qui caractérisent les humains, et il espère que c’est cette image de Dieu qu’ils reproduiront dans leurs actions. Las, nous savons que les hommes feront tout le contraire, ils chercheront à s’approprier l’image du Dieu tout- puissant et ils se croiront tout-puissants à leur tour, si bien que c’est cette image là qu’ils projetteront sur Dieu, et que c’est cette image là que Dieu contestera dans celle qu’il nous donne de lui en Jésus Christ.

Mais l’homme ne peut pas prendre la place de Dieu, c’est contraire à sa nature, et pourtant il croit pouvoir le faire. L’homme sait qu’il est limité et qu’il n’est pas Dieu, mais il lui arrive de devenir fou et de ne plus savoir qui il est vraiment. Cependant, si nous accordons une valeur à l’Ecriture c’est à dire ces textes que nous considérons comme la Parole de Dieu ils doivent devenir notre guide et nous aider à ne pas enfreindre les limites qui sont réservées à l’humanité.

Cela veut dire que nous leur conférons une autorité sur nous et nous reconnaissons en eux l’expression de la volonté de Dieu pour nous, quelle que soit l’histoire de ces textes et quelle que soit la manière dont ils sont parvenus jusqu’à nous, même s’ils appartiennent à une autre littérature que la littérature biblique. Ils représentent cependant une alliance de sagesse avec Dieu. En les lisant, nous les recevons comme une exhortation à rester dans notre rôle d’humain sans empiéter sur les fonctions de Dieu.

J'en reviens alors à ma remarque du début de mon propos. Il m'importe peu que ce soit Dieu qui ait créé l’homme ou le contraire, ce qui importe, c’est qu’en acceptant les textes fondateurs, nous acceptions en tant qu’humains, d’être guidés par des valeurs universelles qui nous dépassent quant à leur origine. C’est alors qu’en toute cohérence nous reconnaissons qu’elles ne peuvent avoir leur origine qu’en Dieu.

Que l’on tourne alors seulement une page de la Bible, que l’on se donne la peine de lire les lignes qui suivent le récit du déluge, et on découvrira que l’homme imbu de sa liberté s’empare de ce pouvoir qui le dépasse. A peine cette alliance de coopération et de sagesse est-elle conclue avec Dieu que l'homme la transgresse. Il se prend pour Dieu.



N'y arrivant pas Noé, le sage Noé, choisi entre tous pour préserver l’humanité transgresse toutes les règles et perd le contrôle de lui-même. Il donne dans tous les débordements possibles, l’abus d’alcool lui fait perdre la raison et il succombe à l’inceste (1)… tout est à recommencer. L’homme ne peut devenir libre sans être guidé.

Qui d’autre que Dieu pourrait le guider ? Dieu renonce à sa toute puissance qui faisait de lui un juge lointain, et il se convertit au rôle d’accompagnateur de l’humanité. C’est cette découverte que chacun doit faire pour devenir libre et responsable. L’histoire de Noé lui apprend qu’il ne peut y parvenir par lui-même. Il faut qu’il soit guidé par celui qui se tient tout, près de lui, et qui n’est pas lui.

En nous appuyant sur nos propres expériences nous constatons que nous ne savons pas vraiment nous situer, nous ne savons pas repérer les limites entre le bien et le mal, nous ne savons pas maîtriser les forces qui nous poussent à dépasser les limites du domaine propre à l’humanité. Ce constat ne peut se faire qu’en découvrant Dieu sous les traits que ce texte lui donne. Il n’est pas un être d’autorité qui domine et contraint mais une réalité de douceur et d’abnégation. Douceur vis à vis des autres et abnégation vis à vis de soi-même. Ces qualités se résument en un seul mot : celui d’amour. Homme et Dieu se trouvent désormais partenaires d’un même projet dont le seul instrument pour le mener à bien est le même pour l’un comme pour l’autre : c’est le verbe aimer. Pour y arriver, Dieu attend patiemment que les hommes le reconnaissent. Il ne force personne, mais avec douceur il attend.

C’est alors une nouvelle étape qui se prépare pour nous. Dieu nous apprend à conjuguer le verbe aimer à tous les temps et à tous les modes. Il nous apprend toutes les nuances du mot. Eros ou Agapè signifient tous les deux aimer de deux manières différentes mais qui excluent l’un et l’autre l’idée de dominer. Déjà à l’ombre de Noé et malgré sa terrible rechute, nous voyons se profiler entre nous et le divin la personne de Jésus que l’Evangile rend tellement vivant qu’il se met à vivre en nous. Il dépasse alors les limites du temps et de l’espace. Sa vie, ses paroles, sa mort et sa résurrection deviennent pour nous autant d’événements qui rendent Dieu présent. En sa compagnie nous nous sentons libres et responsables d'agir, si bien qu'aucune crainte, aucune angoisse, ne peut limiter notre espérance quand nous parcourons notre vie d'homme en sa compagnie.

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Il existe une concrétion rocheuse sur le petit mont Ararat en Turquie qui rappelle la forme d'un bâteau. Y a-t-il un rapport entre l'histoire biblique et cette forme rocheuse?

(1) La scène qui nous est racontée concerne le plus jeune de ses fils. Elle peut être en effet interprétée comme un comportement pervers de la sexualité… Mais la perversion engendre la perversion. On n’oubliera pas alors que ce récit est un des textes fondateurs de l’apartheid, la malédiction de Cham entraînant, selon la lecture fondamentaliste des théologiens de cette doctrine la malédiction des peuples noirs. Il y aurait longuement à méditer sur la manière d’utiliser les textes bibliques et d'en tordre le sens pour qu’ils justifient les thèses les plus contraires à l ‘amour divin.

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