lundi 6 avril 2009

Qui est responsable du désordre dans le monde? Luc 24/35-48 pour dimanche 26 avril 2009

Luc 24/35-48

Jésus apparaît à ses disciples


36Comme ils disaient cela, lui-même se présenta au milieu d'eux et leur dit : Que la paix soit avec vous ! 37Saisis de frayeur et de crainte, ils pensaient voir un esprit. 38Mais il leur dit : Pourquoi êtes-vous troublés ? Pourquoi des doutes vous viennent-ils ? 39Regardez mes mains et mes pieds, c'est bien moi ; palpez-moi et regardez ; un esprit n'a ni chair ni os, comme vous voyez que j'en ai. 40Et en disant cela, il leur montra ses mains et ses pieds. 41Comme, dans leur joie, ils ne croyaient pas encore et qu'ils s'étonnaient, il leur dit : Avez-vous ici quelque chose à manger ? 42Ils lui présentèrent un morceau de poisson grillé ( et un rayon de miel ). 43Il le prit et le mangea devant eux.



44Puis il leur dit : C'est là ce que je vous disais lorsque j'étais encore avec vous ; il fallait que s'accomplisse tout ce qui est écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, dans les Prophètes et dans les Psaumes. 45Alors il leur ouvrit l'intelligence pour comprendre les Ecritures. 46Et il leur dit : Ainsi il est écrit que le Christ souffrirait, qu'il se relèverait d'entre les morts le troisième jour 47et que le changement radical, pour le pardon des péchés, serait proclamé en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. 48Vous en êtes témoins. 49Moi, j'envoie sur vous ce que mon Père a promis ; vous, restez dans la ville, jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la puissance d'en haut.

Qui est responsable du désordre dans le monde ? Est-ce l’homme qui à l’origine des temps se serait opposé à Dieu ou est-ce Dieu lui-même qui aurait mal géré sa propre maison et aurait laissé les anges se révolter contre son autocratie ? Ou encore, est- ce que le monde n’obéit à aucune loi, et que Dieu, venu d’ailleurs, essayerait tant bien que mal d’y pénétrer pour l’amener à un peu plus de sagesse ? Les théories s’affrontent et une fois encore on nous joue la querelle des anciens et des modernes. Chacun, ballotté entre différents courants de pensée, ne sait pas toujours auquel se rallier. Si même pour des raisons de commodité, on en arrivait à nier la réalité de Dieu, cela ne changerait rien au problème, car, à n’en pas douter, le monde continuerait à dysfonctionner.

On explique cette incompréhension des choses qui dure depuis toujours en, imaginant un conflit latent entre Dieu et l’humanité. Pour ce qui le concerne Dieu, selon la théologie chrétienne, y a mis un terme à Pâques. Mais malgré tout, beaucoup d’humains ont encore du mal à comprendre en quoi l’événement de Pâques apporte une solution.


Mieux, on en a rajouté ! Notre esprit inquisiteur nous entraîne à nous poser des questions qui ne font que rendre les choses plus compliquées : Pourquoi a-t-il fallu que Jésus meure, se demande-t-on? Dieu n’aurait-il pas pu faire autrement ? Si Dieu n’est pas intervenu pour que ça ne tourne pas à la catastrophe c’est qu il ne l’a pas voulu disent les uns ? C’est qu’il n’a pas pu suggèrent les autres. Il ne serait donc pas aussi puissant qu’on le dit en rajoutent d’autres encore! Ainsi s’égrainent les questions comme la litanie d’un chapelet sans fin qui nous fatigue ou nous agace tout en confirmant l'hypothèse d'un conflit permanent avec Dieu!



Pourtant si nous nous donnons la peine de chercher, nous devrions trouver la réponse dans les Ecritures. Le texte de ce jour devrait nous aider à trouver une réponse. Il nous raconte une apparition inhabituelle du ressuscité , encore plus difficile à croire que les autres. Que Jésus apparaisse à l’improviste, soit ! Qu’il montre ses plaies soit ! Mais qu’il mange, et que ce soit du poisson, cela dépasse l’entendement ! S’il avait mangé du pain, on aurait pu penser que l’évangéliste qui rapporte cet épisode faisait allusion au dernier repas, à la sainte Cène. Dans ce cas nous aurions été invités à spiritualiser l’événement si bien que ce récit aurait fait partie à la fois du domaine du réel et du domaine du spirituel, comme on le trouve dans les autres récits d’apparition. Mais manger du poisson, voilà qui nous déroute !

Puisqu’il est dans notre nature humaine de douter et de poser des questions, continuons l’exercice. L’apparition qui nous est rapportée pose un vrai problème, étant donné qu’elle se déroule à Jérusalem et que la ville est beaucoup trop loin du lac pour qu’on puisse y consommer du poisson. Si encore ce poisson était séché, on aurait pu comprendre qu’on l’ait en stock, mais il était grillé, comme il est dit ici, c’est dire qu’il était encore frais quelques heures au paravent. Impossible ! Alors, serait-ce un poisson spirituel ? Non bien sûr !



Il semblerait plutôt que cette mention du poisson a été faite ici pour aider l’auteur, l’évangéliste Luc, à répondre à une question qui est elle-même posée par le texte : Etait-ce un fantôme ? Non il n’était pas un fantôme puisqu’il mange la même nourriture que nous. C’est cela que suggère le texte. Mais Luc qui raconte cela ne connaît pas la Judée, ni la Galilée. C’est un grec qui n’est jamais venu en Palestine. Il fait alors état d’un aliment qu’il croyait être un aliment de base dans toute la Palestine : le poissons, c’est raté. Pour faire plus vraie encore, certains manuscrits rajoutent qu’il a mangé aussi un rayon de miel ! Avez-vous déjà mangé du poisson avec du miel ? Nous comprenons aisément que ce n’est pas ce détail qui est important. Ce détail a été rajouté pour faire plus vrai mais n'a pas forcément de fondement historique. Ce qui est important, c’est que le ressuscité soit bien vivant pour ceux qui sont présents, même s’ils ne savent pas ce qui caractérise sa nouvelle vie.



La présence de Jésus vivant au milieu des hommes signifie que Dieu n'a plus rien à voir avec les forces du mal. Le conflit avec Dieu devrait donc être terminé. Pourtant il n'en est rien car la mort de Jésus ne semble pas vraiment résoudre le problème, au contraire, elle le complique. Certains s’en servent même pour rallumer le conflit. Alors comment y voir plus clair ?



Jésus ici renvoie aux Ecritures, il parle de sa propre souffrance, de la nécessité de la conversion et du pardon, tout cela dans la même phrase. C’est la souffrance qu’il mentionne en premier. La souffrance est en fait le thème majeur des Ecritures. Dieu depuis toujours se propose d’aider les hommes à se libérer des souffrances qui les accablent. L’événement le plus connu, rapporté par les Ecritures, est l’histoire de la sortie d’Egypte qui est un thème récurrent dans la littérature prophétique. A la suite de ce récit, il nous est aisé de constater que la plupart des humains sont accablés de maux de toutes sortes, la soif, la faim et la maladie qui mène à la mort, mais aussi l’oppression des faibles par les puissants. Pour confirmer que le premier souci de Dieu est bien de les en libérer, les Evangiles s’attachent à montrer que c’est également dans ces deux domaines : la souffrance causée par le destin et la souffrance causée par les autres hommes que Jésus a concentré ses efforts. Ecoutez-le dans les béatitudes: "Heureux ceux qui pleurent, ils seront consoléés...Heureux ceux qui ont faim et soif de justice..."



Pourtant la plupart du temps les hommes l’entendent d’une autre oreille. Quand les difficultés surviennent et que la maladie les accable ils se culpabilisent et se demandent en quoi ils sont responsables de leur situation : « qu ‘ai-je pu faire pour que cela m’arrive ! Je n’ai pourtant pas mérité cela ! »



Pire, ils ont considéré pendant longtemps que leurs malheurs venaient de Dieu. Ils ont été jusqu’à penser qu’il les leur envoyait en représailles de leurs fautes connues ou pas. C’est d’ailleurs à cause de ce sentiment de culpabilité que les religions se sont organisées. En raisons d’une tradition solidement établie, Dieu voudrait que les hommes ressemblent tous au modèle qu'il aurait préétabli à l'avance et se soumettent sans discuter à sa divine volonté. Ils ont fait de Dieu, et c’est encore le cas pour beaucoup aujourd’hui, un autocrate divin exigeant des hommes qu’ils respectent les rites qu’il aurait établis à l’avance. Tout se passe comme si Dieu ne pouvait lui-même exister que si les hommes se soumettaient à ses règles et qu’ils se conformaient aux rites établis par lui et suivaient à la lettre les lois de sa morale divine.



Jésus une fois pour toutes a inversé l’ordre des choses. Son Evangile a clairement établi que Dieu était dans le même camp que les hommes et menait le même combat qu’eux pour se libérer de toutes les formes d'oppression. Il les accompagne dans toutes lleurs adversités et jamais il ne laissera sa main s’appesantir sur les hommes même s’il se sent personnellement offensé.


Cette idée selon laquelle Dieu se manifesterait sous les traits d’un père compatissant traverse l’Ecriture de part en part, mais elle n’est pas la seule. Il y a aussi dans la Bible des courants contradictoires qui présentent Dieu sous les traits d’un despote autoritaire. Jésus quant à lui a fait un choix très net. Il conteste vigoureusement cette vision des choses, c'est pourquoi il s’est vigoureusement opposé à la représentation d’un Dieu, jaloux de ses lois et de ses traditions telles que les scribes et les prêtres cherchaient à les imposer. En voyant Jésus s’en prendre aux sacrifices, les sadducéens percevaient en lui, celui qui s’attaquait à la tradition qui les faisait vivre. Quand Jésus se permettait d’interpréter la Loi sur laquelle ils fondaient leur autorité, les pharisiens, à leur tour, voyaient en lui un ennemi.

Dans ce contexte, la mort de Jésus était assurée. Après sa mort, ceux qui avaient cru en lui se rallièrent à son interprétation des Ecritures, ils se convertirent à l’idée que Dieu se battait contre tout ce qui opprimait les hommes et faisaient obstacle à la vie.

Ainsi, la résurrection de Jésus ne prend vraiment sa valeur pour chacun de nous qu’à partir du moment où il accepte le portrait de Dieu tel que le présentait Jésus : un Père bienveillant qui met tout en œuvre pour que les hommes ne souffrent plus et pour que la justice soit la règle de comportement pour tous les humains. Le pardon de Dieu deviendrait alors la règle de la foi et enjoindrait chacun à rejoindre Jésus pour lutter contre le mal sous toutes ses formes et promouvoir la vie.


La foi en la résurrection donne aujourd’hui, et plus que jamais, à ceux qui croient, la joie de participer dès maintenant à la construction d’un monde qui fait de l’espérance la règle de la vie et qui fait de l’audace le moteur de tout ce que les humains entreprennent pour que les choses aillent mieux. C’est cette attitude qui doit se généraliser dans les églises. Elles doivent chaque jour redécouvrir que leur mission leur est toute tracée par celui qui, ressuscité des morts, les conduit sur les chemins du monde pour maintenir dans une espérance de vie toutes celles et tous ceux qui sont menacés.

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