samedi 27 juin 2009

Comment rencontrer ce Dieu qui se cache? Marc 6/30-34 dimanche 19 juillet


30 Rassemblés auprès de Jésus, les apôtres lui racontèrent tout ce qu'ils avaient fait et tout ce qu'ils avaient enseigné. 31 Il leur dit : Venez à l'écart, dans un lieu désert, et reposez-vous un peu. Car beaucoup venaient et repartaient, et ils n'avaient pas même le temps de manger.
32 Ils partirent donc dans le bateau pour aller à l'écart, dans un lieu désert. 33 Beaucoup les virent s'en aller et les reconnurent ; de toutes les villes, à pied, on accourut et on les devança.
34 Quand il descendit du bateau, il vit une grande foule ; il en fut ému, parce qu'ils étaient comme des moutons qui n'ont pas de berger ; et il se mit à leur enseigner quantité de choses.

A peine quelques générations en arrière, et Dieu était encore très présent dans ce monde, à tel point qu’il était difficile de ne pas croire en lui. C’est lui qui tenait les rennes du pouvoir. C’est sous son autorité qu’étaient placés les rois et les reines à qui le sacre conférait le droit divin. Dieu, omniprésent avait un clergé nombreux et dévoué à son service, et ses plus fidèles serviteurs ont amassé des fortunes en son nom pour lui ériger des basiliques et des sanctuaires qui font encore notre fierté nationale. Ils ont aussi acquis à sa foi les habitants du nouveau monde que l’on convertissait de force pour sauver leur âme.

Depuis peu l’étoile de Dieu a pali sous les coups conjugués des philosophes et des découvertes de la science. Les révolutions lui ont contesté tout pouvoir sur les dirigeants et Dieu s’est trouvé relégué dans les sphères privées de la culture qui a fait de la notion même de Dieu une idée intéressante parmi tant d’autres, mais rien d’autre.

Nous sommes aujourd’hui dans un monde laïc qui autorise tous les cultes et n’en reconnaît aucun, si bien que la croyance en Dieu est, elle aussi devenue, plus aléatoire. Dieu a perdu de sa superbe et les cathédrales qui lui furent érigées jadis rassemblent plus les foules pour écouter des concerts que pour la célébration de la divine liturgie. Et pourtant, Dieu n’y a rien perdu.

Jadis l’omniprésence de Dieu servait surtout à manifester la gloire des humains, car ce sont les femmes et les hommes que l’on glorifiait quand on lui rendait hommage. Les uniformes chatoyants et les chasubles cousues de fils d’or que l’on portait dans les processions n’avaient pour seul but que de donner encore plus d’éclats aux humains qui les portaient.

Les musiques qui rythmaient les grandes messes célébrées à la gloire de Dieu ne servaient qu’à rendre plus célèbres les compositeurs qui les écrivaient et les musiciens qui les célébraient n’en déplaise à Jean Sébastien Bach, le protestant, ou à Mozart, le catholique. La beauté des œuvres destinées à louanger la grandeur du Seigneur se limitait le plus souvent à charmer les oreilles de ceux qui les écoutaient.

Mais Dieu lui-même, que les hommes cachait derrière tous ses artifices y trouvait-il son compte ? Qui était-il en vérité ? Quelle théologie se dissimulait derrière cette gloire si apparente ? Elle donnait lieu à des rivalités religieuses qui parfois ont débouché sur des guerres et des persécutions. Elles étaient plus liées à des soucis d’influence politique des gens au pouvoir qu’à des approfondissements de la fo en Dieu, sans quoi le sang n’aurait jamais coulé.

Plutôt que de cacher leur vanité derrière Dieu, les humains préfèrent aujourd’hui s’affronter à visage découvert, c’est plus honorable pour l’homme, mais c’est catastrophique pour Dieu. Il semble avoir été complètement oublié et a été assigné à la discrétion sous peine de disparition. Ce rôle lui convient beaucoup mieux cependant, car il en sort grandi. Il n’est plus le faire valoir des humains, et ceux qui le cherchent vraiment, le cherchent pour édifier leur âme et non pour se glorifier eux-mêmes. Ce Dieu qui semble avoir été le grand perdant dans cette affaire est aujourd’hui celui qui se fait désirer, et c’est lui que les humains cherchent à rencontrer.

Ce sont les hommes qui aujourd’hui sont à la recherche de Dieu. Ils savent qu’ils ne le trouveront pas dans les grandes solennités du moment, c’est pourquoi ils espèrent le trouver dans l’intimité de leur cœur, au détour de leurs prières ou dans le silence de leurs méditations. Ils cherchent aussi des signes plus évidents de sa présence dans les actions généreuses que peuvent entreprendre les hommes et les femmes de ce temps. Ils aspirent à voir les croyants donner par leurs comportements des signes évidents de la présence de Dieu dans leurs rangs. Certains ont le plaisir de voir leurs espérances comblées et ils sont désormais persuadés que Dieu agit par les mains des hommes.

Il est temps maintenant de reprendre à notre compte ce fragment d’Evangile qui est à l’origine de notre méditation et qui alimente notre perplexité. Il nous met en présence des apôtres qui sont heureux d’avoir accompli la tâche qui leur avait été assignée. Rassemblés autour de Jésus pour se ressourcer, ils se sentent mis par lui à l’écart. Il ne se passe rien de ce qu’ils espéraient. Ont-il bien ou mal agi, ils ne le savent pas ? Ils espéraient que le maître leur manifesterait un intérêt appuyé, mais rien ! Rien qui soit assez significatif pour qu’ils sachent s’il est satisfait. Jésus agissait pour eux au nom de Dieu, et voilà qu’à cet instant Dieu était absent. Amère désillusion.

Nous souffrons tous dans ce monde de l’absence de Dieu. Jadis quand on avait l’illusion qu’il était présent dans le monde, les hommes pouvaient penser, que trop occupé par le souci des pauvres, Dieu n’avait pas le temps de s’occuper des simples croyants sans histoire. Aujourd’hui, alors qu’il nous est présenté comme un Dieu personnel qui se révèle dans notre intimité, nous avons carrément l’impression qu’il est définitivement absent. Nous pouvons passer des vies entières sans déceler en nous des signes de sa présence. Il nous arrive, ô combien de fois, de sortir du temple comme nous y sommes entrés en considérant que si Dieu s’y est manifesté, c’est auprès des autres qu’il l’a fait et si Dieu a parlé, ce sont les autres qui l’ont entendu.

Comment alors savoir si Dieu est présent dans notre vie, comment l’entendre s’il nous parle vraiment ? Jadis, une prière de l’Eglise Réformée disait : « si tu appelles Dieu et qu’il n’entend pas , appelle plus fort encore ». La parabole de la veuve importune nous rappelle aussi que Dieu n’est pas sourd mais que nous devons être persévérants dans la prière (Luc 18/3).

Pourtant le texte de ce jour semble nous indiquer une autre voie. Nous sommes mis en présence des apôtres qui se reposent à distance et qui regardent ce qui se passe.
Jésus parle d’une manière intarissable et rien ne semble devoir l’arrêter, pas même le temps qui tourne et la faim qui tenaille. Ils ont l’impression que tout cela va mal finir et que si Jésus se propose d’être le bon berger de cette foule, il risque, dans quelques instant d’être perçu comme le mauvais berger. Leur sollicitation prend alors la forme du reproche, comme si Jésus ne savait pas apprécier la situation dans l’instant. De même, quand le péril menace, nous sommes enclins à reprocher à Dieu de ne pas se manifester. Nous le rendons responsables des troubles du monde, ou plus exactement nous avons l’impression qu’il ne s’en émeut pas. Malgré notre foi, nous avons l’impression, encore une fois, d’être dans un monde sans Dieu.

La réponse de Jésus tombe comme un couperet : « donnez-leur vous-mêmes à manger !
- Ont-ils bien entendu ? Ils n’ont pas d’argent, pas de provisions, ils ne sont pas disponibles, ils ne peuvent pas entendre, ou alors ils ne veulent pas entendre. La réponse à notre question est là : Dieu parle, mais nous ne savons pas entendre, ou nous ne voulons pas entendre.

La présence de Dieu parmi nous ou dans le monde est liée à notre manière d’entendre Dieu et de le comprendre. Dieu a des projets, il souhaite mener à bien toutes sortes d’entreprises qui seraient révélatrices de sa présence ici-bas, mais il a besoin que nous l’entendions formuler ses projets, car c’est par nos mains et notre bonne volonté qu’il les réalisera. Bien souvent quand nous nous adressons à lui, nous agissons comme si nous criions très fort en mobilisant le monde entier, et en même temps que nous nous bouchions les oreilles pour ne pas entendre.

C’est cela notre monde ! Un monde qui prétend chercher Dieu, mais qui redoute de l’entendre. Jadis, la beauté des solennités pour honorer Dieu cachait Dieu aux regards des hommes, la beauté des musiques qui le célébraient rendait sourds à sa voix ceux qui les écoutaient et aujourd’hui, nous éprouvons un certain confort intellectuel en nous cachant derrière la laïcité pour ne pas voir et entendre ce que Dieu a à nous dire.

Souvenez-vous alors de ce conseil de Jésus : « si tu veux entendre Dieu, enferme-toi dans ta chambre… et écoute ce que Dieu te dis, écoute ! » (Mat 6/6) Même si c’est apparemment impossible à réaliser, Dieu te demande d’écouter, et d’entendre. Ensuite il te demande d’entreprendre. Il se réserve de faire le miracle nécessaire pour que l’entreprise réussisse. Mais quand Dieu parle, il t’engage toujours. Tant que nous n’aurons pas compris cela, nous resterons sourds à sa voix.

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