mercredi 7 octobre 2009

Quelle est donc cette puissance qui anime Jésus? Marc 10/46-52 dimanche 25 octobre 2009




Jésus guérit l'aveugle Bartimée

Marc 10

46 Ils viennent à Jéricho. Et comme il sortait de Jéricho, avec ses disciples et une foule importante, un mendiant aveugle, Bartimée, fils de Timée, était assis au bord du chemin. 47 Il entendit que c'était Jésus le Nazaréen et se mit à crier : Fils de David, Jésus, aie compassion de moi ! 48 Beaucoup le rabrouaient pour le faire taire ; mais il criait d'autant plus : Fils de David, aie compassion de moi ! 49 Jésus s'arrêta et dit : Appelez-le. Ils appelèrent l'aveugle en lui disant : Courage ! Lève-toi, il t'appelle ! 50 Il jeta son vêtement, se leva d'un bond et vint vers Jésus. 51 Jésus lui demanda : Que veux-tu que je fasse pour toi ? — Rabbouni, lui dit l'aveugle, que je retrouve la vue ! 52 Jésus lui dit : Va, ta foi t'a sauvé. Aussitôt il retrouva la vue et se mit à le suivre sur le chemin.





Quelle est donc cette puissance qui anime Jésus ? Il est bien évidemment habité par une puissance qui lui vient de Dieu mais qui ne fait pourtant pas de lui un être extraordinaire. En fait c’est dans ses dires et ses actions que Jésus révèle la présence de Dieu parmi les hommes. C’est pour exprimer cela que les Evangiles saluent Jésus du titre de Fils de David. C’est un titre qui traverse les temps et les âges et qui désigne dans la tradition juive celui qui doit venir pour parachever la révélation divine, à l’égal de celui de Messie.

C’est dire qu’avec l’usage de ce terme, nous nous situons dans un temps d’attente qui ouvre l’avenir à l’espérance. Le Dieu auquel Jésus rend témoignage n’est pas seulement le Dieu de la tradition, celui qu’ont vénéré les Pères dans la foi, il est aussi celui qui vient, il habite le devenir des hommes et s’emploie à construire leur quotidien avec eux.

Quand Jésus s’entend appelé par ce titre, il s’arrête, alors que rien ne semble avoir interrompu sa traversé de la ville jusqu’alors. A ce moment, celui qui l’a interpellé, rejette son manteau et bondit sur ses pieds. C’est à partir de ces quelques éléments que nous allons essayer de définir quelle est la dynamique qui habite Jésus et qu’il nous transmet.

Ce petit texte pourrait ne pas retenir l’attention du lecteur trop pressé tant il est court et qu’il ne contient apparemment aucun élément remarquable. Mais ce serait une erreur que d’aller trop vite en besogne, car ce récit contient tout un enseignement précieux sur les mystères qui concernent la personnalité de Jésus. Vous avez sans doute remarqué que ce passage nous présente un récit tout en mouvement, c’est pourquoi on est frappé quand Jésus s’arrête et pourtant, rien ne se passe vraiment.

Il est dit que Jésus traverse Jéricho ! Il le fait comme s’il s’agissait d’une simple bourgade. Pourtant Jéricho n’est pas une ville ordinaire, elle mériterait que Jésus s’y arrêtât quelques instants. On l’appelle la ville des palmiers, et elle s’étend sur les bords du Jourdain comme une oasis verdoyante après la traversée du désert de Juda. Elle est célèbre, non pas seulement pour la douceur de son climat et la beauté de son site, mais elle est aussi la plus vieille ville du monde, chargée d’histoire et de tradition.

Tout voyageur qui la traverse éprouve le besoin de s’y arrêter pour s’y reposer et pour laisser son âme se nourrir de paix et de tranquillité. Le lecteur de la Bible un peu averti sait que ses murailles dressées à la porte du désert s’opposèrent au passage de Josué et que celui-ci après avoir fait sept fois le tour de la ville fit tomber ses murailles en faisant sonner ses trompettes. Même si les archéologues contestent l’historicité de l’événement, la ville de Jéricho méritait sans doute que Jésus lui accorde plus d’attention.

Mais Jésus ne visite pas les lieux qu’il traverse en touriste. Il cherche à venir en aide à tous ceux qui demandent qu’on les aide à vivre Il montre par son attitude que Dieu est à la recherche de tous ceux qui ont besoin de lui. Il s’intéresse à tous ceux qui ont besoin d’un supplément de vie pour exister et c’est auprès de ceux là qu’il interrompt sa marche en avant.

Mais direz-vous : « N’y avait-il qu’un seul homme digne d’intérêt à Jéricho ? » Non bien sûr, nous savons par l’Evangile de Luc que Jésus y a aussi manifesté de l’intérêt pour Zachée, le percepteur, un homme petit de taille mais haut en couleurs, que Jésus a repéré et a cité en exemple. Il me semble qu’il devait y avoir aussi des centaines de gens tels que l’aveugle Barthimée ou Zachée le percepteur, susceptibles d’arrêter Jésus sur son chemin et de susciter son intérêt au nom de Dieu. Mais pour que nous en saisissions mieux la leçon, l’Evangéliste Marc s’est contenté de l’histoire d’un seul personnage : Barthimée. Pourtant, il y a un autre personnage sans doute, qu’il faudrait mentionner, mais celui-là c’est le lecteur lui-même, et il faut qu’il se reconnaisse.

Quand Jésus s’arrête et s’intéresse à quelqu’un, il n’y a que celui-là qui compte. Chacun de nous, est un cas unique aux yeux de Dieu et ce qui se passe pour Barthimée se passe également pour nous, et pour chacun de ceux devant qui les pas de Jésus s’arrêtent pour faire pénétrer en lui le regard de Dieu. Si le cas de chacun est unique devant Dieu, alors le cas de Barthimée est suffisamment normatif pour retenir notre attention.

C’est d’une manière allégorique que nous allons aborder ce passage. Cette lecture est évidemment contestable, mais elle m’ est apparue comme la plus commode pour discerner le sens caché de ce récit. Je pense en outre, que Marc qui le rapporte a voulu qu’il en soit ainsi. Barthimée appelle en disant : « Fils de David ». Son cri manifeste qu’il ne cherche pas seulement à attirer l’attention sur Jésus, comme le ferait n’importe quel mendiant pour recevoir quelques piécettes. Cet appel porte en lui l’espérance qui anime l’aveugle, car l’expression « Fils de David » contient en elle une charge d’espérance et cette espérance est donc déjà en lui. Il y a dans cette expression comme une demande de vie qui n’est pas la simple survie que pourrait lui apporter une aumône. Il y a, sans qu’il le sache encore, comme l’expression d’un appel vers Dieu de qui dépend son présent et son avenir.


Son espoir n’est pas de survivre, mais de vivre autrement. En demandant à Jésus de voir, il lui demande en fait la possibilité que sa vie devienne différente. Il ne prononce pas une déclaration de foi attendrissante en se réclamant de la foi de ses ancêtres et en louangeant Jésus de quelque manière, il dit simplement son besoin de vivre et cela suffit.

Son besoin de vivre est accompagné de deux signes : Il rejette son manteau et il bondit pour se mettre debout. En rejetant son manteau, il signifie qu’il renonce à la protection précaire que lui réservait son état de mendiant. C’est ainsi qu’il vivotait en recevant les charités qu’il quémandait à ses concitoyens qui se devaient, par obligation religieuse, de soulager la dureté de la vie des mendiants.

En se levant d’un bond il fait état du dynamisme qui est déjà en lui. Tout se passe comme s’il était déjà habité par Dieu, car sans qu’il s’en rende compte, l’espérance était déjà en lui, le dynamisme l’habitait déjà, autrement dit, Dieu avait déjà pris place en lui, mais il n’en était pas conscient. L’action de Jésus consiste simplement à faire apparaître la réalité des choses. « Ta foi t’a sauvé » lui dit-il simplement. La foi était déjà en lui et il ne le savait pas. Il a fallu que Jésus s’arrête devant lui pour qu’il prenne conscience de ce qui existait déjà sans qu’il en ait pris acte. Jésus a agi en lui comme un révélateur de Dieu. C’est ainsi aussi qu’il agit en nous.

Ayant déjà par son geste, renoncé à toute protection précaire, étant habité par un désir de vivre, la nouvelle vie qui jaillit en lui par le don de la vue devient toute naturelle. Il met alors ses pas dans ceux de Jésus et leurs vies se confondent dans une même marche en avant.

Je n’ai pas encore prononcé le mot de miracle, car apparemment il n’y a pas vraiment eu de miracle, même si le texte dit qu’il recouvre la vue. Le miracle, dans notre manière habituelle de voir les choses, relève d’une manifestation spectaculaire. Ici, l’action de Jésus consiste à dire à Barthimée la réalité de la foi qui est déjà en lui. Il comprend que Dieu habitait déjà tout son être et que la présence de Jésus devant lui, lui a permis de découvrir que le dynamisme qui lui permettrait de changer de vie était déjà en lui, si bien que sa guérison devient simplement une prise de conscience de la présence de Dieu en lui.

Combien de nos contemporains ne traversent-ils pas la vie comme des touristes ! Ils portent leurs regards sur ce qui est spectaculaire, ils admirent, en les jalousant parfois, les œuvres des hommes et ils se contentent d’une vie sans histoire avec ses contraintes et ses épreuves, mais heureux quand même de profiter des petites joies et des petites sécurités qu’elle apporte.

Il est alors temps qu’on leur dise qu’ils peuvent aussi s’attacher à repérer en eux tout ce que Dieu y a déjà mis. En ne le faisant pas, Ils laissent ainsi s’affadir leurs désirs de vie, ils laissent leur foi s’assoupir, ils ne savent plus découvrir ce qu’il y a de dynamisant dans leur vie intérieure. Pour eux aussi, comme pour Barthimée le même miracle est possible. Comme lui ils peuvent appeler « Fils de David ait pitié ». Ce simple appel leur permettra de prendre conscience du fait que Dieu lui-même peut arrêter ses pas devant eux, et leur donner la vie qu’ils désirent parce qu’elle est déjà en eux.

Il leur faudra alors bondir en avant pour se mettre debout et accepter de sauter dans la vie que Jésus leur propose et pour laquelle Dieu a déjà préparé le terrain.
Mosaïque dans le Temple de Port Royal (Paris)



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