lundi 21 juin 2010

Le bon Samaritain Luc 10:25-37 dimanche 11 juillet 2010


 Une autre version de ce sermon, totalement repensée  a été publiée le 10 juillet 2016

Luc 10/25-37 « Le bon Samaritain »


25 Et voici qu'un légiste se leva et lui dit, pour le mettre à l'épreuve : « Maître, que dois-je faire pour recevoir en partage la vie éternelle ? » 26 Jésus lui dit : « Dans la Loi qu'est-il écrit ? Comment lis-tu ? » 27 Il lui répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée, et ton prochain comme toi-même. » 28 Jésus lui dit : « Tu as bien répondu. Fais cela et tu auras la vie. » 29 Mais lui, voulant montrer sa justice, dit à Jésus : « Et qui est mon prochain ? »
30 Jésus reprit : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, il tomba sur des bandits qui, l'ayant dépouillé et roué de coups, s'en allèrent, le laissant à moitié mort. 31 Il se trouva qu'un prêtre descendait par ce chemin ; il vit l'homme et passa à bonne distance. 32 Un lévite de même arriva en ce lieu ; il vit l'homme et passa à bonne distance. 33 Mais un Samaritain qui était en voyage arriva près de l'homme : il le vit et fut pris de pitié. 34 Il s'approcha, banda ses plaies en y versant de l'huile et du vin, le chargea sur sa propre monture, le conduisit à une auberge et prit soin de lui. 35 de lui. Le lendemain, il sortit, deux deniers, les donna à l'hôtelier et dit : "Prends soin de lui et si tu dépenses quelque chose de plus, c'est moi qui te le rembourserai quand je repasserai.” 36 Lequel des trois, à ton avis, s'est montré le prochain de l'homme qui était tombé sur les bandits ? » 37 Le légiste répondit : « C'est celui qui a fait preuve de bonté envers lui. » Jésus lui dit : « Va et, toi aussi, fais de même. »
Toujours pardonné, sans cesse repentant, tel est le peuple auquel les protestants se plaisent à ressembler. Il est toujours coupable mais toujours reconnaissant de la grâce prévenante qui l’enveloppe. Le salut gratuit lui est toujours offert comme un cadeau immérité. Nous passons ainsi notre temps à implorer un pardon que l’Evangile nous dit être accordé d’avance ! C’est tout à fait perturbant et même aliénant d’espérer ne jamais pouvoir parvenir à satisfaire pleinement notre Seigneur puisque selon nos anciennes liturgies inspirées par Calvin nous sommes nés dans la corruption et incapables par nous-mêmes d’aucun bien. Bien que l’avenir nous soit ouvert, nous sommes enfermés à tout jamais dans notre état d’inachèvement.

Si ce langage est conforme à l’esprit de la Réforme, il faut bien dire qu’il passe mal aujourd’hui, car, nous vivons dans une société culpabilisante qui attribue ses dysfonctionnements à l’irresponsabilité de nos contemporains qui par leur mode de consommation compromettent l’avenir de la planète. S’il y a une bonne nouvelle à recevoir aujourd’hui, elle ne doit pas consister à rajouter de la culpabilité à la culpabilité ambiante. Nous sommes fatigués de nous sentir enfermés dans cet univers morbide de la faute sans aucun espoir de satisfaire aussi bien les hommes qui sont sensés être nos prochains que Dieu que nous aime tant et qui nous protège contre nos péchés avant même que nous les ayons commis.

La parabole que nous écoutons aujourd’hui et que tous connaissent bien, semble en rajouter une couche. Elle nous donne une leçon de morale en enfonçant le clou sur notre incapacité à bien faire. Elle met en scène un marginal sympathique, apparemment financièrement aisé, mais rejeté à cause de sa naissance. Il est Samaritain autant dire qu’il n’appartient pas à la bonne société traditionnelle. On n’a sans doute rien à lui reprocher, mais il n’est pas comme nous. Par son attitude il semble vouloir nous donner une leçon de morale.

Il accepte de se compromettre dans une affaire pas nette. Il interrompt un voyage d’affaires pour s’occuper d’un homme qui est entre la vie et la mort. Qu’importent les affaires, le temps et l’argent, c’est le sort de cet individu qui ne lui est rien, qui l’arrête sur son chemin. Il utilise sa propre monture, rebrousse chemin, trouve du secours auprès d'un aubergiste qu’il doit payer de ses propres deniers, il avance même une provision. C’est comme s’il lui ouvrait un crédit illimité sur son compte. Il retourne ensuite à ses affaires tout en gardant le souci de son protégé pour lequel il promet de modifier son projet de retour, et même de payer encore si c’est nécessaire. Trop c’est trop.

En écoutant ce récit pour le moins culpabilisant pour nous qui ne sommes t pas capables de faire  la moitié de ce qu' a fait  le Samaritain, on se dit qu’en toute honnêteté on n'est pas dignes de l'exemple  que Jésus nous donne ici. On a presque envie de tout laisser tomber en pensant que la Loi de Moïse était moins sévère que les prescriptions de Jésus. Quel intérêt aurions-nous à suivre Jésus ? Qu’y aurait-il à gagner ? Certains iront même jusqu’à penser qu’il vaut mieux le néant éternel plutôt que de payer un prix impossible pour un paradis hasardeux.

Mais, je l’ai souligné, si Jésus invite son interlocuteur à faire de même, il ne nous invite pas nous-mêmes à faire de même, et pour cause, nous verrons pourquoi plus loin. Il poursuit son récit en tirant une conclusion sur les subtilités de la rhétorique pour savoir qui dans cette histoire était le prochain de l’autre ? Je dois confesser à mon corps défendant que je n’ai jamais rien compris à ces subtilités si bien que je me pose encore aujourd’hui la question de savoir où l’Evangile veut nous entraîner ? Certainement pas dans un pinaillage juridique dans lequel nous avons tendance à vouloir enfermer Dieu, Jésus  et notre prochain. Si nous recevons cette parabole comme une leçon de morale nous n’arriverons pas y retrouver le souffle libérateur que Jésus a voulu donner à son Evangile.

A l’origine de cette histoire, il y a la prétention d’un homme pieux à débattre avec Jésus sur le juridisme religieux afin de définir le rôle que peut jouer le prochain dans notre quête du salut éternel. Puisqu’il veut débattre, Jésus accepte le débat, mais ça ne mène à rien. Comme toujours Jésus décrit une situation impossible, où personne ne peut tenir  en vérité, le  rôle tenu par le Samaritain qui semble avoir pour règle de vie l’abnégation totale.

 Jésus montre que ça ne marche pas et qu’à vouloir être trop parfait, on aboutit à une situation absurde, et que ce n’est pas dans cette direction qu’il faut chercher. En effet, si un tel comportement était réel, cet homme aurait rejoint depuis longtemps les rangs des nécessiteux et des clochards. En effet son acte de charité envers le Samaritain n’aurait certainement pas été son coup d’essai. Dans ce cas, il  n’aurait donc pas eu l’occasion d’exercer la charité comme il l’a fait, car il n’aurait jamais eu la possibilité de gagner la moindre somme d’argent pour faire ses libéralités puisqu’elle aurait été dépensée avant d’avoir été gagnée. Il exerce ici une charité impossible.

Aujourd’hui, dans une société plus prévenante à l’égard des délaissés que la société antique, ceux qui  se consacrent essentiellement à la générosité vis-à-vis des démunis (ONG ou autre), c’est avec l’argent des autres qu’ils le font  et non avec le leur.

 C’est comme cela que fonctionnent les bonnes œuvres et on ne saurait le faire autrement. Or notre généreux Samaritain semble devoir gagner beaucoup tout en négligeant les situations qui lui permettraient d’être financièrement rentable.

Ce constat d’échec à propos de la générosité gratuite nous déçoit. Il semblerait que nous sommes tombés dans une impasse. Impossible d'imiter le Samaritain, et lui même en agissant comme il le fait se condamne à la pauvreté totale. Jésus nous pose ici un problème sans réponse possible.  En fait, nous devrions nous demander ce qui se serait passé si le blessé n’avait pas été secouru. C’est simple il aurait perdu la vie. Or c’est bien sur une question de vie qu’a commencé le propos. Il s’agissait de vie éternelle, bien sûr, mais avant d’être éternelle la vie doit s’ancrer dans l’existence au quotidien.

Loin de nous dicter un comportement, ce passage nous désigne les priorités que Dieu nous invite à prendre en compte. Cette priorité c’est la vie des autres. Le comportement du Samaritain nous dit qu’elle n’a pas de prix. La vie du blessé était en danger et elle devait être préservée. Le débat s’arrête là. Il n’est plus question de savoir si on a fait ce qu’il fallait. Il n’est pas question non plus de juger le comportement de l’un ou de l’autre, Jésus ne le fait pas, mais il nous entraîne dans une autre direction. Il nous invite à faire une descente au fond de nous-mêmes pour nous demander à qui ou à quoi nous donnons priorité dans nos actions. Est-ce notre intérêt personnel ou celui des autres ? Est-ce notre bonne conscience qui guide nos décisions ou l’amour du prochain ? Il ne s’agit pas ici d’avoir la réponse juste et de respecter le bon comportement, il s‘agit de percevoir quels sont les impératifs de notre foi que Dieu a inscrits en nous et que notre intelligence nous donne de découvrir. Il s’agit simplement d’être en harmonie avec Dieu et de comprendre que Dieu donne priorité à tout ce qui est porteur de vie : la vie de chaque jour pour ce temps et ensuite la vie éternelle, la qualité de la première étant une annonce de la seconde.

Quoi que nous fassions ou que nous ne fassions pas, notre salut éternel n’est pas mis en cause et les pinailleurs de la morale n’y trouveront pas leur compte. Jésus répond à celui qui l’interroge sur la vie éternelle en disant que la vie est au centre de la préoccupation de Dieu. « Si tu es en Dieu, tu es déjà dans la vie éternelle, il t’appartient de manifester cette certitude dans toutes tes actions. Il s’agit simplement de rendre manifeste la foi qui est en toi. »

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour
Une fois encore votre travail est remarquable; je vais pouvoir utiliser cette "matiere premiere" pour le culte dont j'ai la responsabilité Dimanche et avoir une fin de semaine appaisée, sans le stress du sermon à écrire. Merci...
Manuel, ERF Corbeil.