Le Pain qui descend du ciel, Dimanche 5 août 2012
( texte proposé également pour le dimanche 2 aout 2015 )
Jean 6/ 24-35
24Quand la foule
vit que ni Jésus, ni ses disciples n'étaient là, les gens montèrent eux-mêmes
dans ces barques et vinrent à Capharnaüm, à la recherche de Jésus. 25Ils le trouvèrent
sur l'autre rive de la mer et lui dirent : Rabbi, quand es-tu arrivé ici ?
26Jésus leur
répondit : Amen, amen, je
vous le dis, vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais
parce que vous avez mangé des pains et que vous avez été rassasiés. 27Œuvrez, non pas
en vue de la nourriture qui se perd, mais en vue de la nourriture qui demeure
pour la vie éternelle, celle que le Fils de l'homme vous donnera ; car
c'est lui que le Père — Dieu — a marqué de son sceau. 28Ils lui
dirent : Que devons-nous faire pour accomplir les œuvres de
Dieu ? 29Jésus leur répondit : L'œuvre de
Dieu, c'est que vous mettiez votre foi en celui qu'il a lui-même envoyé.
30Ils lui dirent
alors : Quel signe produis-tu donc, toi, pour que nous voyions et que nous
te croyions ? Quelle œuvre fais-tu ? 31Nos pères ont
mangé la manne dans le désert, selon ce qui est écrit : Il leur donna à manger du pain venu du ciel. 32Jésus leur
dit : Amen, amen, je
vous le dis, ce n'est pas Moïse qui vous a donné le pain du ciel, c'est mon
Père qui vous donne le vrai pain du ciel ; 33car le pain de
Dieu, c'est celui qui descend du ciel pour donner la vie au monde. 34Ils lui
dirent : Seigneur, donne-nous toujours ce pain-là. 35Jésus leur
dit : C'est moi qui suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n'aura
jamais faim, et celui qui met sa foi en moi n'aura jamais soif.
Il existe donc un
pain qui fait vivre, non pas pour une durée de quelques heures, mais qui peut
nous faire vivre éternellement. En entendant ainsi parler, de ce pain particulier, il est normal que les
disciples de Jésus lui demandent de leur donner de ce pain pour toujours, comme
s’ils ne savaient pas que Jésus parlait d’une réalité spirituelle et non pas
d’une réalité matérielle qui ne s’achète pas à la boulangerie comme on pourrait
acheter un pain fait de froment.
Jésus donne volontairement
dans l’ambiguïté et ses interlocuteurs savent bien les nuances qu’il met dans
ses propos. Il suffit d’écouter avec attention la lecture de ce passage, comme
vous l’avez sans doute fait pour
découvrir que le sens du texte ne réside pas dans la syntaxe, mais qu’il est
dans l’agencement des mots entre eux.
Le texte parle plus à notre sensibilité qu’à
notre intelligence, c’est pourquoi notre esprit s’est laissé saisir par le mot
pain, et que plusieurs fois répété, il a
été mêlé à la notion de ciel, il a aussi été mêlé à la personne de Jésus et il
a été mêlé à la notion d’éternité, si bien que le pain nous est apparu à la
fois comme une réalité céleste , comme une réalité spirituelle et comme une
réalité matérielle. Il a été proposé comme nourriture pour l’immédiat et en
même temps comme nourriture pour l’éternité.
Dans la plupart des
civilisations, le pain est considéré comme la nourriture de base, en tout cas
dans le vocabulaire courant. Tout le monde sait ce que signifie l’expression :
« gagner son pain à la sueur de son front ». On sait aussi «
que le pain de l’exil est toujours amer » et l’homme vertueux « est
celui qui mange le pain qu’il a gagné ». La notion de pain est liée à la
notion minimale de la possibilité de vie dans notre société. Celui qui ne gagne
pas son pain est un marginal. S’il ne gagne pas de pain, s’il est affamé, s’il
ne sait plus la valeur matérielle du pain comment alors le faire participer à
la réalité du pain spirituel ? Comment parler de pain spirituel dans une
société où l’on manque de pain matériel? Ce pain matériel n’est pas forcément
lié au manque de farine, de sel et d’eau, il est sans doute
lié à bien d’autres choses qui
leur manque pour vivre, tels que l’amour ou l’espérance. Le pain spirituel est
peut être lié lui aussi à des manques dont la possession est nécessaire pour
qu’on puisse dépasser la notion de pain
matériel et lui donner une signification spirituelle.
Depuis quelque
temps, notre société se focalise sur la
situation de ceux qui manquent vraiment de pain matériel. Ils sont de plus en
plus nombreux à se marginaliser dans une société qui malgré tout reste encore
prospère. On essaye cependant de répondre aux manques de tous
les SDF. On se mobilise sur tout le territoire de notre pays. Évidemment, le succès de ce type d’aide
dépend de notre générosité. Pourtant, nous savons bien que ce n’est pas de ce
pain matériel que les naufragés de notre
société ont le plus besoin, il s’agit de considération, d’attention à
l’autre et d’empathie dont beaucoup sont privés. C’est à partir de ces notions qui sont des variantes de l’amour que
l’on peut construire l’espérance. L’amour et l’espérance sont la farine et le sel nécessaires pour
permettre de parler de pain spirituel.
Or, comme nous
sommes persuadés que l’espérance et l’amour sont les caractéristiques du
christianisme, nous n’avons donc pas à chercher bien loin pour savoir ce qu’il
faut faire pour que le monde où nous sommes reçoive ce pain, puisque nous en
avons les ingrédients. Pourtant, tout se passe comme si un voile terne de
pollution ou de scories était tombé sur nous et sur nos églises et avait rendu
invisibles les structures mêmes de notre foi. C’est comme si notre espérance et
notre amour n’étaient plus perceptibles par les hommes.
Maintenant que tout
cela a été dit, nous ne sommes pas plus
avancés pour dire la suite ! Et quelle suite ?
Nous ne connaissons pas le secret
pour faire jaillir de nos lieux de prière l’espérance et l’amour qui y sont
contenus. La seule chose que nous
pouvons constater, c’est que nous avons du mal à produire pour ce monde ce pain fait d’amour et d’espérance. Pourtant,
ce ne sont pas les hommes qui le fabriquent. Ce pain venu du ciel est gratuit
et nous vient de Dieu. Ce sont là deux notions que nous ne sommes pas habituées à utiliser
vraiment : la gratuité, c’est la compagne indispensable de notre générosité.
Elle s’adresse aux autres sans qu’ils
soient obligés d’en faire retour. Quant à Dieu, nous concevons très bien sa
présence à l’intérieur de nos sanctuaires,
mais nous restons maladroits pour en témoigner à l’extérieur des lieux de prière et quand nous le faisons, nous le
faisons dans un langage conventionnel qui n’a pas grande portée. Il représente une valeur venue d’ailleurs dont les hommes ne savent
pas faire usage.
Le monde
matérialiste où nous sommes ne croit que dans un Dieu qu’il se fabrique à partir de ses propres concepts. Notre
société divinise ses aspirations profondes, elle divinise le progrès, la
liberté, l’égalité, la démocratie, les droits de l’homme, et quand elle en trouve
la trace dans l’Écriture, elle fait
semblant de les attribuer à Dieu. En fait, elle se divinise elle-même en
cherchant dans l’Écriture ce qu’elle sait y trouver. Quant à se laisser
bousculer et émerveiller par quelque chose qui ne serait pas issue du travail des hommes ou du génie de sa pensée et qui viendrait d’ailleurs, c’est un défi particulièrement difficile à
relever pour la plupart.
Malgré notre incapacité à inventer un
avenir qui pourrait se faire sans nous,
l’expérience devrait cependant nous apprendre qu’en modifiant les données et en injectant de l’espérance dans nos
propos et de l’amour dans nos actions
les choses deviendront différentes.
C’est ce que Dieu nous invite à faire.
Ainsi donc, Dieu
est capable de faire une nourriture spirituelle à partir d’ ingrédients que nous possédons déjà,
l’espérance et l’amour. Il est capable de nous surprendre en faisant jaillir de
nos églises, que l’on compare parfois à des coques vides, une nourriture pour ce monde qui l’amènera à
la connaissance de son Seigneur.
Quant aux églises
dans lesquelles nous édifions notre foi il leur faudra mobiliser tous leurs
fidèles pour qu'ils extériorisent l’amour et l’espérance dont ils nourrissent leur foi pour
construire ce monde nouveau que les hommes espèrent et que Dieu leur promet. Nous
savons que c’est en s’appuyant sur des intuitions qui nous viennent d'ailleurs que
cela se produira.
Si maintenant en,
parlant de ce pain, vous pensez à la Sainte Cène, pour savoir où est la
présence réelle de Dieu dans le pain, ou pour savoir quand ce pain cesse d’être
matériel pour devenir spirituel, vous découvrirez bien vite, qu’il faut
dépasser tout cela. Il faut le prendre comme il nous est donné, à la fois
matériel et à la fois spirituel. C’est quand cette double réalité se réalise qu’il devient vraiment
nourrissant.
Si on veut en savoir plus, la réponse ne peut
nous venir que , de Dieu, pas des hommes ! Et s’il a plu à Dieu de ne
pas nous donner de réponse, c’est qu’elle n’est pas essentielle. Une seule
chose est essentielle, c’est que notre espérance soit fermement enracinée dans
l’amour de celui qui, venu d’ailleurs vient vers nous pour nous amener à lui.
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