lundi 22 octobre 2012

Marc 12:38-44 -

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Marc 12 :38-44. La pauvre veuve  Dimanche 11 novembre 2012

35 Jésus enseignait dans le temple : Comment les scribes peuvent-ils dire que le Christ est fils de David ? 36 David lui-même, par l'Esprit saint, a dit :
Le Seigneur a dit à mon Seigneur :
Assieds-toi à ma droite,
jusqu'à ce que je mette tes ennemis sous tes pieds.
37 David lui-même l'appelle Seigneur ; d'où peut-il donc être son fils ? Et la foule, nombreuse, l'écoutait avec plaisir.
Contre les scribes

38 Il leur disait, dans son enseignement : Gardez-vous des scribes ; ils aiment se promener avec de longues robes, être salués sur les places publiques, 39 avoir les premiers sièges dans les synagogues et les premières places dans les dîners ; 40 ils dévorent les maisons des veuves et, pour l'apparence, ils font de longues prières. Ils recevront un jugement particulièrement sévère. 
L'offrande de la veuve
41 S'étant assis en face du Trésor, il regardait comment la foule y mettait de la monnaie de bronze. Nombre de riches mettaient beaucoup. 42 Vint aussi une pauvre veuve qui mit deux leptes valant un quadrant. 43 Alors il appela ses disciples et leur dit : Amen, je vous le dis, cette pauvre veuve a mis plus que tous ceux qui ont mis quelque chose dans le Trésor ; 44 car tous ont mis de leur abondance, mais elle, elle a mis, de son manque, tout ce qu'elle possédait, tout ce qu'elle avait pour vivre.


On  se sent bien petit et plein d’admiration devant un tel texte. On admire  la foi de cette femme, mais on n’a nullement envie de lui ressembler. C’est souvent ainsi dans l’Évangile. Les gens que l’on nous donne à admirer, voire même à nous identifier à eux, sont  bien souvent  des laissés pour compte, telle cette femme. On dirait que malgré les difficultés de notre vie Jésus nous reproche les bons moments que nous avons et les quelques avantages que notre société nous procure.

Pendant des générations, on a retenu pour faire son salut qu’il fallait être pauvre comme saint François d’Assise et se réjouir  de sa pauvreté et de sa médiocrité. C’est ainsi que l’on a  compris les choses  pendant de nombreux siècles jusqu’à ce que la Réforme  bouscule le bien-fondé de cette situation et rappelle que le salut est gratuit et qu’on ne l’acquiert pas en se faisant volontairement pauvre. Si Jésus montre cette femme en exemple, ce n’est pas pour montrer que le dénuement mène à Dieu mais pour  dire que  la richesse peut faire obstacle à la perception de la volonté de Dieu.

Pourtant ici en lisant ce texte nous ne pouvons qu’éprouver un profond malaise. Cette  petite scène anodine va nous amener à nous poser des questions sur la personne de Jésus lui-même et sur  sa manière d’être présent au monde. Il y a en effet,  ici un certain nombre d’incohérences dont il va bien falloir rendre compte pour essayer de comprendre la portée de l’enseignement de Jésus.

Pour peu que notre esprit soit en éveil,  et qu’il  soit assez critique, nous serons sans doute surpris, si non choqués en constatant que  Jésus félicite une femme pour avoir fait  un  geste qui ne va servir à rien.

Il  fait  devant ses intimes l’éloge  de cette  pauvre femme qui se sacrifie en donnant tout ce qui lui est nécessaire à la vie pour l’entretien  du temple de Jérusalem dont il annonce par ailleurs, la destruction dans les instants qui suivent. Cette constatation est assez choquante, pour nous arrêter et nous forcer à chercher une explication logique, car  pour l’instant Jésus approuve un sacrifice qui, selon son propre jugement ne servira à rien.

En fait tout est ici fait pour nous mettre mal à l’aise, et nous avons l’impression d’être pris au piège de notre propre foi.  Jésus semble être blasé par le spectacle de la collecte de l’argent. «  Jésus regardait comment les foules mettaient de l’argent, plusieurs riches mettaient beaucoup... » Jésus ne critique pas, il ne louange pas non plus, il regarde simplement. Il ne porte  aucun jugement de valeur sur ceux qui donnent beaucoup. Il attire cependant  l’attention de ses amis sur la veuve  dont il est question ici.  Le  texte insiste sur l’insignifiance de la somme qu’elle met dans le tronc: « 2 pièces faisant un quart de sou ». Autant dire rien du tout,  mais cette faible sommes a une grande valeur pour elle car  elle a donné de son nécessaire. Elle  s’est servi de l’argent du ménage pour plaire à Dieu, croit-elle  car elle lui a donné la valeur du morceau de pain qu’elle ne mangera pas.

Jésus ne fait aucun commentaire pour dire si Dieu y trouve son compte et s’il se réjouit d’un geste qui ne sert à rien. Cependant un tel geste représente pour  elle   tout son potentiel de vie. Ainsi elle entre  avec Dieu dans une relation de vie. Il y a ici bien plus qu’un simple geste, bien plus qu’une simple action de grâces,  elle  donne matériellement sa vie. Jésus ne commente pas dans le sens où nous l’espérons.  En donnant cet exemple, l’évangéliste recommande que notre relation à Dieu soit de l’ordre du vital. Notre relation à Dieu est aussi importante que la vie que nous menons, que l’air que nous respirons  ou que le pain que nous mangeons. Qui  pourrait faire comme elle, dans une  société où l’argent est devenu le maître à penser, et  où n’a de valeur aujourd’hui que ce qui permet un profit immédiat.

Le geste de la femme est cité en exemple sans qu’aucun autre commentaire ne soit fait, ni sur l’argent, ni sur les riches. La femme ne sait même pas qu’elle a retenu l’attention de Jésus pendant quelques secondes. Jésus n’a même pas eu une parole pour lui dire la faveur de Dieu à son égard, ni même si Dieu se réjouit d’un tel sacrifice.  L’Évangile insiste seulement sur la valeur du sacrifice volontaire qui établit une relation de vie entre Dieu et la femme. C’est tout. On aurait envie de faire les commentaires que Jésus ne fait pas.

Mais tout n’est pas si simple car le temple va être détruit. L’étrange prophétie de Jésus annonçant la disparition du temple semble rendre vain et inutile cet acte qui lie la femme à son Dieu. Le temple par lequel passe sa relation à Dieu  et pour lequel elle sacrifie ainsi sa vie sera démoli!  Il ne restera  plus pierre sur pierre. Comment Jésus peut-il faire une telle prophétie, qui va se réaliser dans une génération, après avoir insisté sur le geste de cette  femme que cette prophétie rend parfaitement inutile?

En fait il me semble que les choses ne sont pas inscrites  à l’avance dans  l’histoire. Il n’y a pas de déterminisme dans la pensée judéo-chrétienne. Jamais on ne pourra dire c’était écrit, sans quoi l’intervention de Dieu dans l’histoire n’aurait pas de sens. Le jour de notre mort, et l’événement par lequel nous quitterons cette terre n’est pas écrit à l’avance,  dans le livre de Dieu comme on le pense dans d’autres religions.

 S’il en était ainsi la  révélation chrétienne n’aurait aucun sens puisque les hommes seraient voués à un destin préétabli et dans un tel contexte, le ministère de Jésus n’aurait aucun sens. L’histoire se vit donc au jour le jour dans l’existence des hommes qui cherchent par leurs actions à répondre à la mission et à la vocation que Dieu leur a données. C’est dans ce contexte que s’inscrit le geste de la femme. Le geste de la femme va dans le sens de la vie telle que Dieu la souhaite et telle que Jésus, l’annonce, même si l’histoire montrera que le Temple ne jouera aucun rôle par la suite. Pour l’instant et pour la relation de cette femme avec son Dieu il joue un rôle considérable.  En contribuant de tout son être à l’édification du sanctuaire  terrestre où réside le nom de Dieu elle participe à la volonté créatrice du Seigneur. C’est dans ce sens que Jésus valorise son action.

Ce geste n’empêche pas pour autant Jésus de considérer avec lucidité la  situation socio-politique de son époque. Jésus sait, comme tout un chacun que si les tensions entre juifs et romains persistent, la guerre finira par éclater et le sanctuaire sera détruit. La prophétie de Jésus relève de la lucidité politique plutôt que de la théologie. La théologie sur la destruction du temple sera élaborée après coup par ses disciples et ses apôtres qui chercheront une logique là où il n’y en avait pas forcément.

 La destruction du temple est de l’ordre du possible et même du probable, elle est liée au péché et à la violence des hommes et pas forcément à la volonté de Dieu. Encore une fois répétons que les hommes sont appelés chaque jour à construire l’histoire avec leur Dieu  en y mettant tout le bien qu’il leur inspire.

Si Jésus  savait que Dieu avait décidé la destruction du Temple, il n’aurait pas tenu les propos qu’il a tenus sur la veuve comme il l’a fait. Jésus ne s’est jamais très clairement exprimé sur la destruction du temple, se sont ses ennemis qui au moment du procès ont joué sur les mots.  « Il a parlé de la destruction du temple » disaient-ils et l’évangéliste Jean d’ajouter « qu’il parlait du temple de son corps ». Les disciples en fait n’ont retenu que des paroles ambiguës à propos du temple que Jésus a purifié avant sa mort (dimanche des rameaux) et auquel il s’est identifié. Ni l’Évangile de Matthieu  ni l’Évangile de Jean n’ont retenu la prophétie que seule Marc et Luc rapportent.

C’est pourquoi en prophétisant la destruction du temple Jésus n’a pas  fait  état d’une décision préétablie de Dieu qui conduirait l’histoire indépendamment des hommes, mais Jésus a fait état des conséquences inévitables que le péché des hommes pouvait avoir sur la religion et sur la société de son temps. L’histoire peut ainsi rendre vains des gestes qui étaient pourtant porteurs d’avenir au moment où ils ont été faits.

C’est dans ce contexte qu’il faut interpréter le geste de la femme qui met toute sa vie au service de la cause de son Dieu, mais ce geste n’empêchera pourtant pas les hommes de commettre l’irréparable et d’entraîner dans leur folie la destruction du temple comme ce fut jadis le cas à l’époque de Nabuchodonosor.

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