samedi 10 novembre 2012

Jean 18:33-38

Jean 18:33-38 Jésus devant Pilate : Qu'est ce que la vérité
Dimanche 25 novembre 2012

33 Pilate rentra dans le prétoire, appela Jésus et lui dit : Es-tu le roi des Juifs, toi ? 34 Jésus répondit : Est-ce de toi-même que tu dis cela, ou bien est-ce d'autres qui te l'ont dit de moi ? 35 Pilate répondit : Suis-je donc juif, moi ? C'est ta nation et les grands prêtres qui t'ont livré à moi ! Qu'as-tu fait ? 36 Jésus répondit : Ma royauté n'est pas de ce monde. Si ma royauté était de ce monde, mes gens auraient combattu pour que je ne sois pas livré aux Juifs ; en fait ma royauté n'est pas d'ici. 37 Pilate lui dit : Toi, tu es donc roi ? Jésus répondit : C'est toi qui dis que je suis roi. Moi, si je suis né et si je suis venu dans le monde, c'est pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité entend ma voix. 38 Pilate lui dit : Qu'est-ce que la vérité ? Après avoir dit cela, il sortit de nouveau vers les Juifs et leur dit : Moi, je ne trouve aucun motif de condamnation en lui.

 


Nous sommes ici   plongés par Jésus lui-même dans une situation incongrue. Elle  va nous compliquer la compréhension de sa mort  mais elle est nécessaire pour que nous comprenions sa résurrection. Nous sommes  ici face à une  situation irréaliste : celle d’un condamné à mort qui parle philosophie avec celui qui va prononcer la sentence qui le condamne. De ce débat va dépendre sa relaxe ou sa condamnation. Plus surprenant encore, le procurateur, Ponce Pilate, dont les accusateurs  espèrent qu’il prononcera une condamnation à mort, cherche des arguments pour sauver l’accusé. Quant à  ce dernier, Jésus,  il  s’enferre dans ses arguments comme s’il voulait qu’on le condamne quand même. Il y a là, bien de quoi nous désorienter.
                                                                                                                        
Le débat s’est ouvert sur les prétentions monarchistes dont on accuse Jésus.  Ce seul soupçon suffirait à l’envoyer au supplice, encore faudrait-il savoir de quel monarque Jésus prétendrait-il descendre.  De David bien sûr va-t-on penser! Mais les contemporains de Jésus  n’auront peut-être pas la même  approche. S’il se réclame   de la descendance de David, l’argument serait  sans fondement car il y a 450 ans  que David n’a plus d’héritier,  en tout cas personne ne s’est déclaré comme son successeur et n’a revendiqué le pouvoir  en son nom depuis la disparition de Zorobabel au retour de l’exil. Cette prétention n’aurait pas dû le rendre bien dangereux et aurait tout au plus intrigué Pilate qui s’en serait amusé.
Jésus   aurait   pu  revendiquer la succession d’Hérode, le dernier roi en titre. Il a été considéré comme  un roi usurpateur, il a laissé un souvenir sulfureux. Il fit massacrer force juifs et assassiner quelques grands prêtres. Malgré le triste souvenir qu’il a laissé dans l’histoire. C’est pourtant à lui que l’on doit la restauration du Temple qui fait l’orgueil de Jérusalem.  C’est la date de sa mort qui servira plus tard à dater la naissance de Jésus. Son fils fut déposé  après lui, sur délation des grands prêtres et fut remplacé par un  procurateur dont le dernier en date est Pilate devant qui  Jésus comparait.  Si c’est de ce roi qu’il se réclamait, Pilate ne lui aurait laissé aucune chance de survie, car c’est son propre pouvoir qu’il aurait mis en cause.


Jésus ne  revendiquait pas davantage la succession des Asmonéens, ces grands prêtres qui à la suite de Macchabées avaient cumulé la charge de grand prêtre en même temps que celle de roi dont sont encore plus ou moins héritiers les grands prêtres   qui pour lors étaient en train de le trainer devant Pilate.  Non ce n’est pas de ces rois là que Jésus est accusé de revendiquer la succession. Si  cela avait été le cas, il aurait déjà  été mis à mort depuis longtemps. C’est bien  de  la succession de David qu’il se réclame. Cette prétention rend Pilate perplexe. Même si certains historiens, aujourd’hui pensent vraiment que Jésus était bien membre de l’ancienne famille royale de David dont les descendants auraient subsisté, personne ne s’est levé dans le prétoire pour le soutenir dans cette prétention. Pilate, donc ne le prend pas vraiment au sérieux.  
Jésus était-il en mesure de discuter de dynastie  avec celui qui représentait la seule autorité et qui pouvait le faire mourir  mais  qui avait bien l’intention de le faire vivre?  Curieusement, Jésus semblait le  contrarier et lui   fournir  des arguments pour l’envoyer à la mort.


Jésus ne cherche pas à sauver sa vie. Il ne veut pas d’une vie qui lui serait octroyée par la grâce d’un homme, fut–il le représentant du puissant  César. Il veut recevoir la vie de la grâce de Dieu, même s’il doit être dépossédé de sa vie humaine par la cruauté du gouverneur qu’il est en train de défier. La question reste pour lui de savoir quelle est la valeur de la vie : celle qui peut être sauvée par la grâce de l’empereur, ou  elle qui peut être sauvée par la grâce de Dieu. La première prendra fin tôt ou tard, la deuxième n’aura pas de fin. C’est dans ce dilemme que réside la vérité dont parlent Jésus et Pilate.

La vérité relève-telle de Dieu ou de César ? Il est à supposer que Pilate ne comprend pas la portée de sa question quand il lui dit : qu’est-ce que la vérité ?
Qu’est-ce donc la vérité, si non  de comprendre que le sens de la vie ne peut pas être donné par les hommes, aussi puissants ou aussi sages soient-ils, mais par Dieu seul. Notre vie ne peut prendre de sens  que si nous agissons de concert avec Dieu.  Il nous faut donc résolument écarter  l’idée selon laquelle nous devons passivement accepter les décisions de Dieu sur notre vie ou sur notre mort sans y participer. Ce  n’est pas ainsi que Jésus conçoit les choses. Il ne  conçoit pas    que la foi consiste à accepter l’arbitraire d’un fatalisme  contre lequel nous ne pourrions rien. Il n’est pas question pour lui d’accepter  par  la foi  une décision que Dieu seul aurait prise.  L’attitude des croyants  qui devant  l’incompréhensible de la mort se résignent en disant, que  c’est la volonté de Dieu n’a pas sa place ici.
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Si Jésus avait accepté son destin sans y participer lui-même il n’en serait pas arrivé là. Il est clair qu’il n’a pas cherché  à se dérober à la mort qui l’attendait, mais qu’il est allé de son  plein gré au-devant d’elle. En effet, il est venu à Jérusalem alors que sa tête était mise à prix, il s’est dissimulé de ceux qui le cherchaient jusqu’à ce qu’il ait fait  et dit tout ce qu’il avait à faire et à dire. Il est alors  allé à Gethsémani où il savait que les gardes viendraient, et maintenant  devant Pilate, il ne fait rien pour que sa vie soit épargnée.  Il a délibérément choisi ces moments parce qu’ils rendaient témoignage à la vérité telle qu’il la concevait devant Dieu. Il n’a pas obéi servilement  à une décision divine prise de toute éternité. Contrairement au serviteur souffrant du prophète Esaïe, il ne s’est pas laissé conduire à la boucherie comme un agneau muet, et si on lui a arraché la barbe, c’était la conséquence des événements qu’il avait provoqués.


La vérité pour lui n’était donc pas de subir passivement une situation dont Dieu aurait décidé de tous les détails pour venger son honneur bafoué, mais d’assumer personnellement les décisions qui lui paraissaient les plus conformes à ce qu’il estimait être la vérité. Il aurait pu, bien entendu se dérober  et  poursuivre sa vie pour continuer à prêcher un Evangile subversif par rapport à la tradition. Il aurait pu continuer à provoquer les scribes et les pharisiens en les accusant de dénaturer la Loi de Moïse et de trahir Dieu en prétendant le servir. Il aurait pu retarder l’échéance  et échapper aux clous de la croix, mais il a décidé que le moment était venu de rendre compte de sa vie. Il allait donc laisser  les hommes lui arracher la vie, mieux, il la leur offrait parce que les hommes n’ont aucun pouvoir sur la vie que Dieu donne.



En fait il fallait,  dans sa logique, que ses amis comprennent que la vie se présente sous  deux dimensions. Il y a celle qui est soumise au monde visible et sensible, celle qui nous pousse à agir de telle sorte que nous cherchons à la préserver. Nous mobilisons toute notre énergie pour qu’elle dure. Nous mettons  toutes nos possibilités et en particulier notre intelligence, mais aussi notre égoïsme et notre vanité  à son service. C’est pour la mettre en valeur que nous cherchons à dominer les autres et que nous les bousculons pour leur passer devant. Cette vie, liée aux apparences, n’a pour seule dimension que celle que lui nous lui donnons, puis elle disparaît et tout est fini.



Mais notre vie relève aussi  d’une autre réalité quand nous prenons conscience qu’elle est habitée par Dieu. Elle est le reflet de ce qu’il y a de spirituel en nous et elle  est alimentée par notre relation personnelle avec Dieu. Elle se nourrit d’amour et d’altruisme. Elle n’obéit pas forcément aux lois des hommes, car elle appartient à Dieu. Elle ne prend pas fin quand les hommes ne peuvent plus rien pour qu’elle se prolonge. Elle ne disparaît pas non plus quand les hommes décident de son terme car elle porte en elle une réalité que les hommes ne contrôlent pas et qui n’appartient qu’à Dieu. C’est cela la vérité.



C’est à ce point précis de son histoire, au moment où la  vérité  prend tout son sens que se situe cet ultime épisode de la vie de Jésus. Doit-il alors  sauver les apparences et chercher à garder une vie que les hommes veulent lui enlever ou faut-il leur laisser prendre cette vie pour révéler la vérité que Dieu donne à la vie quand celle-ci est absorbée  dans l’éternité ? C’est arrivés  à ce point de notre questionnement que nous découvrons que  la vérité de Jésus coïncide parfaitement avec celle de Dieu. 


Mais la vérité de la vie de Jésus sera désormais  voilée par l’horreur de son supplice. Les hommes formuleront à son sujet toutes sortes d’élucubrations. Ils  accuseront  Dieu de l’avoir abandonné et même de l’avoir livré à la vindicte du diable, mais  les portes du tombeau vont être entrebâillées par   la résurrection qui  nous confirmera cette dimension nouvelle de la vie en Dieu dont nous ne savons rien mais qui nous remplit d’espérance. 

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