jeudi 21 février 2013

Jean 8:1-11




La femme adultère : Jean 8 :1-11 Dimanche 17 mars 2013
 
1Jésus se rendit au mont des Oliviers. 2 Mais dès le matin, il retourna au temple, et tout le peuple vint à lui. S'étant assis, il les instruisait.
3 Alors les scribes et les pharisiens amènent une femme surprise en adultère, la placent au milieu 4et lui disent : Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d'adultère. 5 Moïse, dans la loi, nous a ordonné de lapider de telles femmes : toi, donc, que dis-tu ? 6 Ils disaient cela pour le mettre à l'épreuve, afin de pouvoir l'accuser. Mais Jésus se baissa et se mit à écrire avec le doigt sur la terre. 7 Comme ils continuaient à l'interroger, il se redressa et leur dit : Que celui de vous qui est sans péché lui jette le premier une pierre ! 8 De nouveau il se baissa et se mit à écrire sur la terre. 9 Quand ils entendirent cela, ils se retirèrent un à un, à commencer par les plus âgés. Et il resta seul avec la femme qui était là, au milieu. 10 Alors Jésus se redressa et lui dit : Eh bien, femme, où sont-ils passés ? Personne ne t'a donc condamnée ? 11Elle répondit : Personne, Seigneur. Jésus dit : Moi non plus, je ne te condamne pas ; va, et désormais ne pèche plus.]



Assis dans la poussière regardant ses doigts qui tracent des signes dans le sable, Jésus écrit.  Nul ne sait ce qu’il écrit. Une femme  a été traînée devant lui par ses accusateurs  qui la prétendent   adultère et complotent sa mort. Fixant ses mains qui tracent des lettres, il détourne son regard de celui des scribes et des pharisiens qui en accusant la femme se drapent pieusement dans les articles d’une loi qu’ils ont rendue mensongère. Dieu lui-même est ici bafoué par l’hypocrisie de ceux qui se réclament de lui comme le Dieu de leurs pères. Jésus quant à lui, n’est-il pas en train d’écrire  une page de l’Evangile ? Nous essayerons de répondre à la question, mais le défit est quasiment impossible.

Jésus est accroupi sur le sol, au même niveau que cette femme jetée devant lui. C’est un piège  tendu contre lui pour l’accuser lui aussi à son tour. Il écrit de son doigt sur le sol et fixe d’un regard impénétrable les signes qu’il est en train de tracer. Tous deux, l’un face à l’autre font figure d’accusés. La première pour avoir soi-disant transgressé la loi à cause d’un adultère supposé, lui à cause des paroles qu’il n’a pas encore prononcées mais qui ne manqueront pas de  se retourner contre lui quand il les prononcera. C’est pourquoi il se tait.

La femme est au milieu, est-il dit ? Elle est au milieu de cet espace qui la sépare de ses accusateurs  qui se sont constitués en tribunal improvisé et de Jésus qui ne dit toujours rien. Quel rôle va-t-il jouer, celui du juge ou de l’avocat ? Les accusateurs qui aimeraient  le prendre en défaut lui confient pourtant le rôle  de juge suprême puisqu’ils lui proposent d’avoir un avis différent de celui de Moïse dont seule la loi fait autorité. Le piège s’est ainsi refermé car il est impensable de dire autrement  que Moïse.

Mais la loi de Moïse, parlons-en. Ici tout est biaisé. La Loi ne dit pas exactement ce qu’ils lui font dire. La Loi dit que l’homme et la femme pris en état d’adultère doivent être tués tous les deux. Mais l’homme où est-il ? S’il n’y a pas d’homme, il n’y a pas de flagrant délit. Il n’y a pas de plaignant non plus. Ce devrait être le rôle du mari. Il n’y a pas de mari. Ce faux procès n’a dont pas de raison d’être. Pas de délit caractérisé, pas d’accusateur. Jésus a donc assez d’éléments ici pour jouer le rôle de l’avocat qu’il ne joue pas. Il ne tombe pas dans le piège qui consisterait à entrer dans un débat rabbinique. Il tournerait  sans nul doute à son avantage, il noierait le poisson et sauverait la femme, sans la réhabiliter car elle serait acquittée par défaut. Jésus vise ailleurs, il vise  un enjeu théologique qui concerne le péché. Le péché en général et non pas le péché dont il est question ici. Dans ce cas-là, nous sommes tous concernés. Jésus continue à écrire sur le sol.

Jadis, Dieu lui-même n’avait-il pas écrit sur  les Tables de la Loi  avec son  doigt ? Jésus ne faisait-il pas de-même ? N’était-il pas en train d’écrire une nouvelle loi ou une interprétation de cette Loi ? Les Tables de la Loi avaient été brisées par Moïse qui les avait jetées à terre  cause du  péché de son peuple. Jésus écrivant à terre ne  reprend-il pas la Loi  à l’endroit-même  où elle avait été détruite ?  Le texte écrit, par Jésus aura pourtant le même sort.  Il sera effacé d’un coup de vent et les pas des hommes qui le fouleront  le rendront illisible. Jadis, une deuxième édition des tables avait été réalisée et enfermée dans l’arche sainte, mais elle n’avait pas la perfection de la première. Elle était appelée à une nouvelle écriture quand les hommes seraient capables de la comprendre. Ce temps était-il arrivé ? Quant au texte écrit par Jésus, sur lequel il s’est penché par deux fois, nul ne pourra jamais le lire à terre, mais ne  se trouvera-t-il  pas gravé dans notre cœur au lendemain de la résurrection ?

La femme est donc placée au milieu du cercle par ses accusateurs face à Jésus. Elle n’est même plus une femme, elle est l’incarnation du péché qu’elle est sensée avoir commis, elle est le péché. Elle a perdu tout ce qu’elle avait d’humain, elle reste l’enjeu d’un débat subtil dans lequel Jésus n’est pas encore intervenu. Elle ne risque même pas la mort car à l’époque on appliquait plus la Loi dans toute sa rigueur. Elle risque le déshonneur et l’infamie.

Si Jésus ne lui parle pas, s’il ne plaide pas en sa faveur, c’est qu’il ne veut pas entrer  dans un jeu pervers et morbide qui consisterait à vouloir la défendre, comme si malgré tout elle était coupable. Il lui fait la grâce de ne pas intervenir pour ne pas l’enfermer dans un péché qu’elle n’a peut-être pas commis. Il ne veut en rien entrer dans cette controverse que soutiennent les pharisiens selon laquelle la Loi  divine envoyait les coupables à la mort, comme si Dieu lui-même voulait leur  mort.

Puisqu’il est fait ici état du péché,  que ce soit le péché d’adultère dont cette femme est accusée, ou toute autre forme de péché, c’est sur ce terrain-là que Jésus ramène le propos. Jésus alors se redresse et sans doute les regarde bien en face car tous sont concernés.  Puisque selon leur interprétation de la Loi, le péché mène à la mort et qu’il n’y a aucune place pour le pardon et la vie, il faut donc que la mort soit donnée par une main sans péché.

Si tous ont péché, ils portent en eux leur propre mort. Il faut donc que celui qui n’a pas de mort en lui décide de la mort des autres. Ces deux choses sont incompatibles car il est impossible d’être impliqué dans la vie  et de porter en même temps la mort. Tel est Dieu. Il est vie, il est pourvoyeur de vie, il n’y a pas de trace de mort en lui, comment pourrai-il la donner ?

Tel est l’enseignement de Jésus sur Dieu. Pour lui, la Loi de Dieu ne peut pas conduire à la mort. Si elle révèle les fautes et toutes les formes que peut prendre le  péché, elle porte  aussi en elle les possibilités de repentance et de pardon qui mènent à la vie. C’est ce que nous révèlera l’apôtre Paul quand il montrera que Jésus, par son enseignement et son action dépasse toujours la mort pour offrir à tous une possibilité de vie.

Tous, se sentant  accusés par eux-mêmes, car tous étaient porteurs de péchés,  s’en vont l’un après l’autre en commençant par les plus vieux. Cet événement est rapporté de telle sorte que le lecteur qui a un peu de culture biblique, et c’est le cas des scribes et des pharisiens, se souvient du récit de Suzanne et des vieillards, dans l’apocryphe du prophète  Daniel.

L’histoire est sensée se passer pendant ou après l’exil à Babylone. Suzanne épouse d’un riche dignitaire de la communauté juive  fut surprise par  2  vieillards lubriques, qui étaient juges pour la communauté juive. Ils tentèrent  en vain de la séduire. Outragés par son refus ils la trainèrent devant le tribunal l’accusant d’avoir commis un adultère avec un beau jeune homme qui se serait sauvé à leur approche. Au moment où le tribunal allait la condamner à mort, Daniel intervint. Il demanda que l’on interroge séparément les deux vieillards sur l’emplacement exact  du lieu du délit. Naturellement ils se contredirent, Suzanne fut sauvée et les deux vieillards exécutés.


Sans doute les accusateurs de la femme instruits par cette histoire se retirèrent pour ne pas tomber dans le piège que Jésus avait retourné contre eux. Jésus alors s’adressa à la femme en l’appelant « femme », comme il l’avait fait pour sa propre mère dans l’événement de Cana. La femme ainsi réhabilitée par Jésus est promise à une nouvelle forme de vie où le péché n’entraînera plus la mort et   où Dieu sera porteur de vie pour tous les coupables qui se tourneront vers lui.

Quand Jésus lui dit de ne plus pécher, ce n’est pas de l’adultère dont il parle, car le procès n’ayant pas eu lieu on ne sait pas si l’accusation pouvait tenir encore, il la met en garde contre toute forme de péché. Il conduit à la mort quand il est géré par les hommes, mais il s’ouvre toujours à la vie quand on le confie à Dieu. Tout regard que l’on porte vers Dieu porte en lui un signe de repentance qui s’accompagne toujours d’une forme de pardon,  si bien que  tout péché, quel qu’il soit,  appelle le pardon de Dieu qui est l’expression de son amour pour tous les hommes  et  les conduit vers la vie. 


Une dernière question reste cependant sans réponse. Il s’agit de savoir ce que Jésus avait écrit. L’affaire est classée,  les gens sont passés et ont effacé les mots écrits, mais on peut dire à coup sûr  que ces mots sont  maintenant écrits dans notre cœur comme une nouvelle Loi issue de l’amour de Dieu.  Ce texte écrit  par Jésus devait  porter  l’empreinte du mot  «  vie », car le Dieu qui sauve dans la Bible n’est-il est pas appelé « le vivant », celui qui donne la vie ?

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