jeudi 14 février 2013

Luc 15 :11-32


Luc 15 :11-32:  La parabole du fils perdu et retrouvé Dimanche  10 mars 2013

11 Il dit encore : Un homme avait deux fils. 12 Le plus jeune dit à son père : « Père, donne-moi la part de fortune qui doit me revenir. » Le père partagea son bien entre eux. 13 Peu de jours après, le plus jeune fils convertit en argent tout ce qu'il avait et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en vivant dans la débauche. 14 Lorsqu'il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays, et il commença à manquer de tout. 15 Il se mit au service d'un des citoyens de ce pays, qui l'envoya dans ses champs pour y faire paître les cochons. 16 Il aurait bien désiré se rassasier des caroubes que mangeaient les cochons, mais personne ne lui en donnait. 17 Rentré en lui-même, il se dit : « Combien d'employés, chez mon père, ont du pain de reste, alors que moi, ici, je meurs de faim ? 18 Je vais partir, j'irai chez mon père et je lui dirai : “Père, j'ai péché contre le ciel et envers toi ; 19 je ne suis plus digne d'être appelé ton fils ; traite-moi comme l'un de tes employés.”  » 20 Il partit pour rentrer chez son père. Comme il était encore loin, son père le vit et fut ému ; il courut se jeter à son cou et l'embrassa.21 Le fils lui dit : « Père, j'ai péché contre le ciel et envers toi, je ne suis plus digne d'être appelé ton fils. » 22 Mais le père dit à ses esclaves : « Apportez vite la plus belle robe et mettez-la-lui ; mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds. 23 Amenez le veau engraissé et abattez-le. Mangeons, faisons la fête, 24 car mon fils que voici était mort, et il a repris vie ; il était perdu, et il a été retrouvé ! » Et ils commencèrent à faire la fête.

25 Or le fils aîné était aux champs. Lorsqu'il revint et s'approcha de la maison, il entendit de la musique et des danses. 26 Il appela un des serviteurs pour lui demander ce qui se passait. 27Ce dernier lui dit : « Ton frère est de retour, et parce qu'il lui a été rendu en bonne santé, ton père a abattu le veau engraissé. » 28 Mais il se mit en colère ; il ne voulait pas entrer. Son père sortit le supplier. 29 Alors il répondit à son père : « Il y a tant d'années que je travaille pour toi comme un esclave, jamais je n'ai désobéi à tes commandements, et jamais tu ne m'as donné un chevreau pour que je fasse la fête avec mes amis ! 30 Mais quand ton fils que voici est arrivé, lui qui a dévoré ton bien avec des prostituées, pour lui tu as abattu le veau engraissé ! » 31 Le père lui dit : « Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi ; 32 mais il fallait bien faire la fête et se réjouir, car ton frère que voici était mort, et il a repris vie ; il était perdu, et il a été retrouvé ! » 


Est-il possible de reconnaître Dieu dans l’image de ce Père dont la bonté cache son incapacité à gérer ses fils dont le mauvais comportement nous apparaît être le résultat d’une éducation déficiente. On ne peut pas dire que l’amour dont il les a aimés soit partagé  puisque le fils cadet va conserver de lui l’image d’un père faible que l’on peut manipuler. Le fils ainé, quant à lui a retenu de son père l’image d’un homme qui veut tout contrôler et qui ne laisse aucune liberté à son enfant c’est pourquoi il  n’ose pas s’assumer de peur de l’offenser.

En fait, le principe éducatif de ce père semble être simpliste et fonctionne de la même façon pour ses deux fils. Il considère que tant que ses fils résident sous son toit, c’est lui qui décide de tout car lui seul sait ce qui est bon pour eux. C’est ainsi qu’il prétend les aimer. Si ses enfants décident de le quitter, il ne s’y oppose pas et il leur donne les moyens  de subsister sans lui. C’est ce qui se passe pour le fils cadet. Il sait cependant qu’il reviendra car il est trop dépendant de lui.

Partage des biens du Père
Ne voit-on pas dans ce portrait l’esquisse de l’image de Dieu que diffusent nos églises. Dieu y est présenté comme  celui qui sait ce qui est bon pour chacun et il agit pour le bonheur de tous. Si on prend la liberté d’aller voir ailleurs, cette éventualité a été prévue. La liturgie du baptême des enfants ne dit-elle pas que « si un jour il venait à s’écarter de l’église, sa place y restera toujours marquée. »

Le fils cadet est à peine parti que son Père se met à attendre son retour, comme il est dit de  celui qui se sépare de l’église, tant il est vrai qu’on ne peut pas être mieux que dans la maison du Père. Cette attitude aimante de Dieu qui n’intervient pas et qui patiemment attend le retour du prodigue nous convient bien, et on l’a souvent enseignée mais est-elle la bonne ?  Les deux fils ont-ils eu la liberté de faire d’autre choix que celui qu’ils ont fait ? Le deuxième qui part, a-t-il la liberté de ne pas revenir, et celui qui reste a-t-il la liberté de faire autre chose que de rester ?

Face au Père qui écrase ses fils par sa bonté possessive, les fils ont fait des choix différents qui en fait sont les mêmes. Le cadet  trop à l’étroit dans cette demeure où l’amour trop pesant l’étouffe n’a qu’une idée, celle de partir, de fuguer, d’accomplir  son Œdipe, mais il n’en a pas les moyens. Comment peut-il jouir d’une liberté si facilement  acquise, alors qu’on ne lui en a pas donné les moyens. On ne lui a rien appris à faire, il n’a aucun talent à développer. Il ne sait rien faire et il a beaucoup trop d’argent à sa disposition. Ce qui devait arriver arriva. L’échec était prévu,  car le Père ne lui a pas donné les moyens de vraiment tenter sa chance. Sans formation et avec trop d’argent il ne pouvait faire autre chose que ce qu’il a fait et il a couru à sa  perte.

L’autre fils n’a pas le même caractère, il ne va pas faire les mêmes choix, mais comme  pour son frère il court à sa perte car il n’a aucun moyen de s’émanciper et de donner un autre sens à sa vie que celui prévu par le Père. Il a retenu de son éducation que son Père savait mieux que personne ce qu’il fallait faire et qu’il avait déjà les réponses aux questions qu’il pourrait se poser. Il lui est impossible  de s’écarter cette ligne de conduite.

L’un et l’autre montrent par leurs réactions qu’ils n’étaient pas heureux avec ce père trop sûr de lui pour faire le bonheur de ses enfants.

Vouloir reconnaître Dieu dans l’image stéréotypée  de ce vieux monsieur veuf qui  n’a qu’une seule peur, celle de perdre ses enfants  et qui finalement les perd  est impossible. Ce n’est en tout cas pas la bonne méthode pour aborder la parabole, car le Dieu que Jésus a voulu nous présenter comme son père n’est pas figé dans un personnage passif. Le père souhaité par Jésus aurait accompagné son fils  cadet dans ses errances lointaines, comme il le fit pour   Abraham, Jonas ou Paul de Tarse au lieu de lui donner tout cet d’argent dont il ne pouvait  faire qu’un mauvais usage.

Il serait allé  depuis longtemps au-devant de son fils ainé en pleine déprime pour lui apprendre à surmonter ses frustrations. Il l’aurait même poussé dehors pour surmonter ses complexes et devenir responsable.  Le Dieu de Jésus Christ ne  décide pas  de ce qui est bon pour chacun de nous, mais il ouvre les portes, il accompagne, il se met en mouvement, il ouvre des perspectives de vie chargées d’espérance  et il court  l’aventure avec nous car il ne nous donne pas tout, mais il nous aide à acquérir ce dont nous avons besoin.

Au risque de choquer ceux qui comprennent cette parabole comme  l’histoire du Père admirable font l’erreur de penser que l’image de  ce père correspond à celle de Dieu telle que Jésus nous la propose. En fait le Père lui-même va  changer à mesure que l’histoire se déroule.  C’est au moment où le Père qui attend son cadet  et  va vers lui,  qu’il se met à ressembler vraiment  Dieu. Il renonce à sa dignité, il sort de sa réserve et se met à courir, même s’il en perd ses babouches. Il ne tergiverse plus pour savoir ce qu’il doit faire pour l’accueillir, il laisse parler son cœur. Il n’écoute pas le repentir, il ne veut rien savoir de ses errances il est tout amour et il abandonne tout pour retrouver son fils. Tel est Dieu
départ du fils cadet

Occupé à aimer le fils cadet, il n’oublie pas l’ainé. Il sort de la maison et se comporte avec lui de la même façon qu’il l’a fait  pour le plus jeune. Il va à sa rencontre et se met à l’aimer comme il ne l’avait jamais fait auparavant. Il se penche sur sa souffrance  et tente  de l’ouvrir à l’avenir. Le Père d’avant ne courait pas à la rencontre de ses fils parce qu’il savait ce qui  était bien pour eux. Après les événements qui ont été racontés, il renonce à lui-même pour leur exprimer son amour au risque d’être mal reçu.

Avec ce changement d’attitude du Père s’opère en nous une autre vision de Dieu.  Nous sommes passés, sans nous en rendre compte, du Dieu d’Israël au Dieu de Jésus Christ.  Au  début du récit,  nous avons  reconnu le Dieu de Moïse qui savait la bonne route à suivre. On l’avait enfermé dans la Loi,  puis  on l’a enfermé dans le Temple et ses rites. Ce Dieu était celui dont la seule présence suffisait à combler ses adorateurs, croyait-on. C’est aussi celui que nous rencontrons le plus souvent dans nos églises. Mais à mesure que l’histoire se déroule et que le comportement du Père change, c’est le visage de Dieu qui se transforme. Il se met à ressembler  à celui  que Jésus appelle son Père et qu’il nous propose comme Père.

 Il sort de lui-même et  court le risque de s’adapter à nous  au point d’être rejeté  par certains. Comme le fils ainé figé sur le pas de la porte beaucoup  hésitent  à partager l’amour du Père pour son frère. C’est pourtant  en le  faisant qu’il montera qu’il a tout compris et c’est à agir comme  cela que Dieu  nous invite. Le fils ainé le fera-t-il ? Le ferons-nous ? C’est sur ce point précis que se pose la question de notre foi.

Le Dieu que nous découvrons à la fin de cette parabole est un Dieu qui vient vers les hommes qui leur prodigue son amour au point de les laisser libres de le refuser. Jadis le fils cadet avait cru que pour être libre, il fallait qu’il s’écarte de son Père, maintenant à la porte du jardin le fils ainé ne pourra être libre que s’il entre avec le Père pour partager la vie de son frère. Ce n’est pas gagné, mais Dieu ne peut rien faire de plus  parce qu’il a tout donné.
retour du fils cadet

Dieu lui aussi est sorti du carcan de la tradition où il était enfermé pour se jeter à corps perdu vers la nouvelle vie  que ses fils s’apprêtent à mener. Mais tout n’est pas gagné  à l’avance. Ils  n’ont pas encore fait le choix qui leur est proposé à savoir de s‘aimer assez pour  travailler  ensemble  dans l’exploitation du Père.  La vie est une aventure merveilleuse  et périlleuse tout à la fois que Dieu se propose de partager avec nous hors des sentiers battus de la facilité. 

Les illustrations sont de Bortolomeo Esteban Murillo


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