lundi 10 juin 2013

Luc 10:1-20




Luc 10 :1-20 - L'envoi des soixante douze - dimanche 7 juillet 2013.


1 Après cela, le Seigneur en désigna soixante-douze autres et les envoya devant lui, deux à deux, dans toute ville et en tout lieu où lui-même devait se rendre. 2 Il leur disait : La moisson est grande, mais il y a peu d'ouvriers. Priez donc le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers dans sa moisson. 3 Allez ! Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. 4 Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales, et ne saluez personne en chemin. 5 Dans toute maison où vous entrerez, dites d'abord : « Que la paix soit sur cette maison ! » 6 Et s'il se trouve là un homme de paix, votre paix reposera sur lui ; sinon, elle reviendra à vous. 7 Demeurez dans cette maison-là, mangez et buvez ce qu'on vous donnera, car l'ouvrier mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison. 8 Dans toute ville où vous entrerez et où l'on vous accueillera, mangez ce qu'on vous offrira, 9 guérissez les malades qui s'y trouveront, et dites-leur : « Le règne de Dieu s'est approché de vous. » 10 Mais dans toute ville où vous entrerez et où l'on ne vous accueillera pas, allez dans les grandes rues et dites : 11 « Même la poussière de votre ville qui s'est attachée à nos pieds, nous la secouons pour vous la rendre ; sachez pourtant que le règne de Dieu s'est approché. » 12 Je vous dis qu'en ce jour-là ce sera moins dur pour Sodome que pour cette ville-là.

13 Quel malheur pour toi, Chorazin ! Quel malheur pour toi, Bethsaïda ! Si les miracles qui ont été faits chez vous avaient été faits à Tyr et à Sidon, il y a longtemps que leurs habitants auraient changé radicalement, qu'ils se seraient vêtus de sacs et assis dans la cendre ! 14 C'est pourquoi, lors du jugement, ce sera moins dur pour Tyr et Sidon que pour vous. 15 Et toi, Capharnaüm, seras-tu élevée jusqu'au ciel ? Tu descendras jusqu'au séjour des morts !

16 Celui qui vous écoute m'écoute, celui qui vous rejette me rejette, et celui qui me rejette, rejette celui qui m'a envoyé. 


17 Les soixante-douze revinrent avec joie et dirent : Seigneur, même les démons nous sont soumis par ton nom. 18 Il leur dit : Je voyais le Satan tomber du ciel comme un éclair. 19 Je vous ai donné l'autorité pour marcher sur les serpents et les scorpions, et sur toute la puissance de l'ennemi, et rien ne pourra vous faire de mal. 20Cependant, ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis, mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont inscrits dans les cieux.




Sur les routes qui le mènent de Samarie à Jérusalem, Jésus offre à ses amis, un exercice  pratique, grandeur nature sur le thème de l’Evangélisation. Ils viennent tous ensemble d’essuyer un échec en traversant la Samarie où ils ne furent pas accueillis comme ils espéraient. D’autres déboires les attendent dans la Ville sainte. Le poids de l’échec apparent pèse encore sur eux. Il est sans doute  susceptible d’émousser leurs velléités de partir à la conquête du monde. Pourtant Jésus ne leur accorde aucun repos et les remet immédiatement au travail. Forts de l’expérience passée où Jésus leur a interdit d’imposer leurs idées par la force, ils sont  maintenant livrés à eux-mêmes avec pour seule arme leur propre faiblesse qui leur servira de force de conviction. 


Quoi qu’il en soit,  le récit pétille de joie et d’espérance. Jésus s’est mis lui-même en retrait de l’exercice. Il ne les accompagne pas, mais du lieu où il se tient, il anticipe ce qu’ils vont vivre et participe à leur expérience. Il sait déjà qu’ils vont rencontrer des revers et qu’ils vont être confrontés à des obstacles auxquels ils ne s’attendent pas. Mais il sait déjà par avance que leur entreprise sera couronnée de succès. Ils se retrouvent déjà sur le terrain de l’évangélisation, dans des  conditions semblables à celles  qu’ils connaîtront dans quelques temps après que  le Seigneur ait été  emporté par la mort. 

Bien que ressuscité il sera effacé  à leurs yeux  par l’ascension, mais restera présent et actif par l’action du Saint Esprit. C’est ainsi qu’est l’Église aujourd’hui. Elle est pleine de projets audacieux, remplie de bonnes intentions, mais se trouve terriblement  seule et démunie pour réaliser les projets  que lui inspire le saint Esprit.


Déjà nous entendons dans ce texte toutes les exhortations que nous ne cessons de nous adresser à nous-mêmes pour nous encourager : « la moisson du monde est grande, mais il y a peu d’ouvriers ». Depuis, cette formule est devenue constitutive de la mission de l’Eglise. Comment pourrait-il en être autrement ? Le projet reste audacieux, il s’agit d’apporter au monde les éléments que Dieu nous inspire  pour améliorer son fonctionnement  et le rendre conforme aux projets de Dieu. Il s’agit d’aller vers les hommes, avec la bénédiction du Seigneur, et de les inviter à changer leurs manière de se comporter.

Les propos sont révolutionnaires. Ils ont  une teneur sociale évidente, comme si  Dieu donnait priorité aux préceptes sociaux avant de donner priorité aux préceptes religieux et moraux. Il s’agit en priorité d’inviter les plus privilégiés à partager leur abondance, mais il s’agit aussi de dire aux autres qu’ils ont à partager le peu qu’ils ont. Même si de tels propos sont frappés au coin du bon sens, ils ne séduiront personne. Si on rajoute à une telle invitation que Dieu les rendra heureux s’ils mettent ses préceptes en pratique, ils peuvent se demander qui acceptera cette nouvelle approche de la religion ? Même la théologie de la grâce si chère aux Eglises de la réforme n’y trouve pas son compte.


Les disciples savent par avance que de tels propos n’ont aucune chance d’être attractifs pour  les masses  laborieuses et  qu’ils  auront du mal à s’imposer. Pourtant, ils feront école et c’est sur ce principe de fraternité que s’édifiera l’Église. Ce ne sera pas facile. Le livre des Actes ne  nous raconte-t-il pas les difficultés  que les chrétiens éprouvent à vivre en communauté  au début de leur existence en église. Les lettres de Paul nous racontent aussi que l’apôtre a été obligé de rappeler à l’ordre ceux qui ne se comportaient  pas de  manière fraternelle. Jésus  a prévenu les missionnaires débutants en leur disant que leurs propos seraient mal reçus. Même si ça leur fait du bien de secouer la poussière de leur pieds sur le pas de la porte des récalcitrants. Ils déclencheront malgré-tout des réactions qui mettront leur vie en péril.


Pour être crédible, leur attitude ne devra pas être ostentatoire. Ils n’auront donc pas besoin de bourse, ni de chaussures de rechange. Ils n’afficheront pas non plus une politesse de façade, qui les rendrait acceptables. Il ne s’agit pas de changer la teneur de leur discours en fonction de ceux qui les écoutent. Le discours de la vérité qu’ils doivent tenir c’est celui qu’ils ont reçu dans l’Evangile  que Jésus leur a enseigné : c’est celui de l’amour du prochain, c’est celui de la justice et de la paix, la paix qui vient de Dieu et qu’il destine à tous les hommes.


La paix selon Jésus consiste à entrer  dans un projet qui mette les hommes en harmonie avec Dieu tel que Jésus l’a enseigné. C’est avec de tels principes que se construira le Royaume que Dieu se propose d’édifier en collaboration avec les hommes.  Si telle était la mission des 72 telle est encore la mission de l’Eglise qui a pour tâche de prolonger à l’infini les enseignements de Jésus. Sans se confondre avec les actions humanitaires qui se pratiquent dans le monde, elle y participe  cependant.  Elle s’efforce d’y rendre évidents  les préceptes de partage, d’amour et fraternité qu’elle a reçu de son Seigneur. Malgré des déboires apparents nous dit le texte, cela marche quand même, si bien qu’une telle attitude  est porteuse d’espérance.


Aujourd’hui, dans des pays comme le nôtre, les églises ont parfois l’impression que leur impact sur la société s’affaiblit. Elles ont l’impression qu’elles ne jouent plus de rôle significatif auprès de leurs concitoyens qui trouvent ailleurs que dans leurs rangs les justificatifs de leurs action. Les plus actifs en leur sein ont envie de baisser les bras et de se réfugier dans la piété individuelle plus  propice à sauver les âmes, croient-ils.


En fait si Jésus nous envoie vers les autres, c’est pour les aider à se  libérer de ce qui les oppresse. Il s’agit de la faim, la soif, la malnutrition, la maladie, l’injustice. Ils n’ont a pas à  se sentir déchargés de ces tâches,  même  si d’autres les exercent avec eux et participent ainsi à donner de l’espérance au monde.  L’espérance consiste à engager sa vie dans un processus porteur d’avenir. Et  Dieu seul connaît les clés de l’avenir et peut nous aider à l’ouvrir à tous ceux qui désespèrent de leur propre vie. C’est une évidence de dire qu’aujourd’hui  les hommes sont en manque d’espérance, et c’est aujourd’hui une chose vraiment porteuse d’avenir de leur dire que l’espérance est devant eux .


L’esprit de Dieu qui n’a jamais cessé de souffler sur nos communautés tient  en réserve pour nous des trésors d’espérance que nous devons partager avec ceux qui n’en ont plus. C’est la qualité de la vie vers laquelle notre foi nous entraîne qui est signe d’espérance.  Dieu nous donne de l’appétit pour la vie,  car c’est une valeur qui lui appartient. C’est cette valeur là que   nous devons partager avec les autres  pour qu’ensemble nous continuions la construction d’une société  où il fait bon vivre et espérer.


Pourtant, si nous revenons à notre texte, nous y entendons de la part de Jésus des propos menaçants à l’égard des villes qui ont reçu le message de  l’Evangile et qui n’en ont pas tenu compte. Ces invectives nous troublent parce qu’elles sont en décalage par rapport à l’espérance  que nous avons cru entendre de la part de Jésus.


 Il ne faut sans doute pas les prendre comme des menaces, et encore moins  comme des jugements  qui nous soulageraient face à nos échecs. Il s’agit avant tout des conséquences que produira le non-respect de l’Evangile. Si l’avenir du monde ne peut se construire que sur l’espérance que Dieu transmet aux hommes dans les termes où nous l’avons dit, il est clair qu’il ira  à sa perte s’il ne sait pas  vivre de l’espérance que Dieu lui donne, car sa perte entraînerait la nôtre. Il nous faut faire confiance aux efforts conjugués du saint Esprit et de la sagesse humaine pour que l’amour de Dieu réussisse à adoucir la dureté des cœurs humains et à permettre à l’espérance d’éclairer leur avenir.




Dieu nous fait donc confiance pour apporter aux  autres  ce qui leur permettra de vivre de  la vie que Dieu leur donne.  L’Eglise, par la grâce de Dieu est  donc porteuse de notre avenir et de l’avenir du monde.




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