Luc 10 :1-20 - L'envoi des soixante douze - dimanche 7 juillet 2013.
1 Après cela, le Seigneur en désigna soixante-douze autres et les
envoya devant lui, deux à deux, dans toute ville et en tout lieu où lui-même
devait se rendre. 2 Il leur disait : La moisson est grande, mais il y a
peu d'ouvriers. Priez donc le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers dans
sa moisson. 3 Allez ! Je vous envoie comme des agneaux au milieu des
loups. 4 Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales, et ne saluez personne en
chemin. 5 Dans toute maison où vous entrerez, dites d'abord : « Que
la paix soit sur cette maison ! » 6 Et s'il se trouve là un homme de
paix, votre paix reposera sur lui ; sinon, elle reviendra à vous. 7 Demeurez
dans cette maison-là, mangez et buvez ce qu'on vous donnera, car l'ouvrier
mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison. 8 Dans toute ville où
vous entrerez et où l'on vous accueillera, mangez ce qu'on vous offrira, 9 guérissez
les malades qui s'y trouveront, et dites-leur : « Le règne de Dieu
s'est approché de vous. » 10 Mais dans toute ville où vous entrerez et où
l'on ne vous accueillera pas, allez dans les grandes rues et dites : 11 « Même
la poussière de votre ville qui s'est attachée à nos pieds, nous la secouons
pour vous la rendre ; sachez pourtant que le règne de Dieu s'est
approché. » 12 Je vous dis qu'en ce jour-là ce sera moins dur pour Sodome
que pour cette ville-là.
13 Quel malheur pour toi, Chorazin ! Quel malheur pour toi,
Bethsaïda ! Si les miracles qui ont été faits chez vous avaient été faits
à Tyr et à Sidon, il y a longtemps que leurs habitants auraient changé
radicalement, qu'ils se seraient vêtus de sacs et assis dans la cendre ! 14
C'est pourquoi, lors du jugement, ce sera moins dur pour Tyr et Sidon que pour
vous. 15 Et toi, Capharnaüm, seras-tu élevée jusqu'au ciel ? Tu descendras
jusqu'au séjour des morts !
16 Celui qui vous écoute m'écoute, celui qui vous rejette me
rejette, et celui qui me rejette, rejette celui qui m'a envoyé.
17 Les soixante-douze revinrent avec joie et
dirent : Seigneur, même les démons nous sont soumis par ton nom. 18 Il
leur dit : Je voyais le Satan tomber du ciel comme un éclair. 19 Je vous
ai donné l'autorité pour marcher sur les serpents et les scorpions, et sur
toute la puissance de l'ennemi, et rien ne pourra vous faire de mal. 20Cependant,
ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis, mais
réjouissez-vous de ce que vos noms sont inscrits dans les cieux.
Sur
les routes qui le mènent de Samarie à Jérusalem, Jésus offre à ses amis, un
exercice pratique, grandeur nature sur
le thème de l’Evangélisation. Ils viennent tous ensemble d’essuyer un échec en
traversant la Samarie où ils ne furent pas accueillis comme ils espéraient.
D’autres déboires les attendent dans la Ville sainte. Le poids de l’échec
apparent pèse encore sur eux. Il est sans doute
susceptible d’émousser leurs velléités de partir à la conquête du monde.
Pourtant Jésus ne leur accorde aucun repos et les remet immédiatement au
travail. Forts de l’expérience passée où Jésus leur a interdit d’imposer leurs
idées par la force, ils sont maintenant
livrés à eux-mêmes avec pour seule arme leur propre faiblesse qui leur servira
de force de conviction.
Quoi
qu’il en soit, le récit pétille de joie
et d’espérance. Jésus s’est mis lui-même en retrait de l’exercice. Il ne les
accompagne pas, mais du lieu où il se tient, il anticipe ce qu’ils vont vivre
et participe à leur expérience. Il sait déjà qu’ils vont rencontrer des revers
et qu’ils vont être confrontés à des obstacles auxquels ils ne s’attendent pas.
Mais il sait déjà par avance que leur entreprise sera couronnée de succès. Ils
se retrouvent déjà sur le terrain de l’évangélisation, dans des conditions semblables à celles qu’ils connaîtront dans quelques temps après
que le Seigneur ait été emporté par la mort.
Bien
que ressuscité il sera effacé à leurs
yeux par l’ascension, mais restera
présent et actif par l’action du Saint Esprit. C’est ainsi qu’est l’Église
aujourd’hui. Elle est pleine de projets audacieux, remplie de bonnes
intentions, mais se trouve terriblement
seule et démunie pour réaliser les projets que lui inspire le saint Esprit.
Déjà
nous entendons dans ce texte toutes les exhortations que nous ne cessons de
nous adresser à nous-mêmes pour nous encourager : « la moisson du
monde est grande, mais il y a peu d’ouvriers ». Depuis, cette formule est
devenue constitutive de la mission de l’Eglise. Comment pourrait-il en être
autrement ? Le projet reste audacieux, il s’agit d’apporter au monde les
éléments que Dieu nous inspire pour
améliorer son fonctionnement et le
rendre conforme aux projets de Dieu. Il s’agit d’aller vers les hommes, avec la
bénédiction du Seigneur, et de les inviter à changer leurs manière de se
comporter.
Les
propos sont révolutionnaires. Ils ont
une teneur sociale évidente, comme si
Dieu donnait priorité aux préceptes sociaux avant de donner priorité aux
préceptes religieux et moraux. Il s’agit en priorité d’inviter les plus
privilégiés à partager leur abondance, mais il s’agit aussi de dire aux autres
qu’ils ont à partager le peu qu’ils ont. Même si de tels propos sont frappés au
coin du bon sens, ils ne séduiront personne. Si on rajoute à une telle
invitation que Dieu les rendra heureux s’ils mettent ses préceptes en pratique,
ils peuvent se demander qui acceptera cette nouvelle approche de la
religion ? Même la théologie de la grâce si chère aux Eglises de la
réforme n’y trouve pas son compte.
Les
disciples savent par avance que de tels propos n’ont aucune chance d’être
attractifs pour les masses laborieuses et qu’ils
auront du mal à s’imposer. Pourtant, ils feront école et c’est sur ce
principe de fraternité que s’édifiera l’Église. Ce ne sera pas facile. Le livre
des Actes ne nous raconte-t-il pas les
difficultés que les chrétiens éprouvent
à vivre en communauté au début de leur
existence en église. Les lettres de Paul nous racontent aussi que l’apôtre a
été obligé de rappeler à l’ordre ceux qui ne se comportaient pas de
manière fraternelle. Jésus a
prévenu les missionnaires débutants en leur disant que leurs propos seraient
mal reçus. Même si ça leur fait du bien de secouer la poussière de leur pieds
sur le pas de la porte des récalcitrants. Ils déclencheront malgré-tout des
réactions qui mettront leur vie en péril.
Pour
être crédible, leur attitude ne devra pas être ostentatoire. Ils n’auront donc
pas besoin de bourse, ni de chaussures de rechange. Ils n’afficheront pas non
plus une politesse de façade, qui les rendrait acceptables. Il ne s’agit pas de
changer la teneur de leur discours en fonction de ceux qui les écoutent. Le
discours de la vérité qu’ils doivent tenir c’est celui qu’ils ont reçu dans
l’Evangile que Jésus leur a
enseigné : c’est celui de l’amour du prochain, c’est celui de la justice
et de la paix, la paix qui vient de Dieu et qu’il destine à tous les hommes.
La
paix selon Jésus consiste à entrer dans
un projet qui mette les hommes en harmonie avec Dieu tel que Jésus l’a
enseigné. C’est avec de tels principes que se construira le Royaume que Dieu se
propose d’édifier en collaboration avec les hommes. Si telle était la mission des 72 telle est
encore la mission de l’Eglise qui a pour tâche de prolonger à l’infini les
enseignements de Jésus. Sans se confondre avec les actions humanitaires qui se
pratiquent dans le monde, elle y participe
cependant. Elle s’efforce d’y
rendre évidents les préceptes de
partage, d’amour et fraternité qu’elle a reçu de son Seigneur. Malgré des
déboires apparents nous dit le texte, cela marche quand même, si bien qu’une
telle attitude est porteuse d’espérance.
Aujourd’hui,
dans des pays comme le nôtre, les églises ont parfois l’impression que leur
impact sur la société s’affaiblit. Elles ont l’impression qu’elles ne jouent
plus de rôle significatif auprès de leurs concitoyens qui trouvent ailleurs que
dans leurs rangs les justificatifs de leurs action. Les plus actifs en leur
sein ont envie de baisser les bras et de se réfugier dans la piété individuelle
plus propice à sauver les âmes, croient-ils.
En
fait si Jésus nous envoie vers les autres, c’est pour les aider à se libérer de ce qui les oppresse. Il s’agit de
la faim, la soif, la malnutrition, la maladie, l’injustice. Ils n’ont a pas à se sentir déchargés de ces tâches, même
si d’autres les exercent avec eux et participent ainsi à donner de
l’espérance au monde. L’espérance
consiste à engager sa vie dans un processus porteur d’avenir. Et Dieu seul connaît les clés de l’avenir et
peut nous aider à l’ouvrir à tous ceux qui désespèrent de leur propre vie.
C’est une évidence de dire qu’aujourd’hui
les hommes sont en manque d’espérance, et c’est aujourd’hui une chose
vraiment porteuse d’avenir de leur dire que l’espérance est devant eux .
L’esprit
de Dieu qui n’a jamais cessé de souffler sur nos communautés tient en réserve pour nous des trésors d’espérance
que nous devons partager avec ceux qui n’en ont plus. C’est la qualité de la
vie vers laquelle notre foi nous entraîne qui est signe d’espérance. Dieu nous donne de l’appétit pour la
vie, car c’est une valeur qui lui
appartient. C’est cette valeur là que
nous devons partager avec les autres
pour qu’ensemble nous continuions la construction d’une société où il fait bon vivre et espérer.
Pourtant,
si nous revenons à notre texte, nous y entendons de la part de Jésus des propos
menaçants à l’égard des villes qui ont reçu le message de l’Evangile et qui n’en ont pas tenu compte.
Ces invectives nous troublent parce qu’elles sont en décalage par rapport à
l’espérance que nous avons cru entendre
de la part de Jésus.
Il ne faut sans doute pas les prendre comme
des menaces, et encore moins comme des
jugements qui nous soulageraient face à
nos échecs. Il s’agit avant tout des conséquences que produira le non-respect
de l’Evangile. Si l’avenir du monde ne peut se construire que sur l’espérance
que Dieu transmet aux hommes dans les termes où nous l’avons dit, il est clair
qu’il ira à sa perte s’il ne sait
pas vivre de l’espérance que Dieu lui
donne, car sa perte entraînerait la nôtre. Il nous faut faire confiance aux
efforts conjugués du saint Esprit et de la sagesse humaine pour que l’amour de
Dieu réussisse à adoucir la dureté des cœurs humains et à permettre à
l’espérance d’éclairer leur avenir.
Dieu
nous fait donc confiance pour apporter aux
autres ce qui leur permettra de
vivre de la vie que Dieu leur
donne. L’Eglise, par la grâce de Dieu
est donc porteuse de notre avenir et de
l’avenir du monde.
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