lundi 31 août 2015

Marc 9:30-37 Jésus et les petits enfants 20 septembre 2015



(déjà publié en 2012)

30 Partis de là, ils traversaient la Galilée, et il ne voulait pas qu'on le sache. 31 Car il instruisait ses disciples et leur disait : Le Fils de l'homme est sur le point d'être livré aux humains ; ils le tueront, et, trois jours après sa mort, il se relèvera. 32 Mais les disciples ne comprenaient pas cette parole, et ils avaient peur de l'interroger. 
33 Ils arrivèrent à Capharnaüm. Lorsqu'il fut à la maison, il se mit à leur demander : A propos de quoi raisonniez-vous en chemin ? 34 Mais eux gardaient le silence, car, en chemin, ils avaient discuté pour savoir qui était le plus grand. 35 Alors il s'assit, appela les Douze et leur dit : Si quelqu'un veut être le premier, qu'il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. 36 Il prit un enfant, le plaça au milieu d'eux et, après l'avoir pris dans ses bras, il leur dit : 37 Quiconque accueille en mon nom un enfant, comme celui-ci, m'accueille moi-même ; et quiconque m'accueille, ce n'est pas moi qu'il accueille, mais celui qui m'a envoyé.

Ce ne sera une surprise pour personne si je dis que Jésus n’approuverait pas le fonctionnement de notre société. Il la  trouverait en parfaite contradiction avec ce qu’il a essayé de nous inculquer dans son Évangile. Il préconisait  en effet de corriger les erreurs  de ce monde en favorisant les humains les moins chanceux  dans notre société. C’est pour cela qu’il s’est permis de faire des miracles afin de remettre  parmi les gens normaux ceux qui étaient devenus des marginaux, c’est pourquoi il a  guéri des malades qui n’avaient aucune chance de vivre normalement. Il s’efforçait de redonner leur chance à ceux qui avaient été victimes d’injustices. C’est ainsi qu’il rendit sa dignité à une femme prostituée et qu’il permit à la femme adultère condamnée à mourir, de conserver la  vie. Le malade mental ainsi que le lépreux  ont pu retrouver  leur place dans la société des humains. Voilà quelques exemples relevés dans l’Evangile pour que  nous comprenions que Jésus préconisait une société qui aurait fonctionné à l’inverse de la nôtre.

Nous avons cependant du mal à comprendre ce qu’il voulait  nous dire quand il prit un enfant  dans ses bras et le proposa comme  exemple de ce qu’il fallait faire pour devenir grand dans notre monde. Nous avons d’autant plus de mal  à le comprendre, qu’aujourd’hui, les enfants sont au centre des préoccupations de notre société. L’enfant est devenu roi dans un monde où tout tourne autour de lui. Il est devenu le type même de consommateur que les marques cherchent à séduire tant il a pris de l’importance pour orienter le goût de ses propres parents.

Pourtant,  si l’enfant est roi dans les sociétés favorisées,  il ne l’est pas dans les sociétés  défavorisées, si bien qu’à côté du monde des enfants rois, il y a aussi le monde des enfants victimes. Dans les sociétés les plus  défavorisés, les enfants souffrent plus que les adultes  de la soif, de la faim  et des maladies. On en fait même des soldats  et des prostitués, garçons et filles.

Il nous fallait donc faire le point sur la situation de l’enfant dans nos sociétés postmodernes pour comprendre l’attitude de Jésus.  Il prend un enfant en exemple pour montrer quel chemin on doit suivre  si on veut devenir grand. Dans le monde contemporain de Jésus, l’enfant n’avait pas un sort enviable. Il  était le plus souvent  considéré comme une charge. Il était  avant tout une bouche de plus à nourrir. On le faisait travailler très tôt pour un salaire inexistant, c’est ainsi qu’il fournissait une main d’œuvre peu coûteuse dont on avait tendance à abuser.  Victimes de la mauvaise alimentation et de l’hygiène déficiente, beaucoup mouraient en bas âge. Sans doute l’enfant, était-il aimé par ses parents, comme le sont  tous les enfants du monde, mais il n’était pas choyé comme aujourd’hui. Les chagrins que causait la mortalité infantile poussaient les parents à ne pas trop s’attacher aux tout petits dont beaucoup ne survivaient pas à la petite enfance.

C’est donc dans ce contexte que Jésus intervint en plaçant  un enfant devant  eux à titre d’exemple. On se demande alors en quoi un enfant aurait pu donner un exemple de grandeur.  Un enfant n’avait pas d’instruction et  il n’avait aucun savoir. Il n’avait aucun exemple à donner si non sa naïveté. On ne comprend pas non plus en quoi les enfants auraient à nous donner des leçons  en matière de  foi. Comment pourrait-on être grand aux yeux de Dieu en se comparant à un enfant ?

Les enfants ne sont pas des adultes en miniature. Ils ne pensent pas comme des adultes, ils ne réagissent pas non plus comme eux. Ils ont des comportements qui leur sont  propres. Ils ont en particulier une faculté d’émerveillement que n’ont pas les adultes. En contrepartie, les adultes ont le savoir et la science. Ils ont aussi la sagesse,  pense-t-on.  Aujourd’hui, comme jadis, on donne un enseignement religieux aux enfants pour qu’ils puissent acquérir les notions élémentaires de la foi. Pour faire partie d’une communauté chrétienne, et avant d’avoir accès aux responsabilités dans l’Eglise  et prendre part à la Sainte Cène de manière officielle, il faut avoir franchi les différentes étapes du catéchisme.
Des adultes dûment patentés sont chargés d’enseigner les enfants, ils sont à la fois des enseignants et des gardiens de la tradition. C’était la même situation à l’époque de Jésus. Il était nécessaire  de connaître les 616 articles de la Loi ou tout au moins les dix commandements qu’il fallait respecter, pour espérer grandir dans la foi. C’est sur ce point que Jésus semble en désaccord avec nous et avec les adultes de son temps. Il semble contester le fait  que pour être un homme de foi il faille avoir acquis l’expérience  auprès de plus savants que soi. 

L’enfant plus que l’adulte  sait observer ce qui se passe en lui. Il découvre très vite que son cœur est habité de pensées bonnes et de pensées mauvaises. Il sait aussi que des sentiments parcourent son âme. Il a un sens de la beauté, de la justice, de la droiture. Mais  il ne sait pas mettre un nom sur l’origine de ces phénomènes, il ne sait pas que Dieu travaille en lui, mais il en constate les effets dans sa naïveté.  Pourtant,  très vite les adultes interviennent  pour expliquer ces mystères et pour lui indiquer la bonne voie à suivre et l’enfant perd sa candeur. Très vite ses parents puis ses enseignants vont lui apprendre à maîtriser le cours de ses émotions, et ils vont lui enseigner en même temps tout ce qu’il faut savoir  sur Dieu sur le péché sur la loi et l’enfant passe de la spontanéité  enfantine à la raison de l’adulte. 

L’enfant va  alors apprendre  ce que les hommes savent depuis des siècles sur  Dieu, et c’est ainsi qu’il deviendra un  adulte bien élevé et un croyant honnête face à Dieu. Mais Jésus trouve que les choses vont trop vite et que l’on ne s’arrête pas assez sur cette naïveté de l’enfant  qui lui permet d’entendre Dieu et de le repérer avant même qu’on lui ait enseigné à le faire.

Ainsi sans que les adultes, parents ou éducateurs s’en souviennent,  leur premier contact avec Dieu s’est fait à partir  d’observations et d’expériences  de vie intérieure  qu’ils ont faites quand ils étaient enfants et qu’ils ont gardées pour eux-mêmes, dans l’incapacité qu’ils étaient de pouvoir l’exprimer. Ce Dieu tout à l’intérieur d’eux-mêmes  a bien vite laissé la place   à un Dieu extérieur à eux-mêmes  qui avait les apparences que le monde des adultes avait bien voulu lui donner. 

Quelle que soit la façon dont les enfants entendent parler de Dieu par les adultes, cela  se passe  toujours de la même manière. Les adultes donnent une information sur Dieu sans se soucier des expériences  que peut avoir eu le petit enfant dans sa vie intérieure. 

Jésus sait bien, quant à lui, que ce sont les expériences de la vie intérieure qui nous amèneront les uns et les autres à une connaissance personnelle de Dieu. Il invite donc ceux qui l’écoutent   à  faire une descente au fond d’eux-mêmes avec la même naïveté que le ferait un enfant qui ne sait pas encore s’exprimer et qui découvre que « ça » parle au fond de lui, même s’il ne sait pas que c’est Dieu qui se manifeste à lui. Comme le fit Samuel enfant dans le sanctuaire. (1 Samuel 3-10) 

Dieu nous invite à retrouver une spontanéité intérieure qui  a été altérée par ce que l’éducation a apporté l’enfant  et qui a fait de Dieu une réalité extérieure à lui-même.  Devenu adulte, l’homme ne sait plus entendre quand  Dieu s’adresse  à lui au plus profond de son âme. Jésus ne méprise pas pour autant l’enseignement  de la loi, il ne rejette pas la tradition rapportée par les «Pères», elles sont des guides indispensables pour nous faire progresser en sagesse. Mais il dit aussi  que nous ne pouvons pas progresser dans la foi si nous n’essayons pas de converser avec Dieu dans notre intimité avec lui,  là où personne ne peut nous accompagner ni venir avec nous.  

Si aujourd’hui beaucoup d’hommes se détournent de Dieu, c’est parce qu’on leur a enseigné à se référer à un Dieu qui parle de l’extérieur d’eux-mêmes au travers des textes et des traditions. Ils découvrent que  ce Dieu là,  n’est pas en adéquation avec le monde moderne. Ceux qui désespèrent de ne pas trouver dans le Dieu que prêchent les hommes la voie de leur salut, le trouveront quand même s’ils essayent de  retrouver un cœur d’enfant et de s’émerveiller  de l’action de Dieu en écoutant ce qu’il leur dit au plus profond de leur personne. 

Aucun commentaire: