lundi 2 novembre 2015

Jean 18:33-37 dimanche 22 novembre 2015



La Vérité Jean 18/33-37 dimanche 22 novembre 2015

33 Pilate rentra dans le prétoire, appela Jésus et lui dit : Es-tu le roi des Juifs, toi ? 34 Jésus répondit : Est-ce de toi-même que tu dis cela, ou bien est-ce d'autres qui te l'ont dit de moi ? 35 Pilate répondit : Suis-je donc juif, moi ? C'est ta nation et les grands prêtres qui t'ont livré à moi ! Qu'as-tu fait ? 36 Jésus répondit : Ma royauté n'est pas de ce monde. Si ma royauté était de ce monde, mes gens auraient combattu pour que je ne sois pas livré aux Juifs ; en fait ma royauté n'est pas d'ici. 37 Pilate lui dit : Toi, tu es donc roi ? Jésus répondit : C'est toi qui dis que je suis roi. Moi, si je suis né et si je suis venu dans le monde, c'est pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité entend ma voix. 38 Pilate lui dit : Qu'est-ce que la vérité ? Après avoir dit cela, il sortit de nouveau vers les Juifs et leur dit : Moi, je ne trouve aucun motif de condamnation en lui.

Pilate lui dit : Qu'est-ce que la vérité?

La vérité sort du puits, la vérité sort de la bouche des enfants, In vino véritas, Que de dictons aussi mystérieux les uns que les autres n’avons-nous pas produits pour dire la « vérité ». On la prétend insaisissable, telle une anguille dans de l’eau vive. Toutes les vérités ne sont cependant pas bonnes à dire. Si Jésus avait suivi ce conseil, il ne serait pas mort. C’est au nom de la vérité qu’il a été traîné devant le tribunal et c’est cette seule question que retient Pilate : « Qu’est ce que la vérité? » Guy Béart rajoutait que le « poète a dit la vérité, il sera exécuté. » Ce sont sans doute des idées semblables à celles-ci qui ont traversé la tête du gouverneur Ponce Pilate quand il a demandé, si l’on en croit l’Évangile de Matthieu, une cuvette pour se laver les mains et faire taire la vérité. Dans le récit de l’événement que nous donne l’Évangile de Jean que nous venons de lire, Pilate reste sans voix et ne sait que poser une question qui reste sans réponse : qu’est-ce que la vérité ? Et vous qu’en dites-vous?


La vérité telle que les hommes la présentent ne peut être que partielle si non partiale et parce qu’elle est partielle elle est contestable, pourtant nous la revêtons d’absolu, et c’est ce qui fait problème. Mais au nom de quoi édifie-t-on cet absolu?

Jésus a été traîné devant le Sanhédrin qui va le condamner à être tué au nom de sa vérité. La vérité du sanhédrin, consiste à constater que Jésus a blasphémé en s’attaquant au Temple. Qui s’attaque au Temple s’attaque à Dieu, qui s’attaque à Dieu mérite la mort. C’est au nom de ce syllogisme qu’on amène Jésus devant Pilate. Tout cela ennuie profondément le gouverneur. Il n’en a rien à faire de la vérité du Sanhédrin! Il ne la reconnaît pas. Il ne connaît que la sienne. La sienne, c’est celle de la paix romaine. Quiconque trouble la paix publique s’en prend à l’état romain, quiconque s’en prend à l’état romain offense l’empereur, quiconque offense l’empereur mérite la mort ! Autre syllogisme ! Voila deux vérités partielles, tout à fait différentes l’une de l’autre, mais dont la transgression amène la même conclusion : la mort ! C’est ce qui leur donne des apparences d’absolu, et pourtant aucune des deux n’est absolue puisqu’elles ne sont pas en accord l’une avec l’autre, si non sur la conclusion.

Vérité et mort sont étroitement liées l’une à l’autre. C’est au nom d’une autre vérité qui dépasse les deux autres que Jésus entre dans ce jeu dangereux. Il affronte la mort en son nom, mais au lieu de la donner à ceux qui ne suivent pas sa voie, il décide de la recevoir. Il subit la mort. Et la mort ne se referme pas sur lui, et c’est sa mort qui donne autorité à la vérité qu’il défend. La mort de Jésus révèle-t-elle alors la vérité sur Dieu? Et bien oui.

La vérité sur Dieu a besoin de la mort pour s’affirmer, parce qu’elle nie l’aspect définitif de la mort. Quand une vérité n’est pas absolue, quand elle n’est pas transcendée par la mort elle a pour compagnon le mensonge et ce couple fonctionne bien dans ce passage, non sans humour d’ailleurs
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Que disent les juifs pour convaincre Pilate de leur bon droit ? « Nous n’avons de roi que César », cela se trouve à la fin du passage que nous n’avons pas lu. Les menteurs ! Ils détestent César, ils nourrissent une haine implacable contre lui. Ils mentent pour donner des arguments à leur vérité, ils biaisent, car ils n’ont que faire des prétendues visées de Jésus à être roi d’Israël, cette prétention ne les intéresse pas, mais elle leur donne des arguments contre Pilate en se prétendant plus romain que lui. Quant à lui, pour se tirer du mauvais pas où l’argumentation de Jésus l’a entraîné, il va récuser les arguments des juifs en se parjurant. Il ne trouve aucun motif de condamnation en lui, dit-il, mais il ordonne sa mise à mort. C’est ainsi qu’il se ment à lui-même et qu’il ment aux juifs. Double mensonge !

Tous les rôles sont inversés. Jésus est accusé, et face au procurateur Ponce Pilate c’est lui qui mène le débat. Il interroge Pilate, qui bien que juge se laisse questionner. Il répond et il se laisse séduire par l’argumentation de Jésus. Mais ce n’est qu’une illusion ! La mort semble devoir l’emporter, mais elle ne détruit pas la vérité sur Dieu puisque Jésus ressuscitera, par contre, elle détruit la vérité des juifs et celle de Pilate.

Il nous faut maintenant que l’on s’interroge sur la nature de cette vérité que la mort ne peut anéantir mais que la mort révèle. Qu’est-ce que la Vérité? En posant cette question j’ai l’impression de me tendre un piège à moi-même, d’autant plus que j’entends le tentateur me susurrer à l’oreille : « Vas-y prédicateur, c’est ton tour maintenant de leur dire Ta Vérité sur Dieu. Tu en as la science, tu en as la sagesse et ils sont là pour t’écouter. »

Le piège va-t-il se refermer sur moi? De plus grands que moi s’y sont déjà laissés prendre. Je pourrais être tenté de vous dire la Vérité : celle que les Églises de la Réforme prétendent détenir des Réformateurs, celle qui a donné tort à la vérité de la puissante Église romaine et a défié son caractère absolu. Cette prétendue vérité des Réformateurs, c'est celle aussi qui a mené à la mort Michel Servet, c'est également celle qui a inquiété les anabaptistes et les a exilés hors d’Allemagne, c'est elle qui a brûlé les sorcières à Salem, c'est  elle qui impose aux autres un visage de Dieu, déformé par le bon droit des uns, les prétentions des autres, la clairvoyance des plus sages et la cupidité des masses. Mais cette Vérité, aussi noble soit-elle ne saurait prétendre à l’absolu, car elle repose sur la sagesse humaine à propos de Dieu. Elle n’est pas Vérité de Dieu, car elle reste humaine et ne saurait résister à la mort qui lui reste un mystère.
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Nous ne devons ou ne pouvons approcher la vérité de Dieu qu’avec prudence car elle est propriété de Dieu. S’il nous est donné en ce monde de l’approcher, il ne nous est pas donné de la posséder et encore moins de l’imposer. Elle se manifeste dans les Ecritures quand elles nous enseignent que les hommes peuvent prendre le visage de Dieu s’ils savent considérer les autres comme des frères à l’égal d’eux-mêmes.

Jésus lui rend témoignage quand il renvoie libre la femme pécheresse, comme si le péché d’adultère n’était pas plus grave qu’un autre et n’encourait d’autres sanctions que le pardon. Si Jésus s’en est pris au Temple c’était pour dire que les hommes n’avaient pas le droit d’y enfermer Dieu, ni dans le temple, ni dans la Loi, ni dans leur morale. Il a laissé entendre que le seul Temple de Dieu c’était son corps et que l’amour est le lien de la perfection.

Nous approchons de la Vérité quand nous réalisons que le bon droit n’existe pas, ni le droit du sol ni le droit du sang ni le droit d’aînesse, ni aucun droit prétendument acquis. La Vérité nous approche tout doucement de Dieu et lui donne des visages qui ne lassent pas de nous surprendre.

La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vérité absolue parmi les hommes, la seule vérité absolue n’est qu’en Dieu. C’est d’elle que dépend la vie nouvelle vers laquelle nous marchons, mais pour y accéder, la mort doit faire son œuvre de destruction en nous. La révélation en Jésus Christ nous permet de dire que Dieu se montre en vérité dans la résurrection qu’il nous promet. C’est ce que le saint Esprit nous dit et qu’il nous demande de partager comme une bonne nouvelle.

Aurait-on idée d’inquiéter ceux qui pensent différemment, pourrait-on oser les molester ou les persécuter? On l’a fait et on continue à le faire et pourtant la seule chose que le Christ, qui nous l’a révélé nous demande, c’est d’aimer cette vérité que nous ne possédons pas jusqu’à mourir à cause d’elle, car notre seule défense si elle est contestée, c’est de mourir pour elle et non pas de faire mourir à cause d’elle.

Mais nous n’en sommes pas là aujourd’hui. Dans ce monde moderne où on nous promet le bonheur à venir grâce aux vérités que nous savons, soyons assez sages pour les prendre comme elles sont. Elles sont le produit de la sagesse et de l’intelligence humaine, elles ont des limites et ne portent en elles aucune valeur définitive. Il nous faut garder en mémoire que dans le monde des mortels où nous sommes, il n’y a aucune vérité absolue, pas même sur Dieu. Nous l’approchons grâce à Jésus Christ, et nous essayons de mettre en pratique ce que nous avons compris, mais nous n’avons aucune prise sur elle. Quant à Dieu lui-même, il attend que nous soyons de l’autre côté pour nous révéler la vérité dans sa totalité.

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