mercredi 25 novembre 2015

Luc 1:33-45 - Marie visite Elisabeth - dimanche 20 décembre 2015





3 Dans les jours qui suivirent, Marie se mit en route et se rendit en hâte dans une localité de la région montagneuse de Judée. 40 Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. 41 Au moment où celle-ci entendit la salutation de Marie, l'enfant remua en elle. Élisabeth fut remplie du Saint-Esprit 42 et s'écria d'une voix forte : « Dieu t'a bénie plus que toutes les femmes et sa bénédiction repose sur l'enfant que tu auras ! 43 Qui suis-je pour que la mère de mon Seigneur vienne chez moi ? 44 Car, vois-tu, au moment où j'ai entendu ta salutation, l'enfant a remué de joie en moi. 45 Tu es heureuse : tu as cru que le Seigneur accomplira ce qu'il t'a annoncé ! »

Le cantique de Marie

46 Marie dit alors :
« De tout mon être je veux dire la grandeur du Seigneur,
47 mon cœur est plein de joie à cause de Dieu, mon Sauveur ;
48 car il a bien voulu abaisser son regard sur moi, son humble servante.
Oui, dès maintenant et en tous les temps, les humains me diront bienheureuse,
49 car Dieu le Tout-Puissant a fait pour moi des choses magnifiques.
Il est le Dieu saint,
50 il est plein de bonté en tout temps pour ceux qui le respectent.
51 Il a montré son pouvoir en déployant sa force :
il a mis en déroute les hommes au cœur orgueilleux,
52 il a renversé les rois de leurs trônes
et il a placé les humbles au premier rang.
53 Il a comblé de biens ceux qui avaient faim,
et il a renvoyé les riches les mains vides.
54 Il est venu en aide au peuple d'Israël, son serviteur :
il n'a pas oublié de manifester sa bonté
55 envers Abraham et ses descendants, pour toujours,
comme il l'avait promis à nos ancêtres. »
56 Marie resta avec Élisabeth pendant environ trois mois, puis elle retourna chez elle.

Si nous nous intéressions aux différentes interventions de Dieu  dans l’histoire du monde rapportées par la Bible, nous constaterions que dès le commencement elles ont fait  de Dieu l’initiateur de tout ce qui vit sur terre. Il s’acharne à trouver des solutions quand  la vie se trouve  menacée  et il achève sa création dans l’apothéose de la résurrection que personne, si non lui, n’aurait  pu imaginer.  Au tout début des Ecritures on le voit  consacrer toute son énergie créatrice à  souffler sur une poupée d’argile pour  lui donner vie.  Dieu dépose tendrement  l’homme qui s’ouvre à l’existence dans un jardin qu’il a soigneusement préparé  pour qu’il s’y épanouisse en le cultivant. Il a pour lui les mêmes gestes qu’une mère pourrait avoir en déposant son enfant dans son berceau. Même si le parallèle est osé, Il n’est pas interdit de penser  en ce temps de préparation de Noël que Marie reprend ces mêmes gestes à son compte lors de la naissance de Jésus en le déposant dans une crèche et en le protégeant lors de la fuite en Égypte pour qu’il assume sa mission.

Le projet est lancé. Dieu se consacre à  faire progresser la vie.  Même si les bavures sont nombreuses et si les lecteurs des Ecritures accordent plus d’attention à  la  colère de Dieu  qui s’oppose à la violence des hommes qu’à   sa tendresse  qui s’empare des situations les plus catastrophiques, Dieu continue à valoriser la vie.  C’est d’abord à  un Caïn meurtrier que Dieu donne la possibilité d’assumer son destin. Il va même jusqu’à mettre en cause ses propres décisions  en  renonçant à anéantir l’humanité lors du déluge. Il va créer l’arc en ciel comme un pense-bête à sa propre intention pour  lui rappeler qu’il a  renoncé à se mettre en colère quand les hommes l’irriteront. L’arc brillera  pour que lui, Dieu ne soit pas la cause du malheur des hommes. Ainsi les textes se succèdent-ils au cours des chapitres et montrent-ils  Dieu à l’œuvre dans son projet de rendre les hommes aptes à vivre heureux sur la terre qu’il leur a donnée. C’est enfin  le triomphe de la vie qui s’impose à l’humanité par la victoire de Jésus à la résurrection.  Les Ecritures, s’écartent en partie de ce rôle attribué à Dieu qui en ferait un  dieu  de la vengeance et de la colère ou même de la justice implacable où on se plait à enfermer Dieu.

Même si ces récits sont fortement légendaires, les auteurs ont retenu cependant le désir de Dieu de triompher de la mort et d’imposer la vie. La vie est en effet quelque   chose de fragile, toujours menacée, elle semble pourtant devoir s’imposer comme la conclusion normale de toutes les situations. Dieu manifeste sa capacité à l’imposer partout où elle est menacée. Il  trouve  la plupart du temps des femmes et des hommes pour se mettre à son service  pour collaborer avec lui  et partager avec lui  son projet de faire vivre mieux l’humanité. Ils  participent donc  avec lui à  l’édification d’un monde nouveau. L’achèvement de ce monde sera l’aboutissement d’un long cheminement qui s’appuie sur les acquis du passé. Les yeux fixés sur l’avenir, Dieu ne cesse d’élaborer, en partenariat avec les hommes qui le suivent,  une  issue optimiste pour ce monde dont la vie éternelle sera l’enjeu.

C’est de cet enjeu qu’il est question dans le texte de la visitation  proposé pour aujourd’hui.   Deux  femmes en sont les héroïnes et les hommes n’y jouent aucun rôle. Mais n’en déplaise aux féministes, ce textes ne fait pas la part belle aux femmes en tant que telles, c’est à leur fonction de mère qu’il s’attache et surtout aux enfants qu’elles portent, car ici c’est en tant que porteuse de vie et d’avenir  qu’elles ont  un intérêt : Élisabeth porte en elle la vie du passé  et la vie du futur est portée par l’enfant qui est dans le sein de Marie.  La question qui se pose, est de savoir comment ces deux vies vont s’ajuster l’une à l’autre ? La question qui n’est pas posée mais qui est présente dans l’esprit des auteurs de cet évangile est de savoir comment  la nouveauté de Évangile va s’accorder avec la tradition juive pour donner un message commun cohérent.   Le but recherché n’aboutira pas, non pas du fait de Dieu, mais du fait des hommes. La  question a eu  cependant le mérite d’être posée.

Pour porter cette question, l’Évangile de Luc a mis en scène deux femmes enceintes et courageuses qui s’émerveillent d’être l’instrument de Dieu dans ce projet. Dieu comme toujours reste discret, mais il reste au centre du récit dont le but est de dire que l’histoire a du sens.  Son projet  est de faire que les deux traditions portées par chacune de ces femmes construisent un avenir commun, car judaïsme et christianisme sont porteurs des mêmes promesses  et ils doivent assumer cette tâche ensemble, mais l’échec des hommes ne masquera pas  pour autant  le projet de Dieu.

En fait, il faut nous replonger dans le contexte de ceux qui ont écrit ces lignes. Nous sommes vers les années 80 de notre ère. Une guerre terrible a détruit la civilisation juive. Plus de Temple a Jérusalem et les survivants  ont  quitté le pays. C’est sur ce fond de désespoir que commence à apparaître, un peu partout dans l’empire une rivalité naissante entre juifs et chrétiens. C’est sur cette toile de fond désespérante que l’Évangéliste Luc rapporte cette histoire charmante qui fait état d’un choc terrible entre deux civilisations dont  l’une est issue de l’autre.  Que se passera-t-il ? Si nous, nous savons la réponse, les auteurs de l’Évangile ne la savent pas encore. Mais nous avons là comme un plaidoyer pour que ça se passe bien. Voici les éléments du récit :

Marie part vers les montagnes en portant en son sein l’enfant qui donnera du sens à tout ce qui va advenir. La montagne, n’est pas un lieu géographique, mais elle représente le lieu où a été forgée la tradition biblique. Elle rappelle ces moments célèbres entre tous, quand Moïse reçut les tables de la Loi et où les promesses de Dieu ont été formulées et couchées par écrit.  Élisabeth qui porte en elle  Jean Baptiste, ce fils de prêtre, représente tout ce passé prestigieux et indique que l’avenir ne pourra se faire sans lui ni la tradition qu’il représente. La salutation de Marie à Élisabeth évoque la continuité entre ces deux traditions. La nouvelles ne pourra porter de fruits véritables que si l’ancienne  perdure en elle.

L’approbation de Dieu à ce projet se manifeste par  le  superbe cantique placé ici dans le bouche de Marie.  Le « Magnificat » prend alors tout son sens dans l’actualité de l’époque+  Alors que les empereurs continuent à opprimer la Palestine, le cantique de Marie annonce la chute de ces  tyrans qu’il faudra attendre longtemps, mais qui viendra. En sera-t-il de même pour  la réalisation de l’union entre les deux traditions ?  Marie quant à elle a établi un pont entre elles  si bien que les promesses faites jadis par les prophètes se réaliseront un jour, car Dieu reste fidèle et les prophéties annoncées jadis en son  nom se réaliseront  demain.  Tel est le message  que Luc nous  donne aujourd’hui. Il l’a assumé dans un contexte de violence inouïe et il a nourri l’espérance de ceux qui l’ont reçu, mais il ne savait pas encore que les deux traditions se déchireraient avant de chercher à s’entendre comme cela se réalise de nos jours bien longtemps après.

Si nous traversons  aujourd’hui des temps bien rudes,  et si pour beaucoup l’espérance  ne porte plus leur foi, il faut d’abord qu’ils méditent sur la fidélité de Dieu et son désir d’aider les hommes à construire une humanité  heureuse.  A l’époque de Luc, qui était encore plus troublée que la nôtre, l’espérance a porté la foi de bien des croyants qui durent attendre  longtemps, mais avec fidélité, la réalisation des promesses. En fait,  ce n’est pas Dieu qui crée les temps difficiles, mais c’est lui et lui seul qui met en nous la persévérance par laquelle nous surmontons  les obstacles. L’espérance  qui nous anime désormais consiste à savoir que Dieu fait confiance aux hommes qui agissent, pour que la vie qu’il leur donne,  triomphe de tout ce qui lui fait obstacle.

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