jeudi 20 mai 2010

Melchisédech Genèse 14:18-20 dimanche 6 juin 2010






Melchisédech

Genèse 14

Le roi de Sodome sortit à sa rencontre, après qu'il fut revenu vainqueur de Kedorlaomer et des rois qui étaient avec lui, dans la vallée de Shavé, c'est-à-dire la vallée du Roi. 18 Malki-Tsédeq, roi de Salem, fit apporter du pain et du vin : il était prêtre du Dieu Très-Haut. 19 Il le bénit en disant : Béni soit Abram par le Dieu Très-Haut qui produit le ciel et la terre ! 20 Béni soit le Dieu Très-Haut qui t'a livré tes adversaires ! Et Abram lui donna la dîme de tout.


Hébreux 5

De même, le Christ ne s'est pas octroyé à lui-même la gloire de devenir grand prêtre ; il l'a reçue de celui qui lui a dit : Tu es mon fils, c'est moi qui t'ai engendré aujourd'hui ; 6 tout comme il dit encore ailleurs : Tu es prêtre pour toujours, selon l'ordre de Melchisédek. 7 Aux jours de sa chair il a offert, à grands cris et dans les larmes, des prières et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, et il a été exaucé en raison de sa piété. 8 Tout Fils qu'il était, il a appris l'obéissance par ce qu'il a souffert. 9 Une fois porté à son accomplissement, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent l'auteur d'un salut éternel, 10 Dieu l'ayant déclaré grand prêtre selon l'ordre de Melchisédek.



N’est-il pas étrange ce roi mystérieux, qui semble sortir tout droit d’un conte de fée pour venir rendre hommage à Abraham ? Son histoire relèverait certainement d’une légende si elle ne révélait pas une vérité fondamentale sur Dieu ! Encore faut-il prendre le temps de la chercher. On ne sait ni qui est ce roi, ni d’où il vient, ni où il va. Trois versets suffisent à nous révéler tout ce que l’on doit savoir sur lui. C’est sans doute parce qu’on n’en a pas assez dit que l’on s’est souvent permis d’en rajouter. Pour ce qui nous concerne, nous nous en tiendrons à ce qui est écrit à son sujet dans ces quelques lignes.



Nous dirons cependant que c’est à l’épître aux Hébreux que l’on doit de l’avoir sorti de son mystère pour mieux l’y enfermer. Il serait selon ce texte une image prophétique du Christ. Roi sans lignée, souverain de la ville de Salem, la cité de la paix, grand prêtre d’une religion inconnue qui vénère le Dieu très Haut. Abraham qui reçoit de lui le pain et le vin lui rend un humble hommage et lui paye la dîme. Est-ce suffisant pour exciter votre curiosité ?



Trois lignes de texte ne permettent pas de se livrer à une exégèse trop fouillée. Elle nous permet de dire cependant que nulle part dans l’Ecriture il nous est dit quoi que ce soit sur ce Dieu très Haut. Nous ne sommes d’ailleurs pas très familiarités avec cette expression.. Le Dieu que vénère Abraham et qui nous est présenté par la tradition biblique s’est présenté au patriarche en d’autres termes. Il s’est présenté comme le Dieu de la promesse et par la suite se présentera comme, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Son culte pourrait être à l’origine celui d’une tribut nomade et sera reconnu ensuite comme le Dieu d’Israël dont on nous fera connaître le nom : Yahvé. Perçu comme le Dieu d’une famille il deviendra le Dieu de tout un peuple. Il se fera connaître ensuite comme le Dieu des nations pour devenir le Dieu unique. Mais en bien peu d’endroit, il est question d’un Dieu Très Haut, sans autre attribut que sa toute puissance.



Ces quelques remarques vont nous permettre de dire que la tradition qui concerne ce roi mystérieux est une tradition récente puisqu’elle confère à Dieu une compétence universelle. Les autres dieux ne semblent pas exister devant lui, car il n’y a pas d’autre dieu en dehors de lui, en tout cas aucun autre dieu n’est nommé en même temps que lui. C’est ici une conception tellement moderne que nous sommes surpris de la découvrir au cœur d’un texte qui se réfère à Dieu dans un conteste qui relève d’une tradition plus ancienne. Voilà pourquoi le personnage de Melchisédech nous paraît fascinant.



C’est donc en empruntant à ce court texte, les quelques détails dont nous disposons que nous allons essayer de définir les caractéristiques que lui confère sa divinité. Cette image nous interpelle parce que les théologiens et les penseurs d’aujourd’hui s’appliquent plus à nous transmettre d’un Dieu d’amour que d’un Dieu perdu dans les hauteurs du ciel. Le Dieu d’amour s’efface devant son Fils devenu homme, il se retire même de sa création pour laisser les hommes œuvrer sous l’inspiration de son Esprit. Curieusement, Jésus, le Fils de Dieu qui s’est fait homme pour nous apporter le salut en nous révélant la route à suivre est salué par l’épître aux Hébreux du titre de « sacrificateur selon l’ordre de Melchisédech ». Le mystère s’épaissit, il crée de la distance entre nous et le Christ, et nous avons peur de n’y comprendre plus rien.



Le nom même de Melchisédech est revêtu d’une valeur symbolique. S’il est roi et prêtre au service du Dieu tout Puissant, son nom signifie « roi de Justice » et il règne sur Salem dont le nom signifie la paix. Ces deux notions de justice et de paix vont nous aider à définir les qualités de ce Dieu très haut que vénère cet étrange personnage à qui Abraham se soumet non seulement comme vassal, mais comme adorateur du Dieu pour lequel il exerce la prêtrise. Le Dieu d'Abraham et celui de Melchiédech est bien le même Dieu.



Abraham fut le premier homme selon la Bible à qui Dieu se soit révélé et il s’est révélé à lui en tant que pourvoyeur de vie. Dieu intervint d’abord auprès de lui pour qu’il vienne au secours de son neveu Lot en danger de mort dans la ville de Sodome, et Lot eut la vie sauve. Il se manifesta à Sarah, l’épouse d’Abraham comme celui qui était capable de la rendre féconde alors qu’elle était stérile et qu’elle n’était plus en âge d’avoir des enfants., et elle donna vie à Isaac.



Une grande partie de la relation entre Abraham et Dieu tourne autour du problème de la vie dont Isaac sera l’enjeu. Avec lui surgit la vie à partir d’un couple stérile. Si un jour, Dieu demanda à Abraham de lui sacrifier son fils, c’est pour lui signifier que nul ne peut s’arroger le droit de toucher à la vie d’un homme, même si apparemment, c’est Dieu qui le lui demande. Abraham fit à ses dépends la découverte de l’importance de la vie dans la relation avec Dieu. A tous ceux qui se réclament d’Abraham comme leur père dans la foi, Dieu s’offre à eux comme celui qui donne la vie en dépit de toutes les difficultés et de tous les interdits que les hommes peuvent se donner.



C’est avec Melchisédech qu’Abraham , et le lecteur avec lui, découvrent que Dieu est aussi porteur de justice et de paix. Telles sont les autres qualités qui déterminent la réalité de ce Dieu très haut. La paix que Dieu offre, n’est pas seulement l’absence de violence que les hommes exercent les uns contre les autres, ce qui ne serait déjà pas si mal, mais elle caractérise aussi l’harmonie dans le fonctionnement de tout ce qui se meut et respire. Le monde est en paix sous le regard de Dieu quand les choses se passent comme elles doivent le faire. Les prophètes insisteront sur cette notion de paix en décrivant la nature comme apaisée de tout ce qui pourrait en perturber le bon fonctionnement : « L e loup et l’agneau auront un même pâturage Le lion comme le bœuf mangera de la paille » Es 65 :25 « Inutile d’insister pour comprendre que la sauvegarde de la planète en matière d’écologie fait partie de cette paix dont Melchisédech est le témoin. Il n’en est pas seulement témoin, mais en tant que roi, il a du pouvoir sur elle.



La proximité entre Melchisédech et Jésus rapportée par l’épître aux Hébreux nous rappelle que nous sommes, nous aussi, concernés par le maintient de cette paix dans le monde. Melchisédech n’est pas seulement un roi de paix, son nom signifie qu’il est un roi juste. Cela veut dire qu’il sait se comporter de telle sorte que le monde est les hommes agissent en harmonie pour que la paix promise se réalise. Le juste c’est celui qui fait des actes tels que c’est la paix qui en résulte.



Melchisédech s’approcha d’Abraham dans un geste de communion. Il lui offrit le pain et le vin. On ne sait d’où est issue cette tradition, mais on sait quelle valeur lui a donné Jésus et quel sens il a donné à ce partage. L’offrande du pain signifie que celui qui le reçoit entre en communion avec celui qui l’offre et partage avec lui tout ce que signifie ce geste. Symboliquement cela signifie la nourriture que donne le pain. Le vin promet la joie à celui qui le boit. Voilà donc présentées ici la promesse d’une société où il fera bon vivre puisque justice et joie seront la part de tous. Tous ceux qui se réclament d’Abraham sont concernés par cette promesse. Elle concerne donc tous ceux qui se réclament de sa succession, juifs, musulmans et chrétiens, et même ceux qui reconnaissent son Dieu sans se rallier vraiment à une confession précise.



C’est ainsi que la terre évoluera conformément à sa destinée, elle deviendra un lieu où il fait bon vivre pour tous les êtres vivants. Les hommes partageront alors la royauté du monde avec celui qui les invite à y participer. Si on considère donc avec les théologiens modernes que Dieu se retire du monde, ce n’est pas pour le laisser seul à l‘abandon. Il offre aux hommes en se retirant la responsabilité d’assumer sa souveraineté sur les êtres et les choses. Il leur donne ainsi la faculté d’user de la justice pour que la paix du monde devienne une réalité.



Trois versets perdus dans l’immensité des textes ont suffi à nous faire comprendre comment Dieu nous associe à la gestion du monde en participant à sa souveraineté. L’auteur de l’épître aux Hébreux ne s’est donc pas trompé quand il a vu dans l’histoire de ce roi mystérieux les prémices de la vocation de Jésus lui-même. Les choses ont été dites alors en langage mythique, à nous de les traduire en langage concret.







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