lundi 30 avril 2012

Jean 17:11-26



Gétsémané Dimanche  20 mai 2012


1Je ne suis plus dans le monde ; eux sont dans le monde, et moi, je viens à toi. Père saint, garde-les en ton nom, ce nom que tu m'as donné, pour qu'ils soient un comme nous. 12Lorsque j'étais avec eux, moi, je les gardais en ton nom, ce nom que tu m'as donné. Je les ai préservés, et aucun d'eux ne s'est perdu, sinon celui qui est voué à la perdition, pour que l'Ecriture soit accomplie. 13Maintenant, je viens à toi, et je parle ainsi dans le monde pour qu'ils aient en eux ma joie, complète. 14Moi, je leur ai donné ta parole, et le monde les a détestés, parce qu'ils ne sont pas du monde, comme moi, je ne suis pas du monde. 15Je ne te demande pas de les enlever du monde, mais de les garder du Mauvais. 16Ils ne sont pas du monde, comme moi, je ne suis pas du monde. 17Consacre-les par la vérité : c'est ta parole qui est la vérité. 18Comme tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde. 19Et moi, je me consacre moi-même pour eux, pour qu'eux aussi soient consacrés par la vérité.

Seule la foi en Jésus Christ peut nous permettre de comprendre que  l’espérance peut jaillir au cœur d’un échec total. Seul Jésus peut  dire un échec en termes positifs  et dire l’espérance au cœur  des drames.  Mais est-il toujours possible de voir la main de Dieu agir quand tout s’effondre autour de nous? Qui saura faire avec sagesse le bilan positif d’une vie anéantie?

Tout cela nous pose vraiment question, cependant notre existence n’aurait aucun sens  si Dieu ne venait accompagner par sa présence les drames de notre vie. Mais comment voir cette présence quand nous sommes aveuglés par ce qui devient incompréhensible à notre raison? Pourquoi Dieu semble-t-il absent quand nous souffrons le plus ? A travers l’expérience de Jésus nous espérons trouver une réponse, car nous savons que Dieu agit même si le malin nous cache sa présence.

Dans ces paroles de la prière sacerdotale,  que l’Evangéliste Jean place dans la bouche de Jésus, nous avons  la réponse  de Dieu à tous les  drames vécus par les hommes. Jésus se trouve dans une situation d’échec total et la mort en est la seule issue. Plus rien ne devrait avoir de sens pour lui. Ses amis qui l’entourent encore  ne comprennent rien à sa situation  et chacun à son tour va l’abandonner à la nuit du désespoir. Il va mourir d’une mort qu’il a choisie mais que personne ne comprend, et cela ne fait qu’accroître le sentiment d’abandon qu’il ressent. Le traître est  déjà en train de faire son œuvre.

Ce décor d’angoisse que je viens de décrire a été planté par les autres Evangiles, mais il reste en toile de fond  pour cette ultime prière que Jésus  prononce pour nous. Dans ce décor de cauchemar, jaillit la plus forte protestation d’espérance que peut proférer un humain. L’Evangéliste nous montre que Dieu peut être présent dans  les drames de la vie, même si ce n’est pas cette présence là que nous souhaitons.

Nous comprenons qu’il peut  donner du sens à l’aventure humaine, même quand elle n'en a plus. Nous pouvons alors actualiser tous nos échecs  dans ce récit et entendre Jésus dire  pour chacun de nous: «  Père, je veux que là où je suis ceux que tu m’as donnés soient aussi... ». Mais si nous comprenons que Dieu est présent et donne du sens à ce qui n’en a pas, nous ne comprenons pas pourquoi il reste impuissant à modifier le cours des choses

Jésus se situe dans ce monde ci, celui où nous sommes, mais il se tient  à la frontière d’un autre monde que nous ne connaissons pas encore mais où se situe la vérité de Dieu. Le monde où nous sommes avec ses drames et ses échecs fait écran et nous empêche de voir une autre réalité qui est tout aussi réelle que celle du monde où nous sommes.

Jésus nous permet d'entrevoir cette nouveauté et  crée de la sérénité là où nous ne voyons que tristesse et souffrance. Il ne puise pas sa sérénité dans une sagesse spéciale qu’il serait le seul à connaître. Il la puise dans  sa compréhension des Ecritures où il trouve  un motif d'espérance. Il intègre complètement cette espérance et nous la rend possible.  Il l’intègre tellement qu’il finit par s’identifier à Dieu au point d’être confondu avec lui.   C'est par l'espérance qu'il puise dans l'Ecriture qu'il se fait si proche de Dieu qu'il se confond avec lui.

Jésus ne devient pas alors fils de Dieu à cause d’ une naissance miraculeuse qui l'aurait mis à part, mais il le devient parce qu'il se fait porteur de  l'espérance qu'il puise dans les Ecritures au point qu'il se trouve absorbé dans la divinité de Dieu.  Etant de même nature que Jésus, nous avons accès au même sort que lui. Il nous devance seulement sur le chemin de la connaissance du salut. Tous nos désespoirs et tous nos échecs trouvent alors leur aboutissement en Dieu. Jésus  nous accompagne sur le chemin de la connaissance de Dieu. Il est  aussi démuni que nous le sommes, mais  il nous encourage à le suivre et à l’imiter. C'est ainsi  qu'en partageant son espérance  nous devenons  comme lui, un enfant de Dieu.

Le chemin qu'il  propose est celui que peut suivre tout individu, s’il est guidé correctement. Jésus nous donne l’exemple et se propose d’être notre guide, tel Virgile dans la divine comédie guidant les pas de Dante ou tel l'ange guidant les pas de Jean dans l'Apocalypse, mais rien ne se fait  sans peine et sans effort.

Tout a commencé à l’origine du monde. C’est là qu’il nous entraîne quand il dit: « Tu m’as aimé dès avant la fondation du monde »  Il nous ramène à l’origine de toute chose, quand après  que le monde ait  surgi hors  du néant,  Dieu s’est intéressé à lui. Jésus a compris, le premier avant tous, qu’avant même que le monde soit, Dieu qui était déjà amour,  se préparait à animer  de cet amour les êtres pensants qui allaient  devenir ses vis à vis et qu'il commençait déjà à  aimer.

 Autrement dit, avant même que ne retentisse dans l’univers qui n’existait pas encore, le fracas du big bang qu’aucune oreille n’avait  pu entendre puisqu’il n’y en avait pas encore  une seule, avant même que ce moment mythique ne se produise, existait déjà une pulsion d'amour  qui allait  animer ce qui n'était pas encore créé.  Mais cela ne voulait pas dire  que l’évolution du monde ne se ferait pas sans souffrance. Il n’était pas dit que malgré l’amour que Dieu allait prodiguer aux hommes, ceux-ci échapperaient aux difficultés de l’existence qu’ils allaient mener. Il n’était pas dit non plus que les hommes par leur péché allaient en rajouter.  

 Jésus a fait de la notion d'amour  le code de lecture indispensable pour lire les Ecritures. C'est avec cette intuition, que  Jésus a décrypté  les Ecritures pour nous. Il  a compris  que cet amour était présent à chaque étape de la révélation. Ce n'était  pas seulement une idée sublime, capable de nous faire rêver, il a découvert que l’amour  pouvait se matérialiser. Toute sa personne a rendu compte de cette réalité et il est devenu dans sa personne l'expression de l'amour tel que Dieu l’avait conçu.

On aurait pu penser  que s'étant approché de Dieu jusqu'à  ce point,  il allait entrer tout vivant dans le mystère de Dieu. Il n’en fut rien.  Il aurait pu  être comme ces grands sages de l’Inde qui à force d’ascèse et d’abstinence arrivent à s’identifier au divin si bien que leur apparence physique tend à s’estomper jusqu’à disparaître. On aurait pu croire que Jésus allait vivre la même initiation et que sa vie allait se terminer en étant absorbé par le divin.
Mais il en a été autrement.  Pour entraîner tous les hommes à sa suite il a consenti  à aller jusqu' aux  portes du néant pour que  le néant  s’ouvre sur l’Eternité,  pour tous ceux qui le suivraient. Tout cela ne pouvait s’achever dans une pirouette où on aurait vu Jésus absorbé par  le divin.  Il fallait que son action  concerne aussi la matière. L’affrontement avec la mort devenait inévitable. Il fallait que le divin s’empare du néant et de la mort. La fin de Jésus telle que nous la connaissons devenait désormais inévitable. C’est donc porteur des promesses déjà contenues dans tout ce qui a préludé à la création que Jésus a vu venir la mort vers lui et qu’elle est devenue vie et éternité. La victoire sur la mort signifie donc qu’il n’y a désormais aucun lieu d’exclusion, aucune situation d’échec irrémédiable où Dieu ne puisse apporter une note d’espérance.

Tout cela en termes clairs signifie que depuis toujours Dieu s’efforce d’intégrer tous les drames humains, qu’il n’est indifférent à aucun échec. Jésus a montré que par sa mort le désespoir n’a aucune place dans les projets de Dieu pour les hommes. Bien entendu, le malin s’acharne à brouiller les cartes et à mettre en nous la perturbation, mais il ne peut anéantir l’espace d’éternité que Dieu a inscrit en chacun de nous.


























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