ENQUÊTE POLICIÈRE A JÉRUSALEM
DIMANCHE 10 JUIN 2012
DIMANCHE 10 JUIN 2012
12Le premier jour des Pains sans levain, le jour où l'on sacrifiait la
Pâque, ses disciples lui disent : Où veux-tu que nous allions te préparer
le repas de la Pâque ? 13Il envoie deux de ses disciples et leur dit : Allez à la
ville ; un homme portant une cruche d'eau viendra à votre rencontre ;
suivez-le,14et là où il entrera, dites au maître de maison : Le maître
dit : Où est la salle où je mangerai la Pâque avec mes disciples ? 15Il vous montrera une grande
chambre à l'étage, aménagée et toute prête : c'est là que vous ferez pour
nous les préparatifs. 16Les disciples partirent, arrivèrent à la ville, trouvèrent les choses
comme il leur avait dit et préparèrent la Pâque.
17Le soir venu, il arrive avec les Douze. 18Pendant qu'ils étaient à table
et qu'ils mangeaient, Jésus dit : Amen, je vous le dis, l'un de vous, qui mange avec moi, me
livrera. 19Attristés, ils se mirent à lui dire l'un après l'autre : Est-ce
moi ? 20Il leur répondit : C'est l'un des Douze, celui qui met avec moi la
main dans le plat. 21Le Fils de l'homme s'en va, selon ce qui est écrit de lui. Mais quel
malheur pour cet homme par qui le Fils de l'homme est livré ! Mieux
vaudrait pour cet homme ne pas être né.
22Pendant qu'ils mangeaient, il prit du pain ; après avoir prononcé la
bénédiction, il le rompit et le leur donna en disant : Prenez ; c'est
mon corps.23Il prit ensuite une coupe ; après avoir rendu grâce, il la leur
donna, et ils en burent tous. 24Il leur dit alors : C'est mon sang, le sang de l'alliance, qui est
répandu pour une multitude. 25Amen, je vous le dis, je ne boirai plus du produit de la vigne jusqu'au jour où
je le boirai, nouveau, dans le royaume de Dieu.
Que peut bien faire là, tout seul
cet homme avec une cruche ? Il est sans doute d’un aspect assez banal pour
qu’on ne fasse pas attention à lui mais assez insolite pour qu’une personne correctement avertie puisse
le repérer. En effet, l’usage voulait
que ce soit plutôt les femmes qui portent les cruches d’eau, c’est pourquoi les
deux compères envoyés par Jésus n’ont aucun mal à le repérer. Pas un seul mot
n’est échangé. Ils le suivent vers une demeure dont l’hôte est resté anonyme.
Cependant tout a été préparé. Ces quelques constatations
suffisent pour que l’on sente peser
l’atmosphère de suspicion dans laquelle
se déroule le récit qui va suivre. Jésus craint les espions qui peuvent
venir de l’extérieur, c'est-à-dire de ceux qui sont envoyés par les autorités
pour repérer où il se cache. Peut-être
la trahison viendra-t-elle de
l’intérieur de sa propre communauté,
peut être même, le sait-il déjà ?
Jésus n’est pas un naïf, il a tout un réseau d’amis fidèles qui se
sont mobilisés pour que tout se passe bien et que les choses se fassent comme
il les a prévues. Ici, quatre personnes
au moins se sont compromises pour se mettre à son service dans une ville où le
danger le guette à chaque coin de rue. Le propriétaire e la maison (1), le porteur
de cruche, et les deux disciples anonymes.
Le soir, quand tout est prêt le
maître n’a plus qu’à se mettre à table avec les douze. Les autres ont disparu.
Le repas pascal peut avoir lieu. Dernier repas de Jésus, première Sainte Cène
que préside le Christ entouré de ceux qui constituent l’embryon de la première
église. Faut-il rappeler à votre mémoire la scène de Léonard de Vinci avec les
douze qui s’interrogent par groupes de trois pour savoir lequel d’entre eux
trahira le maître.
Les paroles ambiguës de Jésus à
propos d’une éventuelle dénonciation les
consternent. « Est-ce moi ? Est-ce un autre ? » Se
demandent-ils, alors que vraisemblablement, ils savent tous déjà qui va trahir. Interpelés
par la tradition et par des thèses plus récentes, nous nous demandons s’il faut le considérer comme
un abominable traître ou comme un héros. Même si certains penchent pour la
thèse du héros, sans pour autant avoir recours à cet apocryphe qui a défrayé
l’actualité, il y a quelques années, il n’en reste pas moins vrai que dans
l’Evangile, c’est une atmosphère d’angoisse de suspicion et de trahison qui
plane.
Indépendamment du rôle tenu par
Judas, nous savons qu’aucun des onze autres ne va jouer un rôle remarquable.
Chacun, à sa façon va trahir, et aucun n’aura l’excuse que l’on prête à
Judas qui aurait trahi soit par ordre du
maître, soit par une décision à caractère politico-religieux visant à
contraindre Jésus à se révéler comme Messie, soit tout simplement par intérêt
personnel, parce qu’il était avide. Les autres sont tout simplement des
couards, ils ont eu peur, ils se sont sauvés comme des lapins au moment de
l’arrestation. Pierre lui-même a fait
pire, il a dit des paroles inadmissibles
de reniement. Voila une belle brochette d’anti-héros qui deviendront tous,
par la suite les chefs de l’Eglise.
Ses amis, car ce sont ses amis
entourent le maître qui va faire les gestes que l’on sait et prononcer les
paroles que l’on sait. Pauvre Jésus,
savait-il qu’il jetait là une pomme de discorde entre les futures églises, si
bien qu’on ne peut pas considérer
que les traîtres de jadis étaient pas
meilleurs que les traîtres d’aujourd’hui. On a depuis passé au crible chaque
geste de Jésus pour en trouver la signification. On a étudié chacune de ses
paroles dont on a cherché le sens caché qu’elles pouvaient avoir en hébreu ou
en araméen et même en copte ancien. Chaque fois ces arguments ont servi à
diviser les hommes entre eux, à dresser des barrières entre les églises et à
répandre la haine, alors qu’il s’agissait de
rendre compte de l’acte d’amour
le plus sublime que Jésus ait accompli ce soir là.
Jésus a tout simplement tenté d’expliquer que ce
repas, qu’ils seraient appelés à célébrer à nouveau en mémoire de lui,
garderait à tout jamais l’empreinte de sa vie
alors qu’il ne serait plus là. La mort cruelle vers laquelle il
s’acheminait était un défi que Jésus relevait pour révéler que Dieu restait présent dans la vie des hommes quand
bien même la mort les engloutirait
L’acte le plus sublime de la vie
de Jésus se déroulait ce soir là au milieu d’hommes apeurés qui ne comprenaient
pas que leur maître accomplissait un
enseignement en actes, qui allait être déterminent pour la suite. Ils étaient invités à comprendre dans
ces simples gestes que le pardon l’emportait sur le péché et que la vie aurait
le dernier mot sur la mort. Plus tard,
leurs successeurs manifesteront la même incompréhension en divisant les églises au sujet des paroles
prononcées ce soir là.
Au lieu de m’attrister, ces
réflexions m’encouragent à porter les regards
au-delà du cercle des douze. Elles nous invitent à nous intéresser à
ceux que le récit a laissé à
l’écart et qui ont dressé la table. Sans
eux la célébration dont les autres ont eu tant de mal à saisir le sens, n’aurait pas eu lieu. Pour que nous
comprenions que la mort de Jésus portait en elle un baume de guérison contre
le péché, il a fallut qu’il y ait un porteur de cruche, il a fallu qu’il y ait
un propriétaire de maison qui se soit affairé en secret pour tout préparer. Il
a fallu aussi qu’il y ait deux disciples anonymes qui fassent une course relais
dans les rues de la ville et déjouent les pièges des tueurs. Combien de
fidélités non dites a-t-il fallu encore pour, apporter les provisions, aller
chercher le pain et le vin. Qui a cuit le mouton ? Qui a fait et agi de
telle sorte que tout soit prêt ? Nous ne le savons pas.
C’est intentionnellement que
j’attire votre attention sur ces quatre hommes. Leur présence ici dans ce récit
nous apprend, mieux qu’ailleurs que les limites de l’Eglises sont bien plus
vastes que la communauté visible rassemblée autour du maître. Elle est bien
plus vaste que le nombre de ceux qui sont recensés sur nos listes et que ceux
que nous accueillons à la table que le Seigneur préside. Serviteurs zélés, nous
organisons l’Eglise avec nos propres critères, nous regardons les hommes avec
nos yeux d’humains et nous avons tendance à fermer les portes de nos
sanctuaires pour que ceux qui sont sur le seuil ne perturbent pas nos saintes
assemblées.
Au regard de ce texte on
s’interroge pour savoir qui est concerné
par le mystère qui est ici raconté. Est-ce seulement les 12 rassemblés autour
du maître et qui dans quelques instants
le trahiront ? Qu’en est-il du porteur de cruche qui, sans doute au risque
de sa vie a guidé les deux anonymes vers la maison d’un troisième qu’on ne connaît pas mais qui avait déjà tout
préparé. Lui aussi a risqué sa vie en
hébergeant dans sa maison celui que la police recherchait pour le traîner
devant le tribunal qui déciderait de sa mort ?
Curieusement, sur le fronton des
églises, on représente
traditionnellement le Christ, les apôtres, et tous ceux dont la tradition a
retenu les noms. Y a-t-il une seule Eglise au monde qui ait osé mettre sur son tympan ou tout
simplement à l’entrée de son sanctuaire l’image d’un homme portant une
cruche ? C’est pourtant grâce à un tel homme que Jésus a pu accomplir ce
geste que nous répétons tant de fois et par lequel nous redécouvrons chaque jour que dans la mort du
Christ se trouve une espérance de vie
pour toutes les nations.
Si quelqu’un voulait reconstituer
l’intrigue policière dans laquelle ce drame s’est joué, si quelqu’un voulait
inventer l’histoire de cet homme pour lui redonner vie, peut être
ferait-il de lui un nouvel apôtre
et peut être ferait-il du récit
de ce compagnon anonyme de Jésus un best
seller.
(1)
Cet homme
pourrait être Jean l’Evangéliste, notable de Jérusalem, gagné à la cause de
Jésus, qui fait tout pour lui faciliter la tâche et qui aurait assisté dans la
cour du grand prêtre à la suite des événements. C’est la thèse que défend Jean-Christian PetitFils dans son livre sur
la vie de Jésus « Jésus » paru aux éditions Fayard en janvier 2012
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire