samedi 12 mai 2012

Matthieu 28:16-20



 Envoi des disciples dans le monde Dimanche 3 juin 2012

 16Les onze disciples allèrent en Galilée, sur la montagne que Jésus avait désignée. 17Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais quelques-uns eurent des doutes ; 18Jésus s'approcha et leur dit : Toute autorité m'a été donnée dans le ciel et sur la terre. 19Allez, faites des gens de toutes les nations des disciples, baptisez-les pour le nom du Père, du Fils et de l'Esprit saint, 20et enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai commandé. Quant à moi, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde. 



Le Christ glorieux associe les apôtres à son règne qui s’ouvre dès maintenant. Ils ont mission de  prendre en charge le monde entier, car le monde entier est concerné par cet événement. On a envie de crier victoire, car les  vicissitudes du monde semblent terminées. Pourtant en écoutant attentivement la lecture de ce texte, on apprend que certains doutent de la réalité dont ils sont témoins, on apprend aussi que les autorités civiles avaient payé des soldats pour faire courir de fausses nouvelles. Alors qui faut-il croire ? Où est là vérité? Bien évidemment mes sous entendus sont volontairement provocateurs.

 Il n’empêche que notre foi doit trouver son chemin à travers les méandres des  interprétations variées et des interrogations qui sont frappées au coin de bon sens. Nous ne pouvons pas construire notre foi sans faire nos propres expériences et acquérir nos propres certitudes. La foi n’est pas une vérité qui tombe du ciel et qui s’impose  à nous sans que notre propre logique ne lui résiste. Le Saint Esprit qui nous vient d’en haut  ne suffit pas. Nous devons passer par l’épreuve du doute et de la remise en question pour que nos intuitions de la foi deviennent des certitudes.  Pour être crédibles, ces certitudes doivent être porteuses d’ouverture sur l’avenir.       

Parmi ces certitudes il y a une qui repose sur le fait que le Christ ressuscité a réussi  à s’imposer aux premiers apôtres qui avaient plus de raisons que nous de le contester.  Il s’est imposé malgré les manipulations des uns et les doutes des autres. Il s‘est imposé à eux parce qu’il est porteur d’espérance, non pas pour eux personnellement ou pour nous personnellement, mais pour le monde.
 
Le Christ ouvre une espérance pour le monde. Il promet que le monde changera quand l’Evangile sera prêché jusqu’aux extrémités de la terre. Cette espérance  est l’élément qui nous pousse à espérer d’abord et  à croire ensuite. Le monde n’est pas voué au fatalisme qui semble peser sur lui, au contraire c’est une nouvelle vision des choses qui nous est proposée. Cette proposition réclame notre participation. Et parce qu’elle nous engage, nous voulons y croire, comme les  onze apôtres y ont cru et comme  tous les chrétiens qui les ont suivi ont cru après eux.

La lecture de ce passage  et  l’espérance qu’elle suscite a donné naissance à de nombreuses expressions de la foi, en particulier aux sculptures triomphantes du Christ  en gloire sur le  tympan de certaines cathédrales gothiques ou  aux magnifiques mosaïques au centre de la coupole des Eglises byzantines. Ces portraits du Christ en gloire sont la manifestation de la foi de tout un peuple qui croit que le Christ change le monde. Le Christ Pantocrator s’assoit à la droite du Père pour rendre toute chose nouvelle. La résurrection est l’événement qui déclenche la transformation du monde.  Depuis 2000 ans  les artistes ont fidèlement transmis cette vision et au XXe eme siècle il en est au moins un, Salvador Dali qui a suivi leurs traces. Dans son admirable cène il mêle le Christ glorieux au Christ  partageant le pain et le vin pour que le monde transfiguré  découvre sa vocation promise..

Le Christ ressuscité vient combattre nos doutes et nous rappelle que sans espérance nous n’avons pas d’avenir. Si donc nous aspirons à un avenir meilleur, si nous croyons que Dieu est capable d’ inventer un devenir à notre société, nous devons rejoindre ceux qui depuis toujours ont fidèlement lié leur foi à cet événement glorieux où le Christ en gloire nous dit en même temps qu’il prend le monde en  charge et qu’il nous envoie pour  être les instruments de cette promesse.


La mondialisation dont on nous rabat les oreilles depuis quelques temps était déjà à la mode dans le projet du Christ, car c’est de mondialisation qu’il entretient ses disciples. Il veut que son enseignement devienne la règle de vie du monde entier. Il ne veut pas qu’il soit le monopole d’une petite secte marginalisée dans la société juive du Moyen Orient qui était la première Eglise. L’Evangile devait conquérir l’empire, et il le fit. Il devait devenir le moteur d’un nouvel ordre des choses et il le devint.

Sous l’influence de l’Evangile le monde devait devenir différent. Et ce fut le cas. De païen, le monde est devenu Chrétien. L’Evangile a bousculé les  frontières de l’empire  et il est parti à la conquête de ces terres barbares qui sont devenues les nôtres aujourd’hui. La frénésie de la mission est devenue contagieuse et l’Evangile a retenti  jusqu’au bout de la terre. N’est-ce pas merveilleux?  Le monde en est-il pour autant devenu meilleur?, compte tenu d’un certains nombres de valeurs incontournables aujourd’hui, on peut sans doute dire que sans l’Evangile ça aurait pu être pire.
 
Certes je n’ignore ni les larmes ni le sang que tout cela a provoqué, je n’oublie ni les compromis ni la recherche de la gloire personnelle, je ne gomme pas non plus le fait que des fortunes entières ont été arrachées à certains pour enrichir quelques privilégiés. Rien de tout cela ne s’est construit sans que le  péché des hommes n’ait apporté régulièrement son lot de notes discordantes, mais je dis que le processus de mondialisation a d’abord été le fait de l’Evangile. Or nous semblons découvrir ce phénomène comme une nouveauté alors qu’il a déjà été usé par 20 siècles d’élans missionnaires. A l’origine de cette mondialisation de l’Evangile, il y a le texte que nous méditons aujourd’hui. Il s’appuie  sur la certitude que  la proclamation de l’Evangile avait pour vocation de transformer le monde en une confrérie fraternelle d’hommes et de femmes gérant  la planète  pour la plus grande gloire du Père. Les résultats ne sont apparemment pas visibles, mais le processus est en marche, même si on se force aujourd’hui à refuser de le voir  et que l’on focalise notre attention sur d’autres forces qui le masquent.

Sous couvert d’Evangile l’homme s’est fait loup pour l’homme. Les terres a évangéliser son devenues des réservoirs d’hommes asservis. Les puissances colonisatrices en ont profité pour normaliser le monde à la mode occidentale en imposant leurs langues et leurs coutumes  parce qu’elles pensaient qu’elles étaient les supports les mieux adaptés à la foi chrétienne et aux échanges économiques. Toutes ces mauvaises raisons et aussi quelques unes de ces bonnes raisons ont été mises au service, qu’on le veuille ou non du Seigneur Jésus Christ pour bâtir le monde d’aujourd’hui. On peut s’en féliciter ou le rejeter, là n’est pas la question. Qu’il nous suffise de constater que l’intention primitive était bonne, puisqu’elle découlait d’un ordre du Christ qui faisait du partage fraternel le mot d’ordre de la conquête du monde.
 
 Si la mondialisation telle que l’Evangile l’a proposée n’a pas apporté  l’égalité sociale qu’elle avait vocation d’apporter, que va-t-il en être de la mondialisation actuelle qui ne se cache pas  derrière des  a priori moraux ?  N’allez pas imaginer qu’elle va diffuser malgré elle un évangile égalitaire alors qu’elle est déjà issue de l’inégalité. 

L’Evangile doit reprendre sa place dans tout cela. Il doit prendre la tête d’une révolution sociale indispensable sans quoi  le monde basculera sous les coups des égoïsmes conjugués. Qu’on ne dise pas alors qu’on sera forcé à faire du social pour survivre. On ne fera du social que si notre espérance nous y pousse et seule l’espérance contenue dans l’Evangile nous y poussera.

Il est urgent dans ce contexte que l’Evangile soit pris au sérieux par ceux qui s’en réclament. Les Eglises ont passé l’époque de leurs dissensions internes. Elles ne doivent  pas manquer  cette chance qui leur est offerte aujourd’hui  de rappeler au monde que l’Evangile a lancé des hommes dans une aventure d’espérance et de partage, Le courant de la mondialisation est porteur, et il est nécessaire qu’elles l’utilisent pour que les idées du Christ  se répandent à nouveau comme un flux d’espérance sur un monde à la dérive. Il ne s’agit plus de paraphraser Malraux en disant que le monde de demain sera spirituel ou ne sera pas, il faut avoir l’audace de dire  avec conviction que le monde de demain sera  gagné à l’Evangile  ou ne sera pas.


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