Le Christ glorieux associe les apôtres à son règne qui s’ouvre dès
maintenant. Ils ont mission de prendre
en charge le monde entier, car le monde entier est concerné par cet événement.
On a envie de crier victoire, car les vicissitudes du monde semblent terminées.
Pourtant en écoutant attentivement la lecture de ce texte, on apprend que
certains doutent de la réalité dont ils sont témoins, on apprend aussi que les
autorités civiles avaient payé des soldats pour faire courir de fausses nouvelles.
Alors qui faut-il croire ? Où est là vérité? Bien évidemment mes sous
entendus sont volontairement provocateurs.
Il n’empêche que notre foi doit
trouver son chemin à travers les méandres des
interprétations variées et des interrogations qui sont frappées au coin
de bon sens. Nous ne pouvons pas construire notre foi sans faire nos propres
expériences et acquérir nos propres certitudes. La foi n’est pas une vérité qui
tombe du ciel et qui s’impose à nous
sans que notre propre logique ne lui résiste. Le Saint Esprit qui nous vient
d’en haut ne suffit pas. Nous devons
passer par l’épreuve du doute et de la remise en question pour que nos
intuitions de la foi deviennent des certitudes.
Pour être crédibles, ces certitudes doivent être porteuses d’ouverture
sur l’avenir.
Parmi ces certitudes il y a une qui repose sur le fait que le Christ
ressuscité a réussi à s’imposer aux
premiers apôtres qui avaient plus de raisons que nous de le contester. Il s’est imposé malgré les manipulations des
uns et les doutes des autres. Il s‘est imposé à eux parce qu’il est porteur
d’espérance, non pas pour eux personnellement ou pour nous personnellement,
mais pour le monde.
Le Christ ouvre une espérance pour le monde. Il promet que le monde
changera quand l’Evangile sera prêché jusqu’aux extrémités de la terre. Cette
espérance est l’élément qui nous pousse
à espérer d’abord et à croire ensuite.
Le monde n’est pas voué au fatalisme qui semble peser sur lui, au contraire c’est
une nouvelle vision des choses qui nous est proposée. Cette proposition réclame
notre participation. Et parce qu’elle nous engage, nous voulons y croire, comme
les onze apôtres y ont cru et comme tous les chrétiens qui les ont suivi ont cru
après eux.
La lecture de ce passage et l’espérance qu’elle suscite a donné naissance
à de nombreuses expressions de la foi, en particulier aux sculptures
triomphantes du Christ en gloire sur
le tympan de certaines cathédrales
gothiques ou aux magnifiques mosaïques au
centre de la coupole des Eglises byzantines. Ces portraits du Christ en gloire
sont la manifestation de la foi de tout un peuple qui croit que le Christ
change le monde. Le Christ Pantocrator s’assoit à la droite du Père pour rendre
toute chose nouvelle. La résurrection est l’événement qui déclenche la
transformation du monde. Depuis 2000 ans
les artistes ont fidèlement transmis
cette vision et au XXe eme siècle il en est au moins un, Salvador Dali qui a
suivi leurs traces. Dans son admirable cène il mêle le Christ glorieux au
Christ partageant le pain et le vin pour
que le monde transfiguré découvre sa
vocation promise..
Le Christ ressuscité vient combattre nos doutes et nous rappelle que sans
espérance nous n’avons pas d’avenir. Si donc nous aspirons à un avenir
meilleur, si nous croyons que Dieu est capable d’ inventer un devenir à notre
société, nous devons rejoindre ceux qui depuis toujours ont fidèlement lié leur
foi à cet événement glorieux où le Christ en gloire nous dit en même temps
qu’il prend le monde en charge et qu’il
nous envoie pour être les instruments de
cette promesse.
La mondialisation dont on nous rabat les oreilles depuis quelques temps
était déjà à la mode dans le projet du Christ, car c’est de mondialisation
qu’il entretient ses disciples. Il veut que son enseignement devienne la règle
de vie du monde entier. Il ne veut pas qu’il soit le monopole d’une petite
secte marginalisée dans la société juive du Moyen Orient qui était la première
Eglise. L’Evangile devait conquérir l’empire, et il le fit. Il devait devenir
le moteur d’un nouvel ordre des choses et il le devint.
Sous l’influence de l’Evangile le monde devait devenir différent. Et ce
fut le cas. De païen, le monde est devenu Chrétien. L’Evangile a bousculé
les frontières de l’empire et il est parti à la conquête de ces terres
barbares qui sont devenues les nôtres aujourd’hui. La frénésie de la mission
est devenue contagieuse et l’Evangile a retenti
jusqu’au bout de la terre. N’est-ce pas merveilleux? Le monde en est-il pour autant devenu
meilleur?, compte tenu d’un certains nombres de valeurs incontournables
aujourd’hui, on peut sans doute dire que sans l’Evangile ça aurait pu être
pire.
Certes je n’ignore ni les larmes ni le sang que tout cela a provoqué, je
n’oublie ni les compromis ni la recherche de la gloire personnelle, je ne gomme
pas non plus le fait que des fortunes entières ont été arrachées à certains
pour enrichir quelques privilégiés. Rien de tout cela ne s’est construit sans
que le péché des hommes n’ait apporté
régulièrement son lot de notes discordantes, mais je dis que le processus de
mondialisation a d’abord été le fait de l’Evangile. Or nous semblons découvrir
ce phénomène comme une nouveauté alors qu’il a déjà été usé par 20 siècles
d’élans missionnaires. A l’origine de cette mondialisation de l’Evangile, il y
a le texte que nous méditons aujourd’hui. Il s’appuie sur la certitude que la proclamation de l’Evangile avait pour
vocation de transformer le monde en une confrérie fraternelle d’hommes et de
femmes gérant la planète pour la plus grande gloire du Père. Les
résultats ne sont apparemment pas visibles, mais le processus est en marche,
même si on se force aujourd’hui à refuser de le voir et que l’on focalise notre attention sur
d’autres forces qui le masquent.
Sous couvert d’Evangile l’homme s’est fait loup pour l’homme. Les terres
a évangéliser son devenues des réservoirs d’hommes asservis. Les puissances
colonisatrices en ont profité pour normaliser le monde à la mode occidentale en
imposant leurs langues et leurs coutumes parce qu’elles pensaient qu’elles étaient les
supports les mieux adaptés à la foi chrétienne et aux échanges économiques.
Toutes ces mauvaises raisons et aussi quelques unes de ces bonnes raisons ont
été mises au service, qu’on le veuille ou non du Seigneur Jésus Christ pour
bâtir le monde d’aujourd’hui. On peut s’en féliciter ou le rejeter, là n’est
pas la question. Qu’il nous suffise de constater que l’intention primitive
était bonne, puisqu’elle découlait d’un ordre du Christ qui faisait du partage
fraternel le mot d’ordre de la conquête du monde.
Si la mondialisation telle que
l’Evangile l’a proposée n’a pas apporté
l’égalité sociale qu’elle avait vocation d’apporter, que va-t-il en être
de la mondialisation actuelle qui ne se cache pas derrière des
a priori moraux ? N’allez
pas imaginer qu’elle va diffuser malgré elle un évangile égalitaire alors
qu’elle est déjà issue de l’inégalité.
L’Evangile doit reprendre sa place dans tout cela. Il doit prendre la
tête d’une révolution sociale indispensable sans quoi le monde basculera sous les coups des
égoïsmes conjugués. Qu’on ne dise pas alors qu’on sera forcé à faire du social
pour survivre. On ne fera du social que si notre espérance nous y pousse et
seule l’espérance contenue dans l’Evangile nous y poussera.
Il est urgent dans ce contexte que l’Evangile soit pris au sérieux par
ceux qui s’en réclament. Les Eglises ont passé l’époque de leurs dissensions
internes. Elles ne doivent pas manquer cette chance qui leur est offerte aujourd’hui de rappeler au monde que l’Evangile a lancé
des hommes dans une aventure d’espérance et de partage, Le courant de la
mondialisation est porteur, et il est nécessaire qu’elles l’utilisent pour que
les idées du Christ se répandent à nouveau
comme un flux d’espérance sur un monde à la dérive. Il ne s’agit plus de
paraphraser Malraux en disant que le monde de demain sera spirituel ou ne sera
pas, il faut avoir l’audace de dire avec
conviction que le monde de demain sera gagné à l’Evangile ou ne sera pas.
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