lundi 14 janvier 2013

Luc 4:21-30


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Luc 4 :21-30 le sermon à Nazareth - dimanche 3 février 2013


4 Jésus retourna en Galilée, avec la puissance de l'Esprit ; le bruit s'en répandit dans toute la région. 15 Il enseignait dans leurs synagogues, et il était glorifié par tous.
16 Il vint à Nazareth, où il avait été élevé, et il se rendit à la synagogue, selon sa coutume, le jour du sabbat. Il se leva pour faire la lecture, 17 et on lui remit le livre du prophète Esaïe. Il déroula le livre et trouva le passage où il était écrit :
18 L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a conféré l'onction pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres ; il m'a envoyé pour proclamer aux captifs la délivrance, et aux aveugles le retour à la vue, pour renvoyer libres les opprimés,
19  pour proclamer une année d'accueil de la part du Seigneur. 20 Puis il roula le livre, le rendit au servant et s'assit. Les yeux de tous, dans la synagogue, étaient fixés sur lui.

 21 Alors il se mit à leur dire : Aujourd'hui cette Ecriture, que vous venez d'entendre, est accomplie. 22 Tous lui rendaient témoignage, étonnés des paroles de grâce qui sortaient de sa bouche ; ils disaient : N'est-ce pas le fils de Joseph ? 23 Il leur dit : Certainement, vous me citerez ce proverbe : Médecin, guéris-toi toi-même ; tout ce qui s'est produit à Capharnaüm, selon ce que nous avons appris, fais-le aussi ici, dans ton pays ! 24 Il leur dit encore : Amen, je vous le dis, aucun prophète n'est bien accueilli dans son pays. 25 En vérité, je vous le dis, il y avait beaucoup de veuves en Israël aux jours d'Elie, lorsque le ciel fut fermé trois ans et six mois et qu'il y eut une grande famine sur tout le pays ; 26 et cependant Elie ne fut envoyé vers aucune d'elles, mais vers une veuve de Sarepta, dans le pays de Sidon. 27 Il y avait aussi beaucoup de lépreux en Israël au temps du prophète Elisée ; et cependant aucun d'eux ne fut purifié, mais Naaman le Syrien. 28 Lorsqu'ils entendirent cela, tous, dans la synagogue, furent remplis de fureur. 29 Ils se levèrent, le chassèrent hors de la ville et le menèrent jusqu'à un escarpement de la montagne sur laquelle leur ville était construite, afin de le précipiter en bas. 30 Mais lui passa au milieu d'eux et s'en alla.




Quel est donc ce Dieu qui a d’abord fait de Jésus un prédicateur séduisant, puis qui transforma  ce même homme  en un provocateur tel qu’il mérita la mort?  Est-ce Jésus qui a changé ou est-ce Dieu ? En fait au cours des quelques années qu’a duré son ministère Jésus a précisé les contours du visage de Dieu son Père.

Ce Dieu se distanciait de plus  en plus du Dieu  auquel croyaient ses contemporains. Il le présentait non seulement comme son Père, mais  aussi comme  le Père de tous les hommes. Il n’était plus lié à la spécificité de celui que la tradition présentait comme le Dieu d’Israël. Jésus ne faisait pas vraiment de ce peuple, un peuple à part. Son Dieu prenait plutôt une valeur universelle.

Bien des croyants aujourd’hui ont encore  du mal à se situer  par rapport à Dieu et cherchent encore à l’enfermer dans leurs traditions au point de croire qu’il n’y a pas de salut hors de leur particularisme. Seul leur baptême, et le rite selon lequel  ils l’administrent donne accès au salut, seule leur eucharistie est porteuse de vérité.

Le Dieu de Jésus Christ semble se démarquer de tout cela. Il se retrouve sans doute aussi dans les traditions non chrétiennes. Il aime tous les hommes et c’est vers eux tous qu’il tend les mains.
Ce sont ces notions que nous retrouvons dans  le sermon de Jésus. Dans ce  seul sermon, il nous est présenté  comme un résumé de ce que sera le ministère de Jésus. Dans un premier temps qui sera celui du sermon sur la Montagne, Jésus va  provoquer chez ceux qui l’écoutent un immense espoir. Puis on ne comprendra plus très bien où il voudra en venir et inquiets, quelques disciples le quitteront. En phase finale, il agacera tout le monde, les autorités civiles et religieuses conjugueront leurs efforts pour se saisir de lui et le tuer.

 En essayant de comprendre ce qui se passe dans ce sermon, nous comprendrons sans doute ce qu’il y avait de choquant dans tout son ministère et  par voie de conséquence ce qui fait la spécificité de l’Evangile.

Comment se fait-il donc que ceux qui l’ont adulé se soient retournés contre lui pour réclamer sa mort?  Comment se fait-il donc que la « Bonne Nouvelle de l’Evangile » puisse provoquer un tel retournement de situation?

Il est clair que Jésus a provoqué l’enthousiasme grâce à ses propos accompagnés de miracles. Il donnait alors les signes  évidents que le Royaume de Dieu annoncé par les prophètes  était en train de se mettre en place, c’est ce dont les gens du Lac à Capharnaüm avaient été témoins. Lentement ils ont découvert dans les propos de Jésus que le Royaume de Dieu n’offrait  pas une série d’avantages réservés aux uns et refusés aux autres. Le Royaume était pour tous, juifs et païens, pécheurs honnêtes ou pécheurs scandaleux. Le Royaume n’était pas seulement la guérison physique des infirmes, le retour à la santé  des malades et l’apport de nourriture aux foules. Ces signes réclamaient une transformation intérieure et profonde des individus, et peut être même de la société. Ils émanaient d’un Dieu qui n’était pas le même que celui que les scribes et les pharisiens présentaient dans leurs enseignements.

La transformation des individus ne se fait pas par des miracles, elle demande un effort de chacun et réclame sa collaboration. Et c’est là que le bât blesse. Tout au long de l’Evangile, nous découvrons que Jésus réclamait la collaboration de celui qu’il secourait. Jésus est intervenu dans de nombreuses situations et il a toujours  accompagné son intervention d’une injonction à agir : « Prends ton lit et marche ». 

Ce  n’est pas si facile. Dans son sermon à la synagogue de Nazareth il leur donne l’exemple de 2 miracles opérés, l’un par Elie qui est perçu comme le plus grand des prophètes et l’autre  par son disciple Elisée. Dans les deux cas les personnes concernées sont deux étrangers païens. La première concerne une femme, trop pauvre pour survivre à la disette qui serait morte sans le prophète (1). Dans le deuxième cas, il s’agit d’un ministre d’une puissance étrangère atteint de lèpre, qu’Elisée a guéri (2).

Les auditeurs de Nazareth ne sont pas stupides, ils comprennent que les païens ont  part à la même promesse  de Dieu qu’eux. Ils comprennent en extrapolant les propos de Jésus qu’ils n’ont  aucun privilège aux regards du Seigneur. Ni privilège par la naissance, ni privilège par la fortune et que le fait d’appartenir au peuple élu leur est d’aucun avantage.  Ils comprennent que pour participer à cette bonne nouvelle du Royaume, ils doivent d’abord opérer une  conversion vers l’autre. Dieu aime les autres autant que nous, même les étrangers, même les étrangers qu’on ne connaît pas. Pour que cette conversion se réalise il faut que nous travaillions sur nous-mêmes pour la désirer. Mais il n’est pas naturel de désirer une telle transformation.

Dieu aime les autres autant que nous! C’est déjà dur à entendre. Il aime autant le non croyant que le croyant, c’est encore plus dur à entendre et il nous demande d’agir de telle sorte que les autres, quels qu’ils soient,  bénéficient de la même situation que nous. Ce changement est sans doute possible, mais parfaitement  inacceptable, c’est pourquoi les auditeurs de Nazareth décident  de tuer le ver dans le fruit avant qu’il ne  contamine le monde entier et ils essayent de passer à l’acte.

Jésus sait très bien  que ce qu’il suggère  est difficile à imaginer et qu’ils vont s’opposer à ses propos, c’est pourquoi il les prévient : « Vous allez me dire, médecin guéris-toi toi-même, ou nul n’est prophète en son pays ». Cette conversion que Jésus propose est impossible à moins que nous ne  la désirions. Pour que nous la désirions, il faut encore que Dieu s’en mêle, il faut que nous acceptions qu’il travaille en nous et qu’il aille encore plus loin que nous ne pensons. Il faut que le Dieu de la tradition soit détruit pour faire place au Dieu Père de Jésus Christ.

En principe nous ne sommes pas  opposés au changement en nous. Nous le souhaitons mêmes. Nous nous savons pécheurs et nous désirons ne plus l’être.  Nous savons que nos comportements et nos pensées déplaisent souvent à Dieu et nous souhaitons les améliorer. Nous désirons que Dieu fasse fondre nos cœurs  de pierre. Tout cela les prophètes l’avaient déjà dit. Jean Baptiste, le précurseur de Jésus s’en était fait une spécialité. Mais Jésus lui va plus loin. Il réclame notre changement à l’égard de  l’autre.

Pour Jésus l’intérêt que nous devons porter à l’autre est tel qu’il doit provoquer un changement radical en lui car nous devons agir de telle sorte qu’il désire se tourner vers  ce Dieu qui nous a poussé à agir. Jusqu’à la venue de Jésus, la morale exigeait que nous ne soyons pas les agresseurs de l’autre et que l’autre se trouve mieux à notre contact, et c’est tout. Pour Jésus  nous devons mettre tant d’amour dans notre  relation à l’autre que l’autre désire venir vers Dieu.

Le service  qu’on leur apporte doit être d’une telle qualité que les autres  découvrent Dieu à l’œuvre  dans ce que nous faisons  et désirent le rejoindre.  Il faut que ceux que nous aurions tendance à rejeter éprouvent une telle joie d’être parmi nous qu’ils désirent changer pour devenir comme nous ! Est-ce que je rêve ? 

Mais qui sont ces  autres  dont on parle ici et vers lesquels Jésus  nous envoie? Ils sont  préfigurés par la veuve de Sarepta et Nahaman le Syrien, ils sont au départ des étrangers païens dont l’une et pauvre et sans avenir et dont l’autre est riche, ministre d’une puissance étrangère  et peut être ennemi potentiel.  Aujourd’hui ces étrangers païens ont laissé la place à ces exclus dont personne ne veut, sauf Dieu. Il  a besoin d’eux  pour qu’ils édifient son Royaume avec nous et avec lui. Ils  ont vocation à le connaître et nous avons vocation à les y encourager. Notre prière quotidienne   ne sera plus seulement : « donne-nous chaque jour notre pain quotidien »  mais « donne-nous chaque jour un prochain à aimer » 

(1) La Veuve de Sarepta  fut secourue par Elie au moment de la grande famine 1 Rois 17:8-24.
(2) Naaman   était le chef de l'armée de Syrie qu'Elisée guérit de la lèpre 2 Rois 5

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