12 J'ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le porter
maintenant. 13 Quand il viendra, lui, l'Esprit de la vérité, il vous conduira
dans toute la vérité ; car il ne parlera pas de sa propre initiative, mais il
dira tout ce qu'il entendra et il vous annoncera ce qui est à venir. 14 Lui me
glorifiera, parce qu'il prendra de ce qui est à moi pour vous l'annoncer. 15
Tout ce qu'a le Père est à moi ; c'est pourquoi j'ai dit qu'il prendra de ce
qui est à moi pour vous l'annoncer.
Tout au long de l’Evangile de Jean, Jésus
va s’interroger sur la Vérité. A la fin de ce même Evangile, Pilate en signant
la condamnation à mort de Jésus va se demander ce qu’est la Vérité. La recherche
de la vérité fait partie des préoccupations spirituelles ou intellectuelles de
tous les peuples et de tous les temps. C’est en son nom que l’on a fait les
meilleurs et les pires des choses, c’est en son nom que l’on a fait taire les
uns en les tuant, ou que l’on a fait crier les autres en les torturant. La
Vérité est donc au cœur de la Bible, car le Dieu d’amour, le Dieu de paix ou le
Dieu de l’espérance, est aussi le Dieu de vérité, c’est ce que disaient déjà
les rabbins à l’époque de Jésus qui lui-même ouvrait la voie qui mène à Dieu en
disant « je suis le chemin la vérité et la vie » (14/6)
Dans le passage de l’Evangile que nous avons lu, alors que Jésus parle de
vérité, il laisse entendre que la vérité n’est pas encore de l’ordre du présent
et qu’elle est de l’ordre du futur: « l’Esprit de vérité vous conduira »
dit-il. La connaissance parfaite de la vérité reste quelque chose qui est en
devenir. Cela veut dire que notre appartenance à Jésus Christ ne va pas nous
permettre de découvrir en un instant la vérité. Elle fait partie de la foi,
mais elle n’est pas la foi. La foi est une intuition qui peut brusquement se
transformer en certitude. On peut dater le moment où on la reçoit, mais la
vérité demandera une plus longue approche, un travail personnel sur soi, une
découverte progressive des choses. La foi, c’est la certitude de l’amour de
Dieu pour nous, par contre la vérité consiste à pénétrer par la foi, grâce au
saint Esprit dans l’intimité du cœur de Dieu. Jésus ici prépare ses proches aux
différentes étapes de la vie spirituelle qui les attend. Dans un premier temps
ils recevront le choc de la foi en découvrant le tombeau vide. Puis dans un
second temps ils chemineront en compagnie de Dieu à la découverte de la vérité.
« Qu’est-ce que la vérité? » Demandera Pilate en se lavant les mains
quelques jours après cet entretien de Jésus avec les siens. Pilate signifie par
ce geste qu’il ne s’implique pas dans la mort de Jésus. Pourtant il va envoyer
à la mort, sans état d’âme particulier, celui qui justement se propose de
l’entretenir de la vérité, c’est dire que la vérité n’a aucun attrait pour lui,
tout au moins la vérité telle qu’elle émane de Jésus. Pour Pilate, la vérité,
c’est l’ordre, la discipline et la soumission. La vérité se limite à sa
préoccupation immédiate. Il ne la vit que dans l’instant, mais cette vérité là
est éphémère, elle est très vite érodée par le temps. Quelques années plus
tard, la décision de l’empereur qui enverra Ponce Pilate en exil changera, sans
doute, sa conception de la vérité. De bourreau il deviendra victime, et il
méditera alors d’une autre manière sur la vérité en attendant que la mort lui
ferme les yeux sur sa propre vérité ou les lui ouvre sur la vérité de Dieu.
Ainsi y
a-t-il plusieurs vérités, il y a celles qui appartiennent à la logique des
hommes, qui varient au gré du temps et des modes. Il y a aussi une vérité qui
dépasse l’homme qui est d’ordre métaphysique et qui s’accomplit en Dieu. Il y a
donc deux vérités : Il y a la vérité toute relative qui est celle des hommes et
qui s’oppose au mensonge tel que les hommes le conçoivent, (mais qu’est-ce que
le mensonge?) et puis, il y a une vérité qui nous dépasse, qui vient d’ailleurs
et qui est la seule qui soit digne de retenir notre intérêt parce qu’elle vient
de Dieu, parce qu’elle est en Dieu. Sa recherche ne préoccupait pas
particulièrement Pilate, comme nous l’avons vu, ni ne préoccupe pas beaucoup de
nos semblables, comme nous le verrons.
Cette deuxième vérité nous dérange parce que pour y participer, il va falloir y consacrer du temps. On n’y entre que patiemment, et partiellement, en approfondissant sa foi et en se laissant provoquer par le saint Esprit. Cette quête réclame toute notre attention de chrétien, mais nous fait en même temps participer aux battements du cœur de Dieu.
Beaucoup d’entre nous pourtant limitent leurs relations à Dieu à l’acte de foi par lequel ils découvrent qu’ils sont sauvés par grâce. J’ai dit tout à l’heure que cet événement pouvait être soudain, et qu’on pouvait même le dater. Et cela suffit à en satisfaire beaucoup. La liste de leurs noms remplit les fichiers paroissiaux, mais ils ne se bousculent pas sur les bancs de nos temples. Ils sont convaincus de la gratuité du salut ! On le leur a tellement répété qu’ils n’éprouvent pas le besoin de fréquenter nos assemblées. A quoi bon venir au culte pensent-ils pour recevoir le pardon qui est sans cesse renouvelé gratuitement? Voltaire riait bien, et n’avait pas forcément tort quand il disait: « il faut bien que Dieu pardonne puisque c’est son métier » ! Pourtant, Calvin flairant le danger, avait enseigné que le salut reçu par la prédestination, n’était pas à tout jamais acquis et qu’une saine fréquentation de nos assemblées pouvait aider à le conserver. Mais nous n’avons pas retenu cet aspect de l’enseignement du Réformateur et nous avons continué à prêcher la gratuité du salut, tout en laissant les moins zélés ou les plus malins priver nos temples de leur présence et nous avons eu raison.
En fait, la foi n’est que le premier aspect, le premier mouvement de notre relation à Dieu. Elle place Dieu devant nous comme Sauveur et Libérateur, mais sauveur de quoi? ou Libérateur de qui? Le secret de notre foi dépend maintenant de la manière dont nous allons approfondir notre connaissance de Dieu. Notre foi doit se remplir d’un contenu qui va donner du sens aux termes de Sauveur et de Libérateur qui qualifient Dieu. C’est ainsi que nous entrons dans la recherche de la Vérité.
Pour cela, Dieu vient vers nous. Son Esprit rencontre notre esprit, il parle à notre intelligence, il donne du sens à notre réflexion et la vérité sur Dieu prend corps lentement. Elle mettra toute notre vie terrestre à se façonner et à approcher au plus près la réalité de Dieu. Le salut est acquis une fois pour toute, mais la connaissance du salut nécessite un compagnonnage de tous les jours avec Dieu dont une des étapes est le temps du culte dominical.
Nous savons bien sûr que la recherche de la vérité n’était pas le seul fait de Jésus. Beaucoup avant lui cherchaient depuis longtemps à approcher la vérité de plus près. Les maîtres de la Loi, ses contemporains disaient que l’existence du monde reposait sur 3 choses: la vérité, la justice et la paix, la Vérité était la première et servait même à définir Dieu.
Dieu n’avait-il pas abordé une première fois cette notion de vérité en donnant la Loi par la main de Moïse? Mais cette Loi, transmise par un homme n’était qu’une ébauche de la vérité et elle impliquait un désir de dépassement que les prophètes avaient formulé de différentes manières. Jésus en rendit la réalisation possible. La mort et le résurrection de Jésus donnaient à la Loi une dimension nouvelle. Elle devenait désormais partage de vie avec Dieu. La Vérité que propose Jésus consiste donc à entrer dans ce partage avec Dieu. L’Esprit de Jésus permet à ceux qui le reçoivent de participer dès maintenant à toutes ses promesses. C’est là le miracle que Dieu fait pour nous, il consiste à bénéficier de l’expérience de la mort de Jésus sans avoir eu à la subir. C’est là le premier pas sur le chemin de la Vérité.
La vérité consiste donc à entrer par l’action du Saint Esprit dans la proximité de Dieu afin que ce soit lui qui inspire les décisions que nous prenons et qui motive les actions que nous faisons. Il ne s’agit donc pas de s’asseoir sur le bord du chemin en disant « Dieu voulant ». et en laissant passivement Dieu agir. Il s’agit plutôt d’un combat sur nous-mêmes où nous prenons nos décisions en fonction de notre relation à Dieu. Cela n’implique pas pour autant des résultats spectaculaires. En agissant ainsi, nous tendons seulement à mettre nos actions en conformité avec la volonté de Dieu, sans préconiser de la suite à venir.
En agissant ainsi, nous ne sommes pas plus sauvés que les autres et nous ne
les devançons en rien dans le royaume ou dans la faveur de Dieu, nous répondons
seulement à notre vocation de Chrétien et ainsi nous permettons que
s’entrouvrent un peu plus les portes du Royaume. La seule satisfaction que nous
pouvons en retirer c’est d’avoir essayé d’être fidèles à notre Dieu, et de
faire un pas avec lui sur le chemin de la vérité.
Statue "La vérité méconnue"
Aimé-Jules Dalou
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