vendredi 5 juillet 2013

Luc 10:38-42



Luc 10 : 38-42  Marthe et Marie  Dimanche 21 juillet 2019


38 Pendant qu'ils étaient en route, il entra dans un village, et une femme nommée Marthe le reçut. 39 Sa sœur, appelée Marie, s'était assise aux pieds du Seigneur et écoutait sa parole.
40 Marthe, qui s'affairait à beaucoup de tâches, survint et dit : Seigneur, tu ne te soucies pas de ce que ma sœur me laisse faire le travail toute seule ? Dis-lui donc de m'aider. 41 Le Seigneur lui répondit : Marthe, Marthe, tu t'inquiètes et tu t'agites pour beaucoup de choses. 42 Une seule est nécessaire. Marie a choisi la bonne part : elle ne lui sera pas retirée.


D’habitude, ce sont les frères et non les sœurs  qui sont mis en opposition dans l’évangile, parce que la société de l’époque mettaient plus en avant les hommes que les femmes, pourtant ici, comme pour déroger à la règle, ce sont deux sœurs qui interrompent Jésus . Elles lui ouvrent leur porte et le reçoivent. Ces deux femmes ont été rendues célèbres par l’Evangile de Jean qui les présente comme des amies  proches de Jésus qui rendit la vie à leur frère Lazare décédé. Marie a été identifiée à la femme qui renversa un vase de parfum aux pieds de Jésus. Ici, elles nous sont présentée par l’évangéliste Luc. Il est peu familier des coutumes d’Israël, et présente les deux sœurs comme des femmes plus représentatives  de la société grecque que de la société juive. Il donne à Marthe le rôle de chef de la  maisonnée,  ce qui n’aurait pas cours en terre d’Israël. 



Luc par le truchement de ces deux femmes va  aborder la situation des femmes dans l’Eglise telle qu’elle se posait à  la première génération du christianisme. Derrière le questionnement de Marthe qui s’inquiète de voir sa sœur aux pieds de Jésus écoutant avec avidité l’enseignement du maître, il faut  reconnaître le souci des premiers chrétiens qui devaient s’interroger de la place que prenaient les femmes dans le ministère de l’Eglise.  En effet, Lydie qui était chef d’entreprise par exemple,  devint aussi chef d’Eglise dans la ville de Philippe. D’autres femmes dont nous ne connaissons pas toujours les noms avaient sans doute commencé à occuper des postes importants. Était-ce raisonnable ?


En rapportant cet épisode de la vie de Jésus, Luc essaye sans doute de répondre  à cette question que l’actualité avait rendue brûlante. Ici, Marthe par son attitude  soutient la thèse selon laquelle les femmes doivent s’occuper d’autre chose que de théologie. Marie qui est mise en cause ici ne dit rien. La réponse de Jésus semble dire sans ambigüité que  Marie serait  à la bonne place et que l’étude de  la théologie relèverait vraiment de son ressort. Elle a donc vocation à prendre la place du maître quand il ne sera plus là. Mais Jésus répond-il vraiment à la question  au sujet de laquelle nous nous interrogeons? Comme nous allons le voir plus loin,  c’est  en fait à une autre question qu’il répond.


Une nouvelle question surgit alors. Jésus est-il en train d’établir une hiérarchie dans les fonctions que l’on exerce dans l’Eglise ? Que les femmes   aient leur place dans le ministère de l’enseignement, qu’elles puissent exercer celui de la parole, cela ne semble pas  poser vraiment de problème, même si on a mis des siècles à s’en apercevoir, mais y a-t-il supériorité du ministère de la parole sur les autres ministères ? C’est  ce que Jésus semble dire  et c’est l’enseignement que l’on a pris l’habitude de retenir de ce texte.


Vue le caractère de Marthe  on comprend vite qu’elle n’était pas de nature à se laisser dominer, en tout cas pas par sa sœur qu’elle évincerait volontiers plutôt que de se laisser dominer par elle. Elle croit savoir que son service pour le Seigneur est indispensable à la bonne marche des affaires. Elle ne conçoit pas que le service de l’écoute passe avant celui de l’action. Le bavardage théologique passe pour elle au second plan. Tout se passe dans son esprit comme si tout avait déjà été dit depuis longtemps sur Dieu et sur la manière de le servir et qu’il n’y avait pas lieu d’en rajouter. Tout cela n’était que commentaires de rabbins, inutiles à la bonne marche des choses. En pensant ainsi elle se situe dans un courant de pensée classique. Pour elle ce qui compte, c’est l’efficacité, et elle s’y emploie.


Nous reconnaîtrons dans son comportement une attitude assez répandue dans beaucoup de nos églises et de nos paroisses qui cherchent à se rendre visibles par l’efficacité de leurs actions.  Elles cherchent plus à témoigner de leur foi par les œuvres qu’elles font plus que par leur approche spirituelle des événements. On  mobilise plus facilement les paroissiens d’une communauté  pour s’investir  dans les œuvres de la paroisse plutôt que pour fréquenter les études bibliques, si bien qu’il est de bon ton de considérer  que les gens les plus efficaces sont ceux qui agissent et non pas ceux  qui s’assoient pour méditer et réfléchir.


En lisant un peu vite ce passage on penserait facilement que Jésus prend ici le contrepied de Marthe et qu’il la désavoue. Marthe quant à elle ne s’en laisse pas conter et campe sur ses positions. Quant à Marie, elle ne se lève pas pour rejoindre sa sœur à sa demande, elle reste assise avec l’approbation du maître.


Jésus en fait, ne donne pas tort à Marthe, il lui reproche de s’inquiéter et de s’agiter pour beaucoup de choses. C’est son souci qui est l’objet de sa critique et non pas la tâche qu’elle accomplit. Marthe se met en souci parce que les choses ne prennent pas la tournure qu’elle souhaite. En bonne maîtresse de maison, elle croit savoir ce qui est bon pour son hôte et elle prie sa sœur d’adopter la même attitude qu’elle. Elle va même jusqu’à reprendre Jésus parce qu’il n’a pas eu les mêmes pensées qu’elle et qu’il ne se soumet pas à ses propres  conventions sociales auxquelles elle donne une portée universelle.


Or, Jésus n’est pas un hôte ordinaire. S’il est reçu par les deux sœurs, c’est parce qu’il est perçu par elles comme celui qui vient de la part de Dieu. Ce qu’il a  à leur dire est un message de la part de Dieu. Marthe ne se soucie pas de cette réalité, elle agit comme elle croit devoir agir, elle agit comme si elle savait mieux que le messager de Dieu ce qu’elle doit faire. Elle sait mieux que Jésus ce que Dieu lui demande et elle reproche à Jésus de ne pas avoir la même pensée sur Dieu qu’elle-même. Là est le problème. Elle reproche à Marie et à Jésus de débattre sur des questions théologiques qu’elle-même a  sans doute déjà résolues.  Elle ne  cherche pas à savoir ce que Dieu souhaite qu’elle fasse. Elle le sait déjà et mieux que lui. Elle n’imagine même pas  qu’elle doive se soucier de la volonté de Dieu avant de se mettre au travail pour lui. Pour Jésus Marthe ne se soucie pas  à bon escient et ne s’agite pas pour la bonne cause, parce qu’elle n’a pas pris soin de s’en soucier.


Il y a ici un bon enseignement pour l’Eglise qui ne prend toujours pas le temps de réfléchir à ce que Dieu souhaite qu’elle fasse avant d’agir. Si l’église avait pris cette peine elle aurait évité par le passé de se fourvoyer dans des situations contestables dont la liste serait trop longue pour qu’on la dresse  maintenant. 



Si Marie reste assise aux pieds du maître, c’est pour recevoir de lui un enseignement qui déterminera par la suite ce qu’elle doit faire. Peut-être sera-t-elle invitée  à  rejoindre sa sœur et s’agitera-t-elle avec elle ? Mais avant de le faire, encore faut-il qu’elle sache ce que Dieu lui demande.

Le message pour l’Eglise devient alors clair. Peu importe que les femmes aient accès au ministère comme nous avons cru le discerner dans un premier temps. Ce qui semble nécessaire avant tout, c’est de savoir discerner la volonté de Dieu. C’est pourquoi il est nécessaire de s’assoir et de laisser du temps à la méditation afin de savoir ce que Dieu attend de nous.  Ensuite, quand nous aurons compris son message, il sera toujours temps de s’agiter pour faire sa volonté.





Illustrations: Paul-Alexandre-Alfred Leroy Musée des beaux Art à Rouen

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