lundi 26 août 2013

Exode 32:7-14

Exode 32: 1-14 :  Trois aspects différents de Dieu. dimanche 15 septembre 2013




1Le peuple vit que Moïse tardait à descendre de la montagne ; alors le peuple se rassembla autour d'Aaron et lui dit : Fais-nous des dieux qui marchent devant nous ! Car ce Moïse, cet homme qui nous a fait monter d'Egypte, nous ne savons pas ce qui est advenu de lui ! 2 Aaron leur dit : Enlevez les anneaux d'or qui sont aux oreilles de vos femmes, de vos fils et de vos filles, et apportez-les-moi. 3 Tous les gens du peuple enlevèrent les anneaux d'or qui étaient à leurs oreilles et les apportèrent à Aaron. 4 Celui-ci prit l'or de leurs mains, le façonna au burin et fit un taurillon de métal fondu. Puis ils dirent : Voici tes dieux, Israël, ceux qui t'ont fait monter d'Egypte ! 5 Lorsque Aaron vit cela, il bâtit un autel devant le taurillon et s'écria : Demain, il y aura une fête pour le SEIGNEUR ! 6 Le lendemain, ils se levèrent de bon matin, ils offrirent des holocaustes et présentèrent des sacrifices de paix. Le peuple s'assit pour manger et pour boire ; puis ils se levèrent pour s'amuser.

7 Le SEIGNEUR dit à Moïse : Va, descends ; car ton peuple, celui que tu as fait monter d'Egypte, s'est perverti. 8 Ils se sont bien vite écartés de la voie que je leur avais prescrite ; ils se sont fait un taurillon de métal fondu, ils se sont prosternés devant lui, ils lui ont offert des sacrifices et ils ont dit : Voici tes dieux, Israël, ceux qui t'ont fait monter d'Egypte !

9 Le SEIGNEUR dit à Moïse : Je vois que ce peuple est un peuple rétif. 10 Maintenant, laisse-moi faire : je vais me mettre en colère contre eux, je les exterminerai, et je ferai de toi une grande nation.

11 Moïse chercha à apaiser le SEIGNEUR, son Dieu ; il dit : SEIGNEUR, pourquoi te mettre en colère contre ton peuple, alors que tu l'as fait sortir d'Egypte par une grande puissance, par une main forte ? 12 Pourquoi les Egyptiens diraient-ils : « C'est pour leur malheur qu'il les a fait sortir : c'est pour les tuer dans les montagnes et pour les exterminer, pour les faire disparaître de la terre ! » Reviens de ta colère ardente, renonce au mal que tu voulais faire à ton peuple ! 13 Souviens-toi d'Abraham, d'Isaac et d'Israël, tes serviteurs, auxquels tu as dit, en faisant un serment par toi-même : « Je multiplierai votre descendance comme les étoiles du ciel, je donnerai à votre descendance tout ce pays dont j'ai parlé, et ce sera son patrimoine pour toujours. » 14 Alors le SEIGNEUR renonça au mal qu'il avait parlé de faire à son peuple.


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 1 à 6

Qui est ce Moïse que l’on nous présente ici ? Il se permet de contester les décisions de Dieu et de lui donner des conseils et  Dieu se soumet à ses injonctions. Il suffit que Moïse parle   pour que Dieu change d’avis. C’est un peu comme si Moïse avait le pouvoir de remettre en cause les décisions divines et de contraindre Dieu à apparaître sous un autre aspect.  Lequel est le bon ? Moïse se trouve ici revêtu d’une puissance de prière telle qu’elle change la nature de Dieu et  le cours des choses.

En fait ce n’est pas la première fois qu’un homme se trouve revêtu d’une telle puissance.  Abraham avait  eu une attitude semblable à  l’égard de Dieu dans une prière célèbre qu’il fit pour tenter de sauver Sodome et Gomorrhe (1). Il ne réussit cependant pas  à changer le cours de l’histoire et les deux villes furent détruites. Lors du déluge, c’est grâce à la seule sympathie de Dieu pour Noé que la destruction de l’humanité fut évitée. Noé montra par la suite qu’il n’était pas meilleur que les autres et que son salut avait relevé de la seule grâce.  Tout se passe comme si au contact des hommes, Dieu changeait de nature. C’est comme si la grâce était en train de devenir réalité.

Ainsi de nombreux textes de l’Ancien Testament nous présentent Dieu sous des aspects différents à tel point que l’on peut se demander quel est son vrai visage. Il peut être le Créateur revêtu de la toute-puissance qui ne tergiverse pas sur  son autorité. Il endurcit le cœur de pharaon pour arriver à ses feints.  Il exige une soumission totale et une obéissance sans faille de ceux qu’il décide de sauver.

Ce Dieu se heurte de plein fouet à une autre image de lui-même que lui oppose Moïse et qui lui  propose une autre conception de sa divinité pleine de bienveillance pour les humains. Ces deux images, qui se trouvent dans ce passage, sont le produits de deux traditions différentes mêlées l’une à l’autre par les derniers rédacteurs de la Bible. Cela nous donne un portrait changeant de Dieu qui balance entre  les exigences de sa justice et sa compassion pour les hommes.

Ce Dieu qui qui incline à la tendresse ne peut pas se défaire de  cette autre image de lui selon laquelle  il ne doit pas transiger avec sa justice, c’est pourquoi l’intervention généreuse de Moïse ici, sera suivie de la punition d’une partie des coupables.

Mais ce n’est pas tout, le texte nous présente une troisième image de Dieu. Elle bouscule les deux précédentes et provoque notre réflexion parce qu’elle nous concerne très personnellement. C’est l’image qu’Aaron nous donne de Dieu.

Il reconnait en lui un Dieu libérateur qui a sauvé son peuple et il organise une fête en forme de « te deum » pour l’honorer à grands renforts de fanfares, de processions et de danses. Pour que ce Dieu dont il loue les bienfaits soit une réalité bien présente dans la pensée de son peuple et ne soit pas le produit de sa seule  imagination il en fait une image symbolique qui contient en elle tout ce que son peuple  ne doit pas oublier.

Il emprunte l’image du taureau dont il transfert les attributs sur Dieu pour signifier la confiance de son peuple. Comme le taureau Dieu est indomptable et nul ne peut le dominer. Dieu est non seulement libérateur, mais l’image du taureau le revêt  de force et d’invulnérabilité. De plus, en  maintenant  la présence du taureau, comme divinité égyptienne  dans ce culte  du désert, Aaron manifeste  la fidélité  de Dieu  à l’histoire  de son peuple. Le Dieu du passé est aussi le Dieu de l’avenir. Il est donc aussi le Dieu fidèle.

Après cela, quels sont les reproches que l’on peut adresser à Aaron ? Qu’est-ce qui dans les festivités qu’il organise pourrait offenser Dieu ?  Ce culte est bien fidèle à l’histoire que les hébreux   ont vécue depuis la sortie d’Egypte.  Certes, ils ont représenté Dieu sous la forme d’un veau. Mais est-ce si grave ?  Toute la Bible est pleine d’images mentales que l’on se fait  pour représenter Dieu. N’a-t-on pas dit qu’il était un feu dévorant ? C’est lui-même qui se présente comme un buisson qui ne s’éteint pas. Sur le mont Horeb ne se présente-t-il pas comme un doux zéphyr ?  Dans le Temple, l’arche de l’Alliance, surmontée du propitiatoire et encadrée par les deux chérubins, n’était-elle pas une représentation  de Dieu, tout aussi contestable que la représentation symbolique du taureau ?

Dans notre société moderne, débarrassés de tous ces archaïsme ne continuons-nous pas à  représenter Dieu de manière symbolique ? Nous représentons le Dieu unique par une définition trinitaire. Ne faisons-nous pas de l’image de la colombe un usage contestable ? La croix dans nos sanctuaires y a-t-elle vraiment sa place ?  A défaut d’images matérielles, nous
en faisons d’autres qui le rendent même redoutable. Les derniers débats dans notre pays au sujet du « mariage pour tous » n’ont-ils pas présentés Dieu sous différents visages souvent incompatibles les uns envers les autres ?

Dans le récit qui nous concerne, c’est donc 3 aspects de Dieu qui se juxtaposent. L’écrivain biblique a essayé de les faire  cohabiter mais il n’y est pas pleinement arrivé. Le Dieu tel que le représente Aaron est violemment combattu par le Dieu que Moïse s’efforce de décrire. Pour le mettre en accord avec le « dieu créateur » il est obligé de sacrifier une partie des hommes de son peuple restés fidèles à l’image de Dieu qu’en a donnée Aaron..

Le seul reproche que l’on peut faire à Aaron c’est d’avoir voulu faire de son peuple un peuple privilégié, préféré par Dieu et protégé par lui des agressions des autres. C’est ce désir d’être distingué parmi les peuples qui en fera sa pierre d’achoppement. Qu’à cela ne tienne beaucoup reprennent cette notion  à leur compte encore aujourd’hui, quand ils pensent que Dieu favorisent certaines catégories de croyants et  qu’il s’intéresse davantage aux convertis, aux « born again »  au détriment des incroyants ou des adeptes des autres religions. Il ne faut pas faire de grands efforts sur soi pour comprendre que le Dieu présenté par Aaron ressemble étrangement au Dieu que vénèrent aujourd’hui beaucoup de chrétiens.

Bien évidemment l’Ecriture ne fait pas le tri dans ces diverses images qu’elle nous donne de Dieu. Elle les fait cohabiter selon l’opinion qu’en ont les rédacteurs  au moment où ils rédigent leur récit.  Ils ont en toile de fond des réalités qui n’appartiennent pas  à l’époque où se déroule l’histoire qu’ils racontent. Ils ont écrit au moment de l’exil à une époque où ils se sentaient abandonnés par Dieu et où ils  vivaient l’horreur de la déportation. Ils ont écrit aussi  sous l’excitation du retour de l’exil et ont transmis dans leurs récits l’immense espérance que véhiculait en eux la perspective du retour. C’est dans de tels contextes que les récits relatant les événements d’origine ont été écrits. Et nous, aujourd’hui, nous les recevons dans un tout       autre contexte, et  pourtant ils nous parlent aussi de Dieu.

Moïse dans ce passage  est décrit comme celui qui a tout compris de la sainteté de Dieu et de l’espérance des hommes. Il a réussi à concilier le désir de justice de Dieu avec l’aspiration des hommes à être guidés par Dieu tout en voulant s’affirmer comme responsables d’eux-mêmes. L’Ecriture était bien en avance sur son temps car elle a exprimé à sa manière notre souci d’aujourd’hui. Nous aspirons à être protégés et gardés par Dieu et nous voudrions en même temps nous débrouiller sans lui. Y a-t-il  un moyen de concilier les deux  tendances?

Bien évidemment, c’est le regard tourné vers Jésus que j’ai orienté mon propos. Il a gommé de l’image de Dieu tout ce qui nous rebutait. Le Dieu de la vengeance, de la violence et du châtiment s’est effacé. Il en a fait le Dieu de la vie, de l’amour et de l’espérance. Il a donné à tout homme la possibilité de vivre en harmonie avec ses semblables.  Désormais chacun est invité à se sentir responsable du destin de son prochain.

Cela réclame pour chacun de nous  une vraie conversion, afin que nous acceptions  de regarder Dieu avec le même regard qui était celui de Jésus Christ.  Il nous faut donc bannir de nos pensées l’idée que Dieu ferait de nous des êtres à part pour nous sauver.  Dieu nous sauve en nous mettant sur le chemin de l’amour, de la fraternité et de l’espérance.  Il nous invite à faire des efforts pour que l’amour de Dieu gagne ceux qui ne lui sont pas encore acquis, car Dieu n’a pas d’autre but que de sauver tous les humains

(1)  Genèse 18 :16-33

Illustrations: Marc Chagall

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