Esaïe 35: 1-10 la terre transformée - dimanche 11 décembre 2016. Ce sermon a déjà été proposé le 15 décembre 2013
1 Que le désert et la terre manifestent leur joie!
Que le pays sec s'émerveille
et se couvre de fleurs,
2 aussi belles que les lis
Oui, qu'il se couvre de fleurs, et qu'il s'émerveille à grands cris!
Le Seigneur lui a donné la splendeur des montagnes du Liban
l'éclat du mont Carmel et de la plaine de Saron.
On pourra voir alors la glorieuse présence du Seigneur,
l'éclat de notre Dieu.
3 Rendez force aux bras fatigués,
affermissez les genoux chancelants.
4 Dites à ceux qui perdent courage:
" Ressaisissez-vous, n'ayez pas peur, voici votre Dieu"
Il vient vous venger et rendre à vos ennemis
le mal qu'ils vous ont fait, il vient lui-même vous sauver."
5 Alors les aveugles verront et les sourds entendront.
6 Alors les boiteux bondiront comme des cerfs
et les muets exprimeront leur joie.
Car de l'eau jaillira dans le désert,
des torrents ruisselleront dans le pays sec.
7Le sable brûlant se transformera en étang,
et le pays de la soif en région de sources.
A l'endroit-même où les chacals avaient leur repaires
pousseront des roseaux et des joncs.
8 C'est là qu'il y aura une route
qu'on nommera le "chemin réservé".
Aucun impur n'y pourra passer, aucun idolâtre n'y rôdera.
Elle sera destinée au peuple du Seigneur
quand il se mettra en marche.
9 Sur cette route, pas de lion;
aucune bête féroce ne pourra y accéder, on n'en trouvera pas.
C'est là que marcheront ceux que le Seigneur aura libérés.
10 C'est là que reviendront ceux qu'il aura délivrés.
Ils arriveront à Sion en criant de bonheur.
Une joie éternelle illuminera leur visage.
Une joie débordante les inondera,
tandis que chagrins et soupirs se seront évanouis.
Une
route s’ouvre dans le désert aride peuplé de bêtes dangereuses devant les
immigrants en quête d’une terre d’accueil. Les broussailles se dressent devant les pas des voyageurs et leur barrent la
route. Elles les découragent de s’aventurer plus avant dans
ces contrées hostiles. Et pourtant les marcheurs qui n’ont pas d’autres
solutions continuent. Il n’y a rien de surprenant dans cette
évocation, il s’agit là du paysage habituel du désert si souvent évoqué pour
décrire la campagne des pays de la Bible qui était loin de ressembler à un pays
où coule le lait et le miel comme l’avait laissé entendre Moïse aux fugitifs qui l’accompagnaient depuis l’Égypte.
Ils
étaient nourris de l’idée qu’ils allaient prendre possession de ce pays qui
allait devenir leur terre et où une
nouvelle vie les attendait en dépit des les déboires de toutes sortes qu’ils
allaient rencontrer. Ces pèlerins
audacieux avaient remplis leur âme de toutes sortes d’images qui
rendent désirable la terre vers laquelle ils orientaient leurs pas. Tels étaient sans doute les illusions qui permettaient
aux nouveaux venus d’avancer. D’où venaient-ils ? Le texte ne permet
pas vraiment de le savoir.
Étaient-ils des exilés venus du Royaume du
Nord fuyant une première déportation. Étaient-ce des exilés revenus au pays après la deuxième
déportation. Qu’importe. Ils avançaient vers
une terre où ils voyaient s’accomplir leur destin et où ils espéraient
bénéficier d’une bénédiction divine. A mesure qu’ils avançaient le ciel se
faisait plus doux sur leurs têtes, et leurs pas se faisaient plus fermes sur un sol moins caillouteux. Les ronces laissaient
la place à des herbes moins agressives. Du moins le croyaient-ils. Telle n’est-elle
pas l’illusion de tous les exilés qui s’approchent d’une terre qu’ils croient
plus accueillante que celle qu’ils ont laissés? Même s’ils ne sont pas dupes,
ils ont tous animés par la foi en un avenir meilleur et ils s’efforcent de
croire que Dieu habite leur espérance.
Dans
leurs pensées la campagne se transforme, les lys se mettent à fleurir, la
steppe aride fait place à de verts pâturages où gambadent les agneaux et les cabris. Les paysans en
pleines santé qu’ils croisent sur leur chemin ne sont pas fatigués, toujours
joyeux, ils manifestent une éternelle jeunesse. Avec un peu d’imagination nous
pourrions nous laisser aller à penser que le prophète Esaïe qui décrit l’arrivée des
exilés en terre d’Israël, se soit inspiré du "conte du Prince charmant" bien que
ni les dates ni les lieux ne correspondent. Mais l’idéal du pays enchanteur qui
s’ouvre après un parcours hasardeux existe dans toutes les civilisations. Le
voyageur qui traverse le désert de la soif n’a-t-il pas à l’esprit le mirage de l’oasis couverte d’une palmeraie accueillante.
Notre
récit serait-il la description de cette oasis de bonheur jamais atteinte
qu’entreverrait le prophète et qu’il décrirait avec complaisance pour aider son
peuple à patienter en attendant un bonheur illusoire qui ne viendra
jamais ? On a pris l’habitude de lire ce passage dans le temps de l’Avent,
ce moment de l’année où on fait place aux contes et légendes pour mieux dominer
la rudesse des temps. On se laisse plus facilement saisir par l’émotion en
pensant que Dieu est descendu du ciel
pour se geler dans la paille afin de sauver les hommes. Pourtant, nous le
savons bien, Noël n’est pas une illusion et les contes contiennent eux aussi des vérités qu’il nous
faut forcer pour en trouver le sens.
Les
contes que nous venons d’évoquer contiennent un parcours initiatique qu’il nous
faut décrypter si on veut en saisir le sens. Sans la clé du texte, nous n’en
découvrons pas l’énigme. Ainsi, le Prince charmant doit-il franchir de nombreux
obstacles avant de réveiller la princesse de sa vie qui l’attend depuis cent
ans dans un château niché au milieu des bois. Le petit Poucet lui aussi doit
suivre un chemin au milieu des bois, mais il connaît la clé de l’énigme et
retrouve sa route grâce aux pierres blanches qu’il laisse tomber sur le chemin.
Malheur à lui s’il néglige la clé et se croit malin. Il remplace les cailloux
par du pain que mange les oiseaux et ce sont les ennuis qui arrivent. Le Petit
Chaperon rouge voit deux routes s’ouvrir devant lui. La plus longue contourne
la forêt et l’emmène saine et sauve chez sa grand-mère ainsi que sa galette et son pot de beurre.
Elle peut vivre alors sa vie de femme. Malheur à elle si elle fait un mauvais
usage de sa clé et si elle brûle les étapes en prenant le chemin qui traverse
la forêt. Le loup la devance, mange la grand-mère ainsi que la galette et le
pot de beurre et l’enfant par-dessus de la marché .
C’est
un chemin semblable qui s’ouvre devant Esaïe, car son récit fonctionne comme un
conte de fée. Que l'auditeur ne s’en offusque pas, il sait bien que le récit
lui est donné pour qu’il réfléchisse et exerce sa sagacité. Les aveugles ne guérissent pas par simple
miracle généralisé, ni les infirmes et l’eau ne jaillit pas en plein désert
s’il n’y a pas de source, à moins qu’on l’y amène. Les lions ne disparaissent
pas sans qu’on les chasse. Rien ne se fait sur ce chemin du désert si l’homme
n’en change le cours des choses.
Et
maintenant, où se trouve la clé du texte ? Est-elle dans l’intelligence
des hommes et leur bonne volonté ? Le prophète entrevoit-il des jours
nouveaux qui se réaliseront quand l’intelligence humaine sera rejointe par la
sagesse divine ? L’espèce humaine gagnée par la grâce partagera tous ses
talents et chacun échangera son savoir-faire pour le mieux-être de tous. Toute
la planète gagnée à l’idéal évangélique deviendra une terre habitable par tous.
Ce sera merveilleux, c’est techniquement possible mais ça ne marche pas ! Et chacun de se poser des tas de
questions sans trouver une seule bonne explication.
Les
contes évoqués plus haut pourraient-ils
nous ouvrir une autre grille de lecture ?
Même quand on a compris la bonne clé, le conte se poursuit par une
incertitude qui est liée à la liberté de chacun et à laquelle il faut encore apporter une bonne
part de hasard. Que sera la suite de la vie de la belle endormie qui se
réveille dans les bras de son prince? Nul ne le sait. Quantité de gosses
braillards vont-ils hanter le palais au point d’y rendre la vie
impossible ? Que chacun imagine la suite. Le petit Poucet revient bien à la
maison grâce à ses cailloux, mais la famine n’a pas disparu et l’histoire
recommencera jusqu’à son dénouement, bon
ou mauvais. Quelle vie attend le Petit Chaperon
rouge qui a fait le grand tour? Il n’a pour s’ouvrir à la vie qu’un pot de
beurre et une galette ! Est-ce suffisant ? Et le danger du loup
est-il définitivement écarté ?
Face
à ces conclusions, nous pouvons dire que
le prophète Esaïe a cependant raison.
Oui, la transformation de l’humanité est possible, oui le partage des
ressources est possible, mais il nécessite une prise en main de notre personne
par Dieu. Notre conversion est un acte personnel qu’on ne peut imposer à
personne. Elle est liée à une relation personnelle que Jésus établit avec chacun de nous par l’action permanente de
son saint Esprit qui plane sur l’humanité et ce que chacun de nous peut recevoir mais qui ne s’impose pas à personne.Liberté oblige.
Il
existe encore une clé de compréhension que je n’ai pas mentionnée car je la
gardais pour la fin, c’est celle de l’action du péché en nous. Malgré notre
conversion et la présence de l’esprit en nous, malgré notre bonne volonté et
notre désir de bien faire, le péché
ne s’est pas écarté de chacun de
nous. Il continue à habiter nos bas instincts,
il ne cesse de nous tenter et de plaider le faux pour le vrai. Chacun de nous est vulnérable
et se retient d’entrer à corps perdu dans l’altruisme et l’amour
inconsidéré du prochain. Le pardon, sans cesse prodigué par Dieu nous permet
d’avancer et de rester raisonnables, mais le Royaume promis par Jésus n’est pas
encore accompli. Esaïe en avait
l’intuition, Jésus nous a donné les clés pour y arriver, Dieu nous donne, la foi, l’espérance et la
patience pour le construire brique après brique. Il nous donne le pardon, sans cesse renouvelé pour toujours repartir quand nous nous sommes trompés et que nous avons mal agi.Nous n' avons pas toutes les clés en main mais nous en
avons beaucoup à notre disposition. Faisons-en bon usage.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire